par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.

Rocher de Palmer, mercredi 12 février 2020.

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Pour quelqu’un comme moi qui n’y est jamais allé, quand on évoque la Norvège, la Suède, des clichés viennent aussitôt à l’esprit, les fjords, le saumon, les saunas, Borg et les tennismen des 70’s et bien sûr un marchand de meubles en pièces détachées. Mais s’il y a bien quelque chose qui justement n’est pas un cliché c’est le jazz de là-bas, ce jazz nordique européen qui a su créer un style se démarquant de son ancêtre américain. Si on regarde de plus près et notamment en Norvège ce n’est pas par hasard s’il s’est ainsi développé, les politiques culturelles étant vraiment au service de la musique et des musiciens qui y trouvent un support matériel et logistique plus qu’intéressant. Associé au talent de nombreux artistes, cet état de fait a ainsi permis l’éclosion du jazz scandinave : Terje Rypdal, Jan Garbarek, Niels Peter Molvaer, Lisa Ekdahl et bien sûr Esbjörn Svensson et son trio EST. Le pianiste suédois étant disparu brutalement d’un accident de plongée en 2008, ses deux compatriotes du trio, Magnus Öström (batterie) et Dan Berglund (basse) ont rejoint une autre figure, mais norvégienne, le pianiste Bugge Wesseltoft pour former Rymden, espace en Français.

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Ils nous font l’honneur d’être là ce soir dans une 650 bien peu garnie. Étonnant que le public jazz bordelais ne se soit pas mobilisé pour cette affiche prestigieuse. Que faut-il donc pour attirer les amateurs ?

Modestement, Rymden définit sa musique comme basée sur une écriture mélancolique et atmosphérique, des rythmes à la charge dramatique et un jazz virtuose du plus haut niveau, rien que ça. Et bien c’est exactement ce qui va nous être offert ce soir.

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Dès les deux premiers titres, les trois men in black nous font un résumé de tout le concert. Commençant par un bruitage minimaliste avec « Reflections », le groupe enchaîne avec «The Odyssey » où le tempo va monter, alimenté par le gimmick prenant de la contrebasse, la batterie devenant nerveuse et le piano lyrique. Tout y est, les climats intimes, la délicatesse, les fulgurances, la puissance.

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Sur « Pitter-Patter » le cristal du Rhodes vient apporter ses touches de légèreté à une rythmique cyclique, nous voilà bien dans ce jazz scandinave innovant et toujours en recherche. La suite du concert nous le démontrera. Mais d’abord un morceau au titre étonnant présenté par Magnus Öström, le seul à prendre la parole ce soir, « The Lugubrious Youth of Lucky Luke » et ses quatre accords répétés à l’envi. Je n’imaginais pas la jeunesse de notre lonesome cowboy aussi triste. Mais cette ballade minimaliste est tout simplement une merveille, murmurée plus que jouée. Les surprises continuent, sur un titre du prochain album, la contrebasse se veut électrique, avec du fuzz et de la reverb, la montée en puissance m’évoquant le «Red» de King Crimson, du grand art.

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Voilà une longue suite, elle aussi de l’album à venir, on oublie que c’est du jazz, on entre dans un domaine expérimental, les ondes du Moog, les percussions de l’archet sur les cordes, le solo de clochettes célestes au son trafiqué, le piano léger, une étrange transe cataclysmique qui se met en place. Étonnant, curieux, bizarre, à ne pas mettre entre toutes les oreilles sans préparation. Apparemment le morceau devrait s’appeler « Charles de Gaulle » ou « Terminal 1 » référence à l’aéroport que Magnus trouve si beau architecturalement.

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Parfois j’aurais quand même aimé davantage de musique et moins d’atmosphères. Le dernier titre, avant le rappel, me ravira en ce sens, le trio y donnant sa pleine puissance rythmique et mélodique. Quel son, quelle cohésion !

Ce jazz scandinave reste tout de même très cérébral et d’une beauté pas forcément immédiatement accessible aux non-initiés. A nous de les convaincre de s’y plonger et d’y découvrir des plaisirs qu’ils ne soupçonnaient pas. Peut-être avec Rymden une nouvelle fois, Magnus en nous remerciant de notre présence nous précisant « Not enough time, we really miss wine and châteaux. Next time ! »

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La première partie, de par sa brièveté, nous a proposé le teaser – j’exagère – du nouvel album du Youpi quartet. Toujours cette couleur insolite dominée par la flûte volubile d’Emilie Calmé et l’harmonica de Laurent Maur ( mais comment peut-on jouer autant de belles notes avec un si petit instrument ! )

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sur la rythmique imposante et maintenant parfois funk ou rock de Curtis Efoua (batterie)et Ouriel Ellert (basse).

Le répertoire nouveau se veut toujours mélodieux mais plus musclé, l’engagement physique d’Emilie traduisant cela, les beaux dialogues harmo/flûte se transformant en vive discussion. Des effets électros, de basse, de flûte, comme des bruits urbains pour mon oreille sur le très engagé et parfois hard « Lolita » terminent en beauté ce court concert. Envie d’en entendre davantage ? La version intégrale nous sera proposée le 26 mars à l’Inox de Bordeaux. Tant mieux !

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PM carte Action-Jazz copie

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