texte et photos Philippe Desmond.
Le Thélonious, Bordeaux le 30 janvier 2019.
La rue Bourbon aurait dû être rebaptisée en Bourbon Street ce soir. Certes pas la moiteur de celle du Vieux Carré de New Orleans, mais musicalement on y était grâce à l’inconscience de Sébastien « Iep » Arruti qui a ni plus ni moins rassemblé un big band. Après le IEP 4tet, le IEP 8tet place au IEP big tet ! Précisément IEP 20tet !
La question qui se posait depuis quelque temps, une véritable inquiétude même, était de savoir comment tous ces musiciens allaient rentrer sur la scène du Thélonious ? Ils ont réussi ce premier pari, certes avec un chausse-pied, mais ils y sont arrivés. 21 ça ne passait pas.
Le monde est là, par amitié – Sébastien marche beaucoup à ce carburant – par curiosité, par amour de la musique tout simplement.
Restait le pari musical à relever, le plus important, on sentait une certaine tension chez les musiciens sous des apparences relax. Dès le premier titre on a compris que les choses étaient sérieuses, concentration sur les partitions, écoute mutuelle et une densité de son qui vous pénètre. Clin d’œil au lieu avec un premier titre de Thelonious Monk pour lancer un répertoire original pour un big band, loin des classiques swing habituels du genre ; la patte de Iep, un sacré arrangeur et compositeur aussi. Quatre compositions de sa main, réarrangées pour la circonstance, vont nous être jouées dont la fabuleuse « Endaïa » en hommage à sa ville natale qui a la plus belle plage du monde. Un titre transformé en véritable symphonie, alternant brillance et douceur, des veloutés de sax et de cors (deux cornistes classiques embarqués dans l’affaire !) rejoints en harmonie par les cuivres dans un crescendo bouleversant, mais que c’est beau !
L’ombre de Louie est très présente avec des standards métamorphosés – gros travail aussi de Pascal Drapeau – comme le « Do You Know What It Means… » au tempo vif, du blues historique revisité avec « Saint Louis Blues », la chanson « Lazy River » avec enfin une touche féminine en la personne de l’épatante Célia Marissal au milieu de ce monde d’hommes. Même Herbie Hancock aussi est de la fête.
Impossible de les distinguer les uns des autres, juste un clin d’œil aux seuls qui n’arrêtent eux jamais de jouer Timo, Didier et Lionel !
Tous mis en valeur par les arrangements de Sébastien Arruti avec des interventions classiques pour les uns, modernes pour d’autres, hard bop pour certains, un cocktail détonnant.
Et quel ensemble ! Quelle cohésion ! Habile mélange aussi de générations qui ici ne sont pas du tout en conflit. L’atmosphère s’est détendue, Iep se fait chambrer quasiment à chaque intervention, mais dès que la musique reprend ça rigole plus, ça joue mais alors ça joue ! Le boss on le voit rayonne, il a gagné son pari, proposer un beau big band moderne.
Dans cette salle de capacité moyenne ce big band compact, là, juste devant nous, qui nous transmet son énergie, sa puissance, ses vibrations, c’est juste une sensation extraordinaire. On sent la texture de la musique, on pourrait la palper tant elle nous enveloppe. Alain et Irène Piarou qui tous les ans passent deux mois à New Orleans en arrivent même à se poser la question de savoir si ça vaut la peine de continuer d’ y aller, il y a tout ce qu’il faut ici Bourbon street à Bordeaux !
Avec Sébastien Arruti on l’a dit l’amitié compte beaucoup. La façon dont il va présenter les musiciens individuellement à la fin en témoigne, un petit mot bien senti pour chacun. Et des musiciens il y en a aussi plein la salle, de tous âges, c’est bon signe.
Vous avez raté ça !? C’est épouvantable ! Bonne nouvelle, Superiep est là pour vous tirer d’affaire. Ils rejoueront au même endroit les mercredis 27 février et 20 mars. Il vaudra mieux réserver car le bouche à oreille va fonctionner, vu la jubilation du public présent.
La Marsalis Family a du soucis à se faire, le Iep Big Tet arrive !
Musiciens :
- Saxophones : Bertrand Tessier (st), Jonathan Bergeron (sa,ss), Julien Dubois (sa), Pascal Faidy (st), Alain Coyral (sb)
- Cors : Tiéphen Dizin, Pierre-Yves le Masne
- Trombones : Sébastien Arruti, Cyril Dubilé, Baptiste Techer, Jérôme Laborde (tb basse et tuba)
- Trompettes : Pierre-Jean Ley, Pascal Drapeau, Mathieu Tarot, Mickaël Chevalier
- Piano : Lionel Fortin
- Guitare : Christophe Maroye
- Contrebasse : Timo Metzemakers
- Batterie : Didier Ottaviani
- Chant : Célia Marissal
- Direction musicale : Sébastien Arruti
Set list :
- Bright Mississippi (Thelonius Monk. Argt.: Sébastien « iep » Arruti)
- AÏtormena (Hertzainak. Argt.: Gonzalo Tejada)
- Do You Know What It Mean To Miss New Orleans ? (Eddie DeLange/Louis Alter. Argt.: Sébastien « iep » Arruti)
- Endaia (Sébastien « iep » Arruti)
- It’s Alright With Me (Cole Porter. Argt.: Stan Kenton. Relevé et Adaptation : Pascal Drapeau)
- Zergatik Ez Esan ? (Sébastien « iep » Arruti)
- Lazy River feat. Célia Marissal (Hoagy Carmichael/Sidney Arodin. Argt.: Sébastien « iep » Arruti)
- That Old Feeling feat. Célia Marissal (Sammy Fein/Law Brown. Argt.: Sébastien « iep » Arruti)
- Saint Louis Blues (William Christopher Andy. Argt.: Oliver Nelson. Relevé et Adaptation : Pascal Drapeau)
- The Eye of the Hurricane (Herbie Hancock. Argt.: Sébastien « iep » Arruti)
- Ligne 6 (Sébastien « iep » Arruti)