Par Philippe Desmond, photos captures d’écran

Le Studio de l’Ermitage, Paris le 6 février 2021.

Une fois n’est pas coutume, partons pour un concert à Paris. Il est 18h59, le concert est à 19h, j’ai le temps. Je quitte mon salon après avoir chaussé mes pantoufles qui avaient glissé sous le fauteuil, me voilà dans mon bureau où il somnole avec son petit ronronnement, une souris immobile à côté de lui. Je la saisis pour le réveiller cet ordinateur qui chaque jour m’ouvre au monde. Quelques clics et me voilà déjà au Studio de l’Ermitage à Ménilmuche, pas loin de Belleville. On finirait presque par s’habituer à cette vie d’ermite justement, et apprécier cette facilité d’aller au concert, c’est déjà le troisième de la semaine pour moi, sans mettre le nez dehors. Non on ne s’habituera jamais à cette distance, à cette virtualité même si c’est mieux que la télé (facile pour le jazz), on peut discuter, donner ses impressions, un tout petit bout de partage.

C’est notre ami Eric Séva en trio que je suis venu écouter et voir. Action Jazz aurait dû le recevoir avec son projet « Mother of Pearl » en novembre dernier pour Jazz à Caudéran. Vous connaissez la suite. Là il nous révèle son trio « Triple Roots » qu’il forme avec Kévin Reveyrand à la basse et Jean-Luc Di Fraya à la batterie et aux percussions. Hier soir vendredi 5 février nous aurions dû être avec eux au Rocher de Palmer pour un concert qui avait déjà été repoussé. Ce sera pour l’automne, on en est presque sûr…

Ce direct est organisé avec le label Laborie Jazz dans le cadre de l’émission Jazz Club d’Ivan Amar diffusée sur France Musique. Radio France donc gros moyens et une production très pro. Environ cinq caméras, certaines mobiles, captation du son impeccable, synchro image son parfaite. Même dans le virtuel les musiciens ne sont pas égaux, certains bidouillant les retransmissions avec des téléphones et des aléas techniques. Mais c’est l’intention qui compte, les voir les entendre coûte que coûte et pas quoi qu’il en coûte…

Triple Roots est donc un trio saxophones (soprano ou ténor), basse, batterie percus. Pas si courant mais déjà expérimenté il y a des lustres par Lee Konitz ou Sonny Rollins. Ici en plus la basse est électrique. Eric Séva inlassable créateur a composé un répertoire spécifique pour cette formation. Des mélodies comme il sait les créer qui sont surtout prétexte à un discours libre du saxophone sur un rythmique ciselée, nerveuse parfois, patte de velours souvent. Eric Séva est un voyageur et il aime nous emmener avec lui. On ressent la chaleur de l’Espagne, Alicante, on perçoit les parfums de l’Orient, ou du Maghreb. Le ténor et sa suavité ici, le soprano et sa finesse légère nous racontent des tas d’histoires.

La basse de Kévin Reveyrand ajoute cette profondeur souvent renforcée par le grave du cajon sur lequel est assis Jean-Luc Di Fraya. Lui, promène ses baguettes ou ses balais sur les peaux et cymbales, les caresse de ses mains nues, ou les réveille de petites tapes. Une dentelle de percussions. Mais la basse peut redevenir guitare, jouer à l’unisson avec le sax. Elle n’est pas la seule à le faire, un autre instrument surprise arrive, il reviendra souvent, la voix de Jean-Luc qui vocalise. Curieusement ce gaillard barbu rajoute de la féminité par son timbre aérien. La couleur du trio en devient d’une grande et belle originalité.

Les rythmes peuvent parfois paraître complexes mais ma petite fille de trois ans, Romy, s’est approché, elle s’assoit à côté de moi et se met à gigoter, elle l’a compris ce rythme – Ivan Amar notera, confirmé par Eric, un 15/8 – elle descend du tabouret et danse un peu. « C’est bon signe pour elle et pour nous » m’écrira Eric Séva en réponse à mon commentaire. Elle restera un gros quart d’heure, prise par la musique que je lui commenterai en réponse à ses nombreuses questions. Finalement un bon côté de ce type de concert, le voir en famille… Les compositions intimistes alternent avec des suites plus emballées, Eric et Kévin jouent même un délicat duo sur une composition de ce dernier. Un beau trio, vraiment, nous n’en doutions pas.

Tout cela sortira en album, « Résonances »,  en mai en attendant une tournée, enfin ! Il y a bien eu quelques concerts, très peu, mais c’était la première sortie parisienne de Triple Roots après une semaine de travail chez Eric dans le Lot et Garonne, suffisamment haut pour échapper aux incroyables inondations. Que vienne le printemps, et vite.

PS : depuis la rédaction de et article ont eu lieu les soi disant Victoires de la Musique avec 200 spectateurs « figurants ». Un scandale de plus !

Lien vers le concert :

 

https://www.ericseva.com/fr/

https://www.laboriejazz.fr/

https://www.studio-ermitage.com/

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