par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.
L’Entrepôt, le Haillan, mercredi 27 novembre 2019.
L’Entrepôt au Haillan est un très bel endroit culturel, éclectique, de qualité et aussi, honneur lui soit rendu, ouvert à la scène locale comme lors des « Mercredis du Haillan» qui permettent de découvrir ou de retrouver des musiciens du cru dans leurs nouvelles créations.
C’était le cas ce mercredi là avec le nouveau projet du guitariste compositeur Christophe Maroye (on dit Maroi) appelé « Geometrics » . Une envie pour lui de s’écarter de son précédent album « No Turning Back » en se rapprochant du jazz, interpréter des formes, des couleurs. Toujours difficile de se placer dans la tête d’un artiste et de reconnaître dans sa musique les concepts qui l’ont fait naître, le principal restant le rendu de l’ensemble. Et ici on décèle de suite la patte Maroye, la pâte même. Ce mélange de toucher léger, de timbre aérien, tellement loin des guitar heroes énervés et turbo compressés.
Il y a indéniablement un son Maroye, on y perçoit John Scofield, on croit voir passer Pat Metheny, on pense parfois à Mark Knopfler, David Gilmour pointe son nez, mais il en fait à sa manière une synthèse près personnelle. Ses compositions elles aussi portent sa signature et si sur ce projet il a souhaité partir vers autre chose, on n’en est finalement pas si loin dans les harmonies et les climats. Leur construction puisqu’on est sur un projet au nom mathématique, me fait penser à des courbes de Gauss, un début tranquille, paisible, puis un climax qui monte peu à peu pour finir par s’éteindre en douceur.
Même certaines ballades, annoncées comme telles, ne résistent pas à ce bouillonnement médian auquel, sur la rythmique très accentuée de Nicolas Veysseyre à la basse et surtout de Didier Ottaviani à la batterie (*), se livrent Christophe et Xavier Duprat au Rhodes et au synthé. Le choix délibéré de la ponctuation martelée de Didier en contrepoint du climat aérien produit un contraste très intéressant évitant le côté trop planant, même si parfois j’entendais Soft Machine.
On aura aussi droit à un morceau « disco » dixit Christophe, disons plutôt funky. Pour faire tout cela Christophe Maroye possède, outre ses deux guitares dont une, splendide, en loupe de noyer, fabriquée par Jean-Raphaël Guillaumie, le luthier ex-bordelais et désormais périgourdin, un pédalier avec pas moins de cinquante boutons et potars, quatre pédales, lui permettant, sans en abuser, de moduler les sons. Je ne sais pas comment il s’y retrouve. La guitare électrique devient ainsi parfois presque acoustique, on perçoit des sonorités celtiques, d’autres plus électro…
Le vieux Rhodes, rhodé depuis bien longtemps de Xavier Duprat avec cette sonorité vintage rajoute au côté cristallin de certains titres. Nicolas Veysseyre paraît discret à la basse mais quand on ferme les yeux on comprend son rôle essentiel pour stabiliser une musique qui ne demande qu’à s’envoler.
On évoquait David Gilmour, nous y voilà dans le rappel une version personnelle de « Wish you were here » de très belle facture.
Au final un bien beau concert plus jazz cool que jazz rock, plus progressif que fusion, un objet géométrique de plus, mélange de formes diverses et joué sans triangle. On parle d’un enregistrement au printemps, car oui au fait ce soir c’était la première sortie de ce projet – Christophe a baptisé les titres la veille, en Anglais – qui nous a été offerte (à 5€ on peut le dire) à l’Entrepôt.
Retour sous une pluie battante, qualifiée de pluie décennale le lendemain, heureusement encore enveloppé de ce cocon musical.
* pour illustrer la polyvalence de ces musiciens, sachez que cette même section rythmique basse batterie était réunie trois jours avant sur le projet de Valérie Chane-Tef bâti sur des reprises de Claude Nougaro, « Nougaro en 4 Couleurs » . On a quand même de la chance à Bordeaux…
