AVISHAI COHEN TRIO

 

par Julien Motard, texte et photos

Salle du Vigean, Samedi 16 Mars 2024

Avishai Cohen, contrebasse et chant / Roni Kaspi, batterie /  Guy Moskovich, piano

Après l’album Iroko avec & Abraham Rodrigues Jr, qui concrétisait un projet latino débordant de mélodies et d’une chaleur interculturelle mémorable, Avishai Cohen revient sur les terres de notre Sud Ouest français ! Il nous accueille en ce samedi soir à Eysines à la salle du Vigean avec son panache habituel et son inaltérable humilité.

La Pop, le retour aux sources par le chant, l’accompagnement symphonique, le duo, le band, le son de la bass électrique Avishai Cohen bâtit son jazz multicolore au fil de ces dernières décennies pour devenir l’un des plus brillants contrebassistes de notre époque. Ce soir, c’est toutefois une invitation qu’il nous réserve avec un retour au jeu en trio qu’il affectionne tant. Il nous présente ce soir des titres phares de son répertoire mais surtout de nouvelles compositions originales que nous sommes les premiers à écouter !

A ses cotés :

  • Roni Kaspi : La jeune batteuse de 23 ans est toujours présente avec son groove impressionnant. Son style est difficile à résumer : un éclectisme entre les rythmes traditionnels du jazz et un méli-mélo des genres époustouflant qui s’ordonne pour un résultat clair et hypnotisant. Sa tenue de scène ce soir sort d’ailleurs des clichés avec un tee shirt Notorius Big, rappeur décédé considéré comme l’un des plus grands rappeurs de tout les temps à l’image de Tupac. La setlist du concert de la batteuse est en fin de chronique.
  • Guy Moskovich : Étoile montante du jazz, ce pianiste de 26 ans a su faire sa place après Elchin Shirinov, Shai Maestro… et ceci illustre déjà son talent. Son touché est raffiné avec ce style jazz aux accents classiques et au couleurs de ses origines du moyen-orient. L’accord est donc parfait ! A. Cohen compose souvent ses mélodies au piano dans un premier temps : le choix d’un tel pianiste est donc parfaitement adapté. La setlist du concert du pianiste est elle aussi en fin de chronique.

 

Ce faire-part du contrebassiste attire ce soir une nouvelle fois une salle comble tout comme lors de sa dernière visite à l’Auditorium en 2023. En comparaison, l’intimité est cependant présente de par la salle et la distance par rapport aux artistes que permet le lieu.

Le public impatient est lui varié et de tout âge dans la très longue file d’attente. En effet j’entends des fans de la première heure évoquant par exemple le mythique Chick Coréa New Trio, des fans depuis l’album Seven Seas, des passionnés de jazz qui invitent d’autres à découvrir… Mais aussi des accrocs de la batterie pour Roni qui commence à être bien connue.

Mais je me doute, l’impatience est à son comble pour vous : que le concert commence !

1. C’est avec Dreaming que se font les présentations mais en instrumental : la mélodie du piano fait place au solo du contrebassiste en totale maîtrise, que cela paraît simple ! Peut être pourrions nous mimer certaines mimiques propres à chaque musicien comme les lèvres d’Avishai passant d’une forme pincée dans les aigus vers une bouche dans les graves… Un retour au thème introduit le solo du pianiste. L’ensemble est bien évidemment accompagné du punch des percussions qui s’envolent en fin de morceau vers une accélération alternant caisse claire, tom basse, cymbales avant un finish millimétré bien entendu.

2. Courage sur un tempo largo, nous propose une nouvelle composition balade avec un thème au piano en ritournelle. Avishai l’introduit seul par une rythmique qui va donner tout son sens à la suite après quelques slaps finement placés. La technique du leader est époustouflante et nous voilà partis ! Nous embrassons le rythme de ses montées et descentes comme il embrasse sa contrebasse. Solennel, ce titre est tout simplement magnifique.

3. Après une courte présentation, le trio poursuit sa connexion musical avec Below qui l’un des plus beaux titres de l’album Shifting Sands. Une élégance dévoilée avec encore une fois cette petite pudeur à travers cette mélodie aux accords sans complexité, sans fioriture, établissant un dialogue entre la contrebasse et le piano agrémenté d’un soupçon de percussions.

4. Une nouvelle composition fait suite : Ever & Ever. C’est ainsi que nous voudrions d’ailleurs que ce concert se poursuive dans le temps. Ainsi nous continuons d’être mis en haleine avec un titre qui respecte la pureté du style du contrebassiste.

5. Une mélodie suave sur laquelle s’écoule délicatement une petite phase de solo d’Avishai mais sans démonstration, simplement pour laisser place à la suite de la balade Hitragut qui fut exquise.

6. La jeune batteuse, demeurant pendant ces balades dans la finesse, va maintenant exercer son talent sous une forme éponyme beaucoup plus tonique avec Roni’s Swing. Elle introduit un titre au rythmes effrénés avec un break qui annonce la couleur. Roni est dans un premier temps en complément de la contrebasse qui fixe le rythme avant un sublime solo du pianiste sous les applaudissements. Avishai prend la main avec sa technique immuable, puis les breaks de Roni se succèdent avec grande classe vers un solo épatant !

7. Humility est une nouvelle composition qui nous rappelle certains de ses titres par sa mélancolie que l’artiste aime tant partager avec le public avec grande subtilité.

8. Avec Chutzpan la fusion du trio est encore plus palpable. Ce titre de 2008 est joué avec passion devant l’émerveillement du public. L’accélération de mi-morceau amène un solo de fin incroyable d’Avishai qui fait corps avec sa contrebasse.

9. Nous revenons sur le faire-part avec un rêve d’Amour : Liebestraum l’un des titres les plus célèbres du compositeur et pianiste hongrois Franz Liszt. Le trio de ce soir nous dévoile donc sa version de cette œuvre de style musique romantique inspirée d’un poème. Bien évidemment ces trois artistes vont exceller mais sans dénaturer la mélancolie de l’œuvre avec élégance et sobriété.

10. Après cette reprise, le trio nous présente un dernier titre tout juste enregistré : Bright Light. Le style Avishai est conservé avec un riff qui reste dans la tête mais qui nous donne envie d’écouter les détails introduits par chacun qui engendrent ce sentiment de partage et d’un plaisir commun : nous éblouir. La longue phase solo de Roni sans accompagnement se déchaîne amenant des fans à venir plus près de la scène. La jeune percussionniste embrase la salle de ses rythmes : impressionnante !

 

Ces 10 morceaux font ensuite place à 2 rappels au grand plaisir de tous. Avishai chante pour la première fois ce soir sur la magnifique zamba chantée par la chanteuse argentine Mercedes Sosa : Alfonsina El Mar. L’artiste nous délivre sa vision de cette danse de séduction latino. Un second titre permet un partage des phrasés dans un esprit collectif bien affirmé.

Enfin le trio conclut avec le célèbre Remembering, l’un des joyaux des mélodies du jazz contemporain.

Nous demeurons donc encore une nouvelle fois sous le charme des compositions mais aussi de ces échanges improvisés. Une réapparition du trio tout simplement magnifique engendrant l’addiction musicale.

La scène est vide : mais les mélodies demeurent encore…. Jusqu’au prochain concert !

Pour ma part j’estime que l’album Gently Disturbed a fixé les bases du style Avishai Cohen avec Shai Maetro et Mark Guiliana. Il est à noter qu’il n’est guère aisé de créer son propre atmosphère sonore. Ce trio avait alors fixé l’architecture d’une œuvre qui n’a cessé d’évoluer. Aujourd’hui entouré d’une nouvelle génération exceptionnelle, le retour au source du trio fait certes écho mais l’embellissement se déguste comme durant cette soirée en live !

 

Un grand Merci à Corinne pour les photos.

 

Programme jazz 2023-2024 de la Salle du Vigean :  www.eysines-culture.fr/agenda/

Album en trio : Shifting Sands, 2021

www.avishaicohen.com

www.ronikaspi.com

www.guymoskovich.com