Kareen Guiock Thuram chante Nina

par Philippe Desmond

Kareen Guiock-Thuram, chant / Kevin Jubert, piano / Rody Cereyon, basse / Tilo Bertholo, batterie.

Nina Simone est une icône du jazz vocal mais elle fut aussi une femme engagée politiquement pour la défense des droits civiques. On connait tous la frustration qu’elle connut, travaillant pour devenir la première pianiste noire concertiste mais dont la route fut barrée par pur racisme. Cette douleur elle l’a portée toute sa vie, trouvant dans le jazz le moyen d’exprimer sa colère, pilier de son répertoire.

C’est à l’initiative du pianiste de jazz Dominique Fillon que Kareen Guiock Thuram a décidé de rendre hommage à cette grande dame en sortant l’album « Nina » où elle revisite à sa manière son œuvre. Kareen a un itinéraire particulier, venue à une carrière jazz sur le tard avec la sortie de l’album en 2022. Elle a en effet consacré sa carrière au journalisme, sur M6 notamment dans les émissions Turbo, le 66 minutes où on peut encore la voir de temps en temps. Une notoriété médiatique encore augmentée par son nom d’épouse, mariée depuis près de dix ans avec un champion du Monde 98…

Ce soir, devant un public assez féminin et peu familier du lieu à entendre les conversations, elle s’avance avec un trio de musiciens martiniquais qui avec elle vont donner une couleur caribéenne à pas mal de titres. Ce spectacle est un hommage, Kareen placera ainsi des intermèdes évoquant Nina Simone, à sa vie, sa personnalité, textes non chantés qu’on retrouve dans l’album, mis en musique par Dominique Fillon. Et bien sûr on va retrouver les titres phares de celle qu’on disait Diva mais qui vécut « Dix vies », je cite Kareen.

Pas facile comme challenge, d’autres s’y sont essayé avec plus ou moins de réussite, cherchant parfois à trop s’approcher des originaux ou les déformant trop. Avec Dominique Fillon, tout en respectant l’œuvre initiale, une direction différente a été prise, une chaleur supplémentaire est présente, une rondeur. Rythmiquement on sent les Antilles, l’Afrique parfois, avec élégance et de temps en temps des fulgurances qui invitent à la danse. Kareen ne s’en prive pas, très à l’aise sur scène et heureuse.

Et quelle voix, chaude, puissante sans effort, avec une diction parfaite. Quelle version crépusculaire de « I put a spell on you » finissant par une longue plainte, « You’re mine » scandé à l’envi. Un « Feeling Good » tout en rondeur harmonique, un « My Baby just cares for me » très West Coast, un « Ne me quitte pas » émouvant qu’elle finit visiblement émue – et nous aussi – Un « Mr Bojangles » solaire, « un « See Line woman » aux couleurs et rythmes antillais partagé avec le public. Le blues sera là aussi, le jazz bien sûr, les musiciens sont excellents même si différents de ceux de l’album.

Un très bel hommage et une découverte sur scène d’une voix qui est déjà importante dans la scène jazz ; une preuve de plus ? La présence dans le public de Jacky Terrasson sur le prochain album duquel chante Kareen.

Alors Kareen journaliste, chanteuse ? Vous faites les deux tellement bien que le choix est difficile !

Musiciens de l’album : Dominique Fillon, piano / Laurent Vernerey, basse / Raphaël Chassin, batterie / Percussions, Olivier Juste / Sylvain Gontard, trompette / Yannick Soccal, sax / Naïssam Jalal, flûte / orchestre de cordes.

https://www.kareenguiockthuram.com/

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