par Philippe Desmond

Depuis plus de deux ans pour réagir à la disette musicale provoquée par vous savez quoi, trois musiciens ont eu l’idée de créer Bordeaux Swing & Wine pour combler le manque. Stéphane Séva (batterie, chant), Hervé Saint-Guirons (claviers), Laurent Vanhée ont ainsi régulièrement organisés des concerts, d’abord en ligne quand il ne pouvait en être autrement, puis réels quand l’étau s’est desserré. Concerts chez Stéphane Séva lui-même, chez l’habitant ou en clubs ensuite. Le trio a invité chaque fois un ou une musicienne et nous en avons régulièrement parlé dans ce blog. Aux artistes locaux, français sont ainsi venus s’ajouter des pointures internationales. C’est le cas ce soir avec le clarinettiste américain Dan Levinson. Son nom ne vous dira peut-être pas grand chose mais les spécialistes du old jazz, ou jazz classique , savent de qui je parle. Sideman de Leon Redbone, de Vince Giordano et ses Nighthawks (BO de Cotton Club de Coppola, de The Aviator, et d’autres films), de Mel Tormé, de Wynton Marsalis, il est un des grands clarinettistes actuels dans la lignée de Benny Goodman. Il a d’ailleurs reçu le titre de meilleur clarinettiste de 2017 aux NYC Jazz Awards. Et oui notre ami Stéphane Séva a des relations là-bas, il s’y rend régulièrement pour y jouer. Dan Levinson qu’il connaît depuis vingt ans est de passage chez lui avant qu’ils n’aillent jouer au Caveau de la Huchette.

Voilà pour le Swing, passons au Wine, ce soir le vin « La Parcelle 045 » d’Emmanuel Tignol, un AOC « Cadillac – Côtes de Bordeaux » en rouge et un AOC Bordeaux Blanc https://laparcelle045.fr/

Ce soir avec ces trop chaudes soirées dont on commence à se lasser, ça se passe dans le jardin, certains ont organisé leur auberge espagnole, d’autres dégustent le vin du soir, l’ambiance est bon enfant.

Le trio se lance – avec une surprise, Stéphane Séva à la batterie et non pas au washboard – et finit par inviter sur la petite scène du jardin, Dan Levinson, type même de l’Américain des années d’avant la malbouffe, grand élancé, très élégant dans sa tenue décontractée, chemise imprimée de flamands roses, chapeau de paille. Benny Goodman pour commencer avec « Old Fashion Love » et de suite nous arrive un son de clarinette d’une grande pureté , ça joue droit et avec beaucoup de nuances ! « Lover, come back to me » autre standard pour rester dans le jazz traditionnel et surprise – pour moi – Dan qui le joue au sax ténor où il excelle aussi dans un style du plus grand velouté… une fois trouvé la bonne anche ! Il a dû en essayer 4 ou 5 avant de se lancer, visiblement Dan Levinson a des problèmes de anches ! Plus sérieusement le temps est très chaud et sec et les petits bouts de roseau s’en ressentent. Un petit tour en France avec « Voyage d’Automne » une composition de Claude Luter avec qui Dan avait eu le loisir de jouer, une ballade où la finesse de la clarinette fait merveille. Un grand classique du trio de Benny Goodman, « After you’re gone ». Et le trio ? Il se porte à merveille, Hervé dans le rôle de directeur musical et pas avare de chorus tout comme Laurent Vanhée particulièrement en verve. Quant à Stéphane si j’ignorais ses qualités de batteurs, celles de chanteur se confirment. Le quartet swingue, tourne rond malgré le peu de répétitions, Dan est arrivé l’avant veille de NYC. Surprenant pour ce tenant du jazz classique son arrangement en Bossa Nova d’un titre de 1854, « Jeanie with the light brown hair »de Stephen Foster (Oh ! Suzanna, Sunny River…) où des accents getziens s’échappent du sax ténor ; Dan joue vraiment au rasoir. « Just you, just me » chanté par Stéphane et une autre surprise la reprise du célèbre « New York State of mind » de Billy Joel un titre de 1976 ; comme quoi le jazz peut pimenter tous les repertoires. Un tel concert sans Cole Porter ça ne peut exister et on a donc le plaisir d’entendre « Just one of those things » morceau millésimé 1935. Le jazz c’est aussi la France et certaines de ses chansons et ainsi Samantha Grassian vient se joindre au groupe pour chanter « Les roses de Picardie » de Montand ; le quartet tout en délicatesse, l’accompagne, la clarinette susurrant finement ses harmonies ; vraiment un très beau clarinettiste ce Dan Levinson. « Whitchcraft » nous rapproche de la fin du concert avant un « I got Rhythm » dansé (sur l’herbe, ou ce qu’il en reste) par Betty Crispy et Russel Bruner danseurs « burlesques » bien connus, pas assez même quand on voit la qualité de leur prestation, splendide.

Le temps est très vite passé, nous avons pour la plupart découvert un remarquable clarinettiste (et saxophoniste !) dans un lieu paisible, loin de certaines foires musicales parfois un peu assommantes. Merci Bordeaux Swing & Wine de nous organiser de tels moments !

http://bordeauxswingandwine.com/