Fidel Fourneyron : Bengué
par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.
Rocher de Palmer, Cenon le 16 mars 2023.
Une des caractéristiques du jazz c’est que toutes les portes y sont ouvertes. Il suffit d’oser les pousser pour élargir son univers musical ou comme des archéologues en découvrir d’anciennes traces. C’est dans cet esprit que travaille Fidel Fourneyron ? Après être allé s’imprégner des musiques cubaines traditionnelles pour son projet ¿ Que Vola ? (Un CD et un très joli documentaire) le voilà reparti en Afrique avec Bengué (l’Europe dans un argot africain de l’Ouest) . Action Jazz était allé voir la résidence de ce projet en mai 2021*.
A partir de textes existants ou commandés à des poètes africains, évoquant l’histoire, la colonisation, la diaspora, Fidel a composé une œuvre poétique et chaleureuse. Pas d’agressivité dans les textes, pas de complaisance non plus, la musique bâtie autour des percussions mettant en situation et en valeur toutes ces évocations, souvent dramatiques, parfois douces.
La première sensation que l’on a lors du concert, c’est avant qu’il ne commence, cette beauté des instruments magnifiques, balafons, marimba, djembé, tambours, alignés sur la scène.
La deuxième c’est l’arrivée des musiciens avec des costumes colorés, chatoyants, brillants. Un effort esthétique pour illuminer encore davantage le discours et la musique.
La troisième c’est bien sûr cette musique aux percussions flamboyantes sur laquelle Emma Lamadji va nous chanter son Afrique et celle de ses ancêtres. Le jazz, l’Europe, la France sont là avec les trois instruments, trombone, violon et contrebasse. Tous se fond, se mêle.
Fidel est tromboniste mais il n’aura pas profité de sa position de leader pour imposer son instrument, on regretterait presque de ne pas l’entendre davantage ; il le pose parfois même pour jouer des percussions. Ce melting pot instrumental est des plus riches, capable d’autant de douceur que d’énergie. Magique de regarder se fabriquer cette musique, chacun posant son rythme, de gestes apparemment simples, l’ensemble polyrythmique étant fluide et chaleureux. Les transes seront aussi au rendez-vous, on ne voudrait pas que ça s’arrête, on voudrait bouger davantage que ce que nous permettent les sièges de la salle.
Citons les autres musiciens, superbes acteurs de cette riche musique : au violon Clément Janinet, à la contrebasse Thibaud Soulas, au balafon la bordelaise Ophélia Hié, au marimba et percussions Samuel Mastorakis remplaçant Vassilena Serafimova et au djembé, balafon et bara, Adiouma Diabaté remplaçant Mélissa Hié, cette dernière tournant en ce moment avec Zakir Hussain.
Un moment de musique universel, susceptible de réconcilier les communautés grâce à la beauté apaisante, l’émotion et la joie qu’il diffuse.
* Lien : https://blog.lagazettebleuedactionjazz.fr/fidel-fourneyron-nouveau-projet-en-residence-au-rocher/
Galerie photos :