Jérôme Gatius Big Four au Jeudi de Laurenzanne

par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat (cliquer sur les photos pour agrandir).

Parc de Laurenzanne, Gradignan le jeudi 18 juillet 2024.

Chaque jeudi de l’été la Ville de Gradignan offre des concerts en plein air dans le parc de Laurenzanne, dans toutes les esthétiques musicales. Si ce soir nous sommes là c’est bien sûr pour y célébrer le jazz et en particulier celui de Sidney Bechet. La veille nous étions chez Alriq avec Roforofo Jazz et son afro beat hip hop. Toujours cette diversité de notre musique préférée, l’histoire et le mouvement perpétuel.

Les musiciens de ce soir nous les connaissons bien, ils sont sous la bannière Jérôme Gatius Big Four. Jérôme Gatius à la clarinette et aux sax, le fantasque Alain Barrabès au piano, le non moins fantaisiste Benoît Auprêtre aux baguettes et Pascal Drapeau grand trompettiste et arrangeur.

Ils sont donc venus rendre hommage à un des artistes qui a le plus diffusé le jazz en France mais dont on néglige peut-être le rayonnement mondial, le plus français des Américains, le grand Sidney Bechet. Pour l’anecdote mon premier 33 tours de jazz m’avait été acheté par ma mère, un Disque d’Or de Sidney Bechet, je devais avoir 14 ans… Mais avant d’avoir sa carrière médiatique française, avec des Oignons, une Petite Fleur et des promenades dans les rues d’Antibes, le clarinettiste, devenu saxophoniste soprano pour mieux dominer phoniquement ses partenaires de l’orchestre, a eu une carrière américaine proche du style New-Orleans, intégrant notamment la trompette. C’est cette période que le quartet va faire revivre ce soir avec des titres que Sidney a pu jouer à l’époque et remis au goût du jour dans les années 70 par un de ses disciples, le clarinettiste Bob Wilber et son « Bechet Legacy ». Le public venu pour entendre les tubes de Bechet devra attendre le rappel pour cueillir la « Petite Fleur » un soupir d’aise en accueillant les premières notes.

Mais tout ce qui s’est passé avant est plus qu’intéressant , une plongée dans des titres moins connus, émaillée de quelques standards et références à des musiciens historiques ; King Oliver, celui qui a révélé un certain Louis Armstrong, Fats Waller et son piano stride, George Gershwin, Benny Goodman et même le clarinettiste contemporain Evan Christopher.

Pas de contrebasse dans le groupe, c’est Alain Barrabès qui se charge de la remplacer de sa main gauche en jouant Stride. Il en est un grand spécialiste, sa main droite n’étant pas moins à la tâche pour jouer thème et harmonies. Nous tournant le dos presque tout le concert, affairé à son piano droit, ses interventions au micro seront d’autant plus appréciées, son humour naturel embarquant instantanément tout le monde. Dans son champ visuel Benoît Auprêtre aux baguettes et beaucoup aux balais, avec ce style NO marquant tous les temps à la grosse caisse au son vintage, et une fantaisie dans le jeu et les attitudes très communicatives. A la trompette Pascal Drapeau rayonne vraiment, avec ou sans sourdine, il alterne puissance et finesse, précis dans les aigus extrêmes sans oublier son travail d’arrangement ; cette musique n’est pas aussi facile qu’on le croit me dira-t-il ; c’est bon de le rappeler. Jérôme Gatius est venu avec trois instruments, la clarinette bien sûr, avec laquelle on le voit le plus souvent mais aussi un sax alto et un soprano courbe, contrairement à celui droit de Bechet, au très joli son. Sur le titre « Waltz for all souls » il va nous montrer à nouveau son incroyable maîtrise de la clarinette.

Ces quatres musiciens se connaissent parfaitement et forment un quartet d’une unité et d’un interplay remarquables, au service de cette musique intemporelle et importante dans l’histoire du jazz ; sans elle le jazz aurait-il existé ?

Une bien belle soirée d’été – enfin ! – dans un site superbe. Merci à la Ville de Gradignan.

Répertoire :

  • Canal Street Blues (King Oliver)
  • I wish I were twins (Fats Waller)
  • Georgia Cabin (Sidney Bechet)
  • I can’t believe that you’re in love with me (Jimmy McHugh)
  • Honeysuckle Rose (Fats Waller)
  • I can’t give you anything but love, Baby (Jimmy McHugh)
  • Margie (trad)
  • Waltz for all souls (Evan Christopher)
  • When I grow too old to dream (Sigmund Romberg)
  • Liza (George Gershwin , arr Benny Goodman)
  • No regrets
  • Oh Lady be Good (George Gershwin)
  • Rappel : Petite Fleur ( Sidney Bechet)