Charlotte Planchou quartet
par Annie Robert, photos Laurent Sabathé
Astrada de Marciac, 29 Juillet 2023.
Vous aimez Juliette Armanet, Zao de Sagazan, ou Clara Lucciani allez hop passez votre chemin, cette Charlotte là n’est pas pour vous !!
Voici une chanteuse, une vraie, une qui mérite qu’on s’ y arrête, qui a des choses à dire et la manière de les faire passer.
Car cette damoiselle a tout d’une grande et en particulier la qualité de voix.
Sa tessiture vocale étendue, remarquable, sensible, à l’aise dans les montées, d’une clarté à faire pâlir plus d’un, nous laisse pantois. (Il faut dire qu’elle a fait des études lyriques .. ceci explique cela..)
Rajoutez des talents d’interpréte que l’on ressent dès le premier morceau, une musicalité qui semble spontanée ( mais qui ne doit pas l’être) qui lui permet de passer d’un univers à un autre, une grande générosité envers le public, une multiplicité des esthétiques et un réel talent d’écriture ..Ca fait beaucoup de qualités… on s’en réjouit, et elle nous en réjouit.
Son répertoire est traversé par des influences multiples, des standards de jazz, en passant par ses propres compositions, des ritournelles occitanes aux grands textes mis en musique par Léo Ferré. Un éclectisme cohérent.
Elle entame le concert par une chanson très connue dans notre Sud- Ouest « Adiou pore carnaval » en y insuflant un mélange de ryhtmes latino et occitan, une couleur saudade que soulignent également les congas délicates et la contrebasse en solo. On rentre dans l’intime, dès ce premier morceau sans quitter l’universel pour autant, mélange d’âme et de joyeux désespoir.
Une délicate impro piano fait le lien avec le morceau suivant, une revisite du morceau de Léo Férré «Est ce ainsi que les hommes vivent?» et l’interprétation de Charlotte Planchou nous fait redécouvrir les mots vibrants de ce poème d’Aragon.
Un standard de jazz «the Peacoks» suivra en piano/ voix, jamais attendu, jamais évident, tout en finesse.
Et elle repassera ensuite sans difficulté à une compo en occitan, puis à une danse de Jan-Mari Carlotti – » A Sant Jan » en gardant le léger décalage du tempo jazz, et la couleur un peu free du piano. Le trio qui l’accompagne est parfait de délicatesse, de groove et d’inventivité. Ils sont à l’image du set, singuliers et à l’écoute.
Il est intéressant de voir que le tempo jazz se mêle si bien aux danses occitanes et que les sauts des bourrées ou autres scottishs swingent en l’air. Elle reprendra par la suite d’autres morceaux en occitan ( sa prochaine production) en y instillant des ruptures, presque des appels de chants gitans. Les couleurs s’agrègent parfaitement. Ce n’est pas un patchwork, ni la démonstration de ses différents goûts, mais une bonne osmose où tout parait aller de soi.
Dans un rapport aux mots très inventif, elle nous emmène plus tard dans l’ambiance délicate de son premier disque « Petite » pour une berceuse tendre, seule à la guitare au départ et rejointe peu à peu par le trio. Il y a dans son monde une lucidité tragique mais pas désespérée. « Leïla et Léa » nous propulse dans la danse sur un rythme tribal et une belle pulse. Les structures et les harmonies des morceaux sont renouvelées et souples. Puis elle s’attaque à « Green » de Léo Ferré, avec le poème de Verlaine, poème d’amour et de demande de pardon. Avec le piano en gouttes délicates, la batterie aux balais, la voix s’élance dans de larges envolées et des soupirs retenus. Le piano mélancolise sans pathos, avec le support de la contrebasse. Elle fait le choix de couper le poème après la 2e strophe pour laisser se déployer des impros réussies et reprendre le dernier quatrain doux et conclusif. Et c’est un bon choix.
Elle arrivera même à me faire retrouver du charme à cette chanson de Michel Legrand « les Moulins de mon coeur » trop entendue, trop rabâchée..
Trois petites chansons au rappel sur des ryhmes brésiliens, charmantes et habitées, avec une interaction émouvante venue de la salle ( elle a été bénévole à Marciac et ses amis sont là pour chanter avec elle ) conclueront le set.
Après ce concert, la première idée est de saluer bien bas, chapeau traînant sur le sol, en disant «Madame!» Charlotte Planchou chante et nous enchante… Et elle a tout d’une grande !
Charlotte Planchou chant / Guitare • Clément Simon Piano • Thomas Posner contrebasse • Pierre Demange batterie