Photos : Sylvie Coudert
18 août à la « Goberge »
Le son est réglé au p’tit poil, le concert démarrera lorsque toutes les assiettes seront vides, dans un silence respectueux, quasi religieux, pour le moins attentif. Après s’être chauffé les doigts en coulisses (pas question d’être gêné par quelque souci physique qui obligerait à seulement penser aux considérations techniques qui se doivent d’être totalement oubliées), il commence seul, présente le schéma de sa prestation .
1ère partie : il jouera Django, pas du manouche, ni du jazz, trop vaste domaine où il aurait peur de se perdre, non, comme son modèle légendaire il parlera juste de musique, de sa musique, de musique qui parle ! Et c’est bien d’un langage dont il s’agit. Comme d’autres utilisent pinceaux, crayons, pierre, terre, corps… Là, ce sont des notes qui véhiculent des idées, des concepts, des sentiments, des émotions, des images, des rêves, des folies, une philosophie… Une musique qui refuse d’être étiquetée, même et malgré ses origines et références visibles, audibles, non, juste de la musique, de la belle, celle du cœur et de l’âme.
Vite rejoint par Sylvano, il ne « feront » pas que du Django, on entendra aussi « How hight the moon », « Sweet G.B. » et du « R.Fays » (il est aussi compositeur de pléthore chansons souvent reprises par d’autres musiciens, pas seulement dit « manouches »). Tous les doigts des deux guitaristes courent dans tous les sens, jouent à « qui s’attrapent ? » , à « chat », jamais à « chut », encore moins à « chute ». Faut attendre la fin des morceaux pour respirer. Pas de place pour le(s) silence(s). Et pourtant, ça respire, le bonheur par tous les pores de la peau. Le déferlement continu de notes, loin de faire brouhaha, forme un tapis soyeux où il fait bon se poser, s’imbiber de parfums persistants étranges, mais familiers… L’esprit, qui ne peut suivre le torrent fougueux, ne peut qu’abdiquer, le silence, le vide se fait à l’intérieur. Sur le chemin du retour, Michèle dira : » C’est une musique très épurée ! ». Paradoxal non ? Épuré, ce torrent incessant, impétueux de notes jaillissantes comme des fusées de feu d’artifice permanent ? Ben, pourtant, oui ! toutes ces notes, posées comme les coups de pinceau posés par le peintre impressionniste, qui ne feront sens qu’à la fin de l’œuvre. Grâce à l’esprit d’architecture du créateur, comme dans un puzzle, chaque pièce à/a sa place. Rien à retirer ni à ajouter. Et on reste sans voix devant le chef-d’œuvre, sans pensée, sans commentaire ni jugement. Tout est dit, en harmonie parfaite. L’ego, étourdit des monceaux d’éléments, lâche prise, se perd, fait disparaître la couche superficielle pour ne laisser apparent dans le conscient intérieur, que l’origine pure qui anime toute manifestation, que la source même de toute création ! Foin d’intellectualisme, laissons nous jouir du spectacle sans comment ni pourquoi ! Quoi ? Comment ? La chanson est finie ? Pourquoi ne poursuit-elle pas jusqu’à la fin de la nuit ? Ha ! Faut laisser la place à la suivante. Bon, d’accord. Quelques mots pour situer leur rencontre : « Au cours d’un Master Class, j’ai senti le potentiel de Sylvano, et je l’ai invité pour une tournée… ». Le pauvre. Il n’en a pas dormi, plus sorti, plus bu ! (Dominique, qui le connaît pour camarade de jeunesse dixit) . Il a bossé comme un dingue sur la 6 cordes pour essayer d’être au niveau… Pari réussi. On dirait qu’ils ont grandi ensemble.
La 2ème partie sera dévolue au flamenco. La foultitude de notes nous plonge dans le désert du grand sud. Terre aride où le maestro nous décrit les pierres, les collines, les rares maisons humbles, les mirages de palais arabo-andalous, les cours d’eau ravinés par le vent chargé de poussière… Un morceau de bravoure pour rassembler les esprits vagabonds des auditeurs subjugués, intitulé ce soir : « Mediterranean serenade », mais si, le tube du trio Mc Laughlin, Di Meola, De lucia, mais là, à 2. Ils ne laissent pas leur part au chat. L’esprit, le sens est là, et la fête, et la joie. On en pleurerait ! ‘Il’ en profite pour nous parler de son amitié avec Paco, et de leur échange sur l’emploi du plectre, qu’à adopté Raphaël : lors des débuts de la « Kitara », l’instrument jouait au milieu de percussions, fallait se faire entendre… (Alors que le flamenco se joue traditionnellement avec les 5 doigts). Et la rêverie endiablée se poursuit, comme une course vers… le bonheur, la vie, pour ne pas en perdre une piette. Il y en a-t’ils qui pensent encore que le flamenco ne swingue pas ? Personne des présents de cette soirée magique !
Fin de concert, foule en délire, rappel… Un vrai concert, un morceau de vie, un partage d’amour… Vérifiez s’ils ne passent pas près de chez vous. Pas besoin d’aimer le « manouche », ni même le jazz ou le flamenco, au moins la guitare, ça suffira ! Promis : Inoubliable !