Concert du Big-Band de Luc Laîné

par Sylvie Delanne, photos Frédéric Boudou

Salle de la Glacière de Mérignac le 05 avril 2023

Depuis des années LUC LAINE dirige un orchestre de jazz composé de musiciennes et musiciens plus ou moins amateurs mais néanmoins assis sur de solides bases et expériences, nous avons par exemple au trombone l’ancien directeur du New-Orléans Jazz Band de Bordeaux.

Le BIG-BAND se produit aussi souvent qu’il le peut, renouvelant chaque fois son répertoire, c’est dire le travail accompli entre deux concerts et la prise de risques pour les musiciens.

Mais Luc est un chef exigeant et souple à la fois, rodé depuis longtemps à l’exercice de la transmission. Fidèle à son engagement, le groupe répète tous les lundis

Professeur de percussions au conservatoire de musique de Mérignac, Luc Lainé a créé cet ensemble depuis une bonne vingtaine d’années. Tous les instruments sont acceptés ce qui peut amener parfois un effectif assez hétéroclite. Mais qu’importe, la nécessité pour des musiciens et le plaisir à jouer ensemble l’emporte et Luc se charge d’adapter tous les arrangements.

  • Quelle différence me direz-vous entre une Harmonie et une Fanfare ?

« Et bien, m’explique Luc Lainé, la première est un orchestre symphonique où les cordes sont remplacées par des clarinettes et la seconde un ensemble de cuivres et percussions sans bois.

Notre Big-Band lui, accepte tout le monde et ce soir nous avons 14 musiciens :

au clavier, Jacques Paroissien, à la batterie, Grégoire Merleau, à la guitare, Pimax, à la basse Doumé Caubet, Rachael Magidson à la trompette, aux trombones, Francis Haimovici, Jaki Besse et Vincent Boesch, à la flûte Corinne Dunand , aux saxes alti, Louise Lebrard, Lucie Michaud, Etienne Balazar et Christian Bordenave au ténor, et enfin, au vibraphone électronique, Luc Lainé (poète, compositeur bavard humoriste !). »

A eux maintenant de nous entraîner dans un voyage musical à travers le monde :

– Tout d’abord « Batumambe », un morceau des Bitons de Ségou au Mali, très chaloupé et coloré, la section cuivres nous emmène en fête landaise et le pianiste fait une belle reprise sur un rythme tropical. A savoir, Jonzac, en Charente, possède une clique célèbre, « les Bitons de Jonzac ».

– Puis le Mexique avec le bien connu « Besame mucho »

– Troisième morceau « Chanchan »de Francisco Repilado connu sous le nom de Compay Secundo, et nous voilà plongés dans les nuits enfiévrées de la Havane. Une très bonne rythmique du batteur, des notes éclairées du vibraphone, superbe Rachel Magidson à la trompette… Un ensemble lumineux qui a choisi un tempo un peu lent (il sera plus enlevé lors du rappel…c’est important pour du cubain que les musiciens soient chauds et que chacun ait bien trouvé sa place).

– puis un morceau arménien « Erevan » écrit par Jacques le pianiste après avoir reçu chez lui des amis arméniens.

Rappel de l’Armenian Navy Band, groupe de jazz arménien formé en 1998 à Erévan et du célèbre ethnomusicologue arménien Komitas (par ailleurs prêtre et maître de musique), restaurateur des modes musicaux originaux d’Arménie et collecteur de plus de 3000 chants de la tradition populaire, décédé à Villejuif en 1935 . Luc jamais avare d’anecdotes nous parle de son voyage dans cette Arménie peuplée de monastères et de montagnes.

Un morceau très mélodieux riche en couleurs différentes avec un beau solo de flûte cet instrument de l’air et de l’espace. Curieusement la fin de cette composition m’entraîne dans l’univers de James Bond…rien à voir avec l’Arménie mais peut-être une volonté d’ouvrir l’orient à l’occident.

For KD – Une passionnante composition africano-contemporaine de Luc Lainé dédiée au poète griot de Los Angeles, Kamau Daàood*.

Sur le mode des « poetries », genre développé par Kamau Daàoud mêlant intimement poésie et musique jusqu’à en faire un baume de guérison, Luc va dire un texte de liberté tiré du recueil « Notes d’un Griot de Los Angeles » amplifié par les rythmes et les percussions panafricaine. C’est un morceau très intéressant musicalement que j’aurai plaisir à ré-écouter ayant toujours aimé les incisions littéraires portées par la musique. Par la voix grave de Luc Lainé, ce beau texte nous arrive comme le vent pris dans une roue musicale, sa partie de vibraphone est très inspirée et éclaire l’assourdissant fracas du tambour.

Cette composition de Luc Lainé a été créée 26 mai 1999 au théâtre de St Médard en Jalles.

Bravo !

– « No Problem », morceau tiré du film « Les Liaisons Dangereuses » de Louis Malle.

Après quelques blagues bien portées par le turbulent et bavard maître de cérémonie – public joyeux – le même introduit cette pièce par un remarquable moment de vibraphone, enjoué et relevé par la flûte.

Quel plaisir d’écouter Luc Lainé qui excelle au vibraphone, quel son stellaire, des étoiles lumineuses et joyeuses vibrent dans l’air de la salle…Bravo la reprise du sax ! Le rythme est là et dans ce morceau on sent que le groupe s’est vraiment trouvé et groove à l’unisson, Coco, Francis, Etienne s’éclatent.

– « Tank », générique d’une série américaine (Space Cowboys – 2000). On retrouve un thème très James Bond et comme précise Luc, un cow-boy bebop.

Entrée de la basse qui donne l’ambiance avec le batteur suivie par les saxes pour le thème.

Morceau très bien construit qui laisse bien la place au suspens et où chaque mouvement s’enrichit de beaux solos, notamment des saxes alti, de la trompette qui sonne haut et fort. Tout du long, la basse et la rythmique mènent un train d’enfer – bonjour l’aérienne flûte et les bas trombones. Les musiciens sont chaleureusement applaudis les uns après les autres. Et les chaudes étincelles du vibra de clarifier le tout.

Brillant !!!

C’était le dernier morceau mais la salle en redemande et Luc « ainsi s’a-chèvre de Monsieur Seguin, le concert est terminé mais bonne nouvelle, on rejoue un morceau cubain Chanchan ».

  • 1h20 de concert, les musiciens sont fatigués et c’est l’heure d’aller se désaltérer !

Merci à eux pour cette prestation enlevée qui a su ravir le public.

Merci à Luc Lainé pour son engagement à faire jouer de la musique aux amateurs.

Quand on a eu la chance de faire des études musicales, c’est important de trouver des lieux pour jouer, toute la vie si possible, pour le plaisir et bien sûr, la joie de la scène.

Avoir un public, c’est le plus beau retour qu’un musicien puisse avoir.

Donc merci aussi à la Ville de Mérignac pour cette belle salle de La Glacière.

*KAMAU DAÁOOD est un poète natif de Los Angeles, qui participe activement à la scène artistique afro-américaine angelena depuis une quarantaine d’années. Adolescent lors des émeutes raciales de Watts de 1965, il fait ses premières armes auprès des poètes et écrivains de la Watts Writers Workshop, dans un quartier marqué par un renouveau des arts communautaires à la suite des émeutes. A la fin des années 1960, il rejoint le célèbre Pan African People’s Arkestra de Horace Tapscott, pianiste hors pair dédié corps et âme à la communauté locale. Kamau Daáood, orateur puissant dont les vers sont intimement mêlés à la musique, devient le « musicien des mots » de l’Arkestra. Pour lui, l’artiste est un guérisseur dont l’engagement communautaire local est noble et fondamental. En 1989, il crée avec Billy Higgins, batteur de jazz renommé, un espace scénique, le World Stage, dans un quartier noir de Los Angeles appelé Leimert Park. En dirigeant ce lieu éclectique, dédié à la poésie orale et à la musique, il contribue, à l’essor et à la vitalité de ce quartier, rebaptisé dans les années 1990 nouveau « Greenwhich Village noir ». En 1997, le CD Leimert Park paraît, fruit de longues années de collaboration entre le poète, et de nombreux musiciens de Los Angeles. Enfin, en 2005, The Language of Saxophones, sélection de poèmes couvrant quarante ans de sa vie et de son œuvre, est publié dans la célèbre collection « Pocket Poet Series » des éditions City Lights Books, dirigées par Lawrence Ferlinghetti à San Francisco. Ce recueil le consacre comme une des voix poétiques majeures de Los Angeles.

Notes d’un griot de Los Angeles (Griot Notes from L.A.) est une anthologie bilingue de 28 poèmes (de 1980 à 2011) tirés du recueil The Language of Saxophones, auquel s’ajoute un inédit. Il a été traduit par le collectif bordelais Passages, sous la direction de Nicole Ollier, Professeure de littérature américaine et traductrice de poésie et de théâtre, et de Sophie Rachmuhl, Maître de conférences, spécialiste de la scène poétique de Los Angeles sur laquelle elle a réalisé un documentaire vidéo en 1988 incluant Kamau Daáood. Les membres du collectif Passages ayant participé de près ou de loin à la traduction de ce recueil sont : Mathilde Arrivé, Martha Bazile, Stéphanie Benson, Eric Burel, Davida Fahie, Lhorine François, Sophie Léchauguette, Sara Mazzolini, Nicole Ollier, Sophie Rachmuhl, Jeffrey Swartwood, Jean-Christophe Vigneau, Joachim Zemmour.