Aurore Voilqué invite Angelo Debarre à Musical’Océan
par Philippe Desmond, photos Christine Sardaine.
Créé en 2008 à Lacanau, le festival Musical’Océan plus particulièrement tourné vers la musique classique avec des artistes prestigieux, fait chaque année une place au jazz, reconnaissant ainsi la qualité de ce style de musique que nous aimons tant, François Salque, violoncelliste, en est le directeur musical et l’organisation est assurée par l’association Ici et Maintenant
Cette année c’est Aurore Voilqué (violon, chant) avec Angelo Debarre (guitare) et la rythmique Mathieu Chatelain (guitare ), Claudius Dupont (contrebasse) qui représentent le jazz à travers leur swing manouche de grande qualité. Et oui, ironiquement la facétieuse Aurore nous précise qu’elle est entourée de mauvais musiciens, précisant plus sérieusement qu’elle a choisi les meilleurs. Ce style de jazz, le swing manouche ou le swing français ou encore le french strings, inventé dans les années 30 est toujours au goût du jour, grâce à des formations de ce type où les musiciens font des prouesses. Voilà ainsi deux solistes et le tapis rouge de velours plein de paillettes de la rythmique – dixit Aurore – sur lequel ils peuvent exprimer leur liberté musicale ; et ils ne vont pas s’en priver.
Django bien sûr va planer sur ce concert, sa « Mélodie au Crépuscule » ouvrant le set avec délicatesse. Angelo caresse ses cordes pour le moment, dans un registre délicat, rejoint par Aurore qui sans transition va lancer l’alerte « Daphné » . Nous voilà partis dans un tourbillon de musique, les deux solistes se répondant sur la route tracée par la pompe manouche de Mathieu Chatelain et les riches accords de basse de Claudius Dupont. Le concert est bien lancé et le public déjà dans la poche ; il a fallu d’ailleurs rajouter des chaises sur les côtés de la scène devant l’engouement provoqué par ce concert.
Dans le Nouveau Dictionnaire du Jazz, Angelo Debarre est qualifié de supersonique, il l’est en effet, avec une virtuosité folle sa main gauche monte, descend le fin manche de sa guitare manouche, vitesse certes mais toujours musicalité. Mais ce serait réduire son talent que de ne parler que de sa dextérité, il sait merveilleusement jouer en finesse et ses possibilités d’improvisation paraissent infinies. Tout cela avec une grande aisance et un flegme apparent. Solos, contrechants, il est partout. Face à lui Aurore au violon, véloce, très musicale avec un son très chaud, très coulé lors des ballades, bourré de swing quand le tempo s’agite, confirme qu’elle joue dans la cour des grands. Sa finesse alternant avec sa grande énergie fascinent et son entente avec Angelo est parfaite. A la mine, derrière nos deux solistes, Mathieu souvent hilare et sa pompe irrésistible, mais pas seulement, et Claudius à la contrebasse virevoltante, grimaçant sous l’effort, du 300 à la noire parfois !
Aurore Voilqué chante aussi, en Français sur une mélodie de Benny Golson, en Anglais sur le célèbre « Why don’t you do right ? » de Peggy Lee pour les anciens ou de Jessica Rabbit pour les plus jeunes. Angelo assure le contrechant avec délicatesse. On entendra deux de ses compositions, comme cette jolie « Valse Bohémienne » que j’aurais volontiers dansée. Un titre de Django pour finir (lequel ?) avec un quartet lancé sur rails, inarrétable de swing, des unissons, des duels, des dialogues brûlants, du pur plaisir. Que dire de ces changements de tempo qui animent encore plus leur musique, de ces retours du thème que l’on croyait perdu dans les improvisations mais qui rodait toujours…
Ovation debout, rappel bien sûr, « Nuages » en duo guitare violon, Angelo invente, improvise, Aurore découvre suit, enchaîne, du jazz en somme ! La rythmique revient pour le swing final, superbe.
Musique indémodable quand elle est jouée à ce niveau de qualité, le swing manouche a encore de belles années devant lui et il est tellement épatant à voir se fabriquer ainsi devant soi. Le spectacle doit rester vivant, merci à ceux qui se démènent comme ici et maintenant pour entretenir cela.