par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.

Bistrot Bohème, Bordeaux le 3 septembre 2020.

Cette année, le 10 mars, Boris Vian aurait eu 100 ans. Mais il ne sera resté sur terre que 39 années qu’il aura bien remplies comme poète, écrivain, critique, peintre, parolier, directeur musical, trompettiste de jazz, chanteur… et accessoirement ingénieur centralien à l’AFNOR. Ce soir au Bistrot Bohème, chez la pétillante Sandy Coutouly, hommage lui est rendu. Pour cela le Bordeaux Swing & Wine a invité la chanteuse suisse d’origine, établie à New-York depuis pas mal d’années, Tatiana Eva Marie. Action Jazz avait eu l’occasion de l’entendre plusieurs fois par le passé à Bordeaux et en avait parlé (1)(2).

La voilà donc avec son ami Stéphane Séva qui va chaque année jouer avec elle à NYC, Hervé Saint-Guirons (p) et Laurent Vanhée (cb), le trio BS&W monté cet été pour proposer des concerts chez l’habitant ou ailleurs en cette terrible période de disette. Opération réussie, quasiment chaque semaine depuis mi juin ayant ainsi vu un concert se dérouler avec un invité différent.

Si Tatiana est en France c’est qu’elle n’a pu repartir aux USA à cause de ce que vous savez. La situation là-bas est encore pire qu’ici, elle nous dit que plus d’un club sur deux ne rouvrira pas à NYC ! Quant à New Orleans, les échos que nous avons sont aussi très pessimistes, la ville a été particulièrement touchée et il ne s’y passe plus rien.

Un mal pour un bien pour nous, elle est là avec sa fraîcheur, sa fausse candeur et sa façon si personnelle de chanter, la voie haute et claire, traînant sur les syllabes, usant de légers trémolos. Et donc elle chante en français ce dont les Américains raffolent. En plus des standards son répertoire va de Trenet, à Piaf en passant pas Jean Sablon, Boris Vian, Henri Salvador, Ray Ventura, Montand… le tout avec son groupe Avallon Jazz Band sur des arrangements jazz et surtout très swing. La France cliché qui plaît tant outre Atlantique. Du French Jazz vintage pour lui coller une étiquette.

Le Bistrot Bohème n’est pas complet pourtant ce soir, la méfiance est encore de mise en ces temps de rentrée peu engageants. Soulignons le courage de Sandy Coutouly, la maîtresse du lieu, de proposer plusieurs soirées musicales hebdomadaires dans cette situation. Soyons solidaires avec elle, avec les musiciens, allons-y, en plus on y mange très bien !

Le premier set commence avec le trio BS&W par un « Tea for two » animé par les sons cartoon de Stéphane Séva à sa table washboard équipée de petites cymbales, de cloches et de woodbox. Le trio enchaîne sur le premier titre de Boris Vian « Trompette d’occasion » Stéphane rajoutant à l’humour de ce titre le fait de remplacer l’instrument par un petit cazoo, faute de trompinette de Boris.

Voilà maintenant venue de Brooklyn la délicieuse Tatiana pour un joli titre écrit par Boris Vian sur une musique de son complice Henri Salvador, le vrai musicien, pas le comique de Zorro ou Juanita Banana. Magnifique version de « Je suis snob » ou Tatiana joue vraiment la comédie en chantant puis « Barcelone » de l’autre complice de Boris, Alain Goraguer. Elle a vraiment un style personnel qui vous attrape malgré vous et qu’on ne peut oublier. Stéphane Séva reprend « Je bois », une terrible chanson quand on écoute bien les paroles.

Hervé Saint-Guirons sur son piano bastringue et Laurent Vanhée ajoutent cette touche de jazz par des chorus bien sentis.

Quant à Stéphane Séva avec sa planche, ses dés à coudre et son attirail, il remplace aisément une batterie, c’est étonnant.

L’inénarrable «  Blues du Dentiste », puis le retour de Tatiana pour « Place Blanche » et l’inévitable drame de « Fais-moi mal Johnny » ; rien à envier à Magali Noël, elle vit la chanson. Boris aimait ce qui swinguait, il aurait aimé les arrangements de ce soir sur ses propres chansons, intemporelles.

Après la pause on laissera Vian de côté pour des standards, toujours chantés par Tatiana et Stéphane. Quelle jolie version de « Little Coquette » par la non moins coquette et originale chanteuse dans son look très années 40, le nostalgique « Ménilmontant » de Trenet…

Stéphane Séva adore Nougaro, nous aussi, voilà « le Coq et la Pendule » , puis ce petit bijou de 1964 « Sensuel » que j’avais oublié. Mais qu’il nous manque ce petit taureau… Tatiana elle aussi sensuelle sur « I get a kick on you » offert comme une friandise.

Un musicien de passage est là, le saxophoniste Jean Vernhères (Soul Jazz Rebels), il rejoint le trio pour un  « Blue Train » en mode TGV. Sympa.

C’est bientôt la fin de ce ce bien agréable concert vintage, le jazz avec ses multiples facettes va se loger partout, il était bien là ce soir, malin et malicieux.

PS : Merci à Sandy Coutouly d’avoir mentionné Action Jazz sur le tableau noir derrière les musiciens et à Stéphane Séva d’avoir signalé notre présence au public.

 

(1) Article de 2016 : https://blog.lagazettebleuedactionjazz.fr/blog/avalon-jazz-band-chez-le-pepere/

(2) Article de 2017 : https://blog.lagazettebleuedactionjazz.fr/blog/avalon-jazz-band-un-delicieux-moment/

lien Avalon Jazz band : http://www.avalonjazzband.com/

lien Stéphane Séva : http://www.stephaneseva.com/