par Annie Robert / 6 octobre 2018
On connaît le festival Jazz in Marciac, mais qu’en est- il de Marciac, sans le festival, hors saison, hors été, hors foule empressée, hors chapiteau bondé ? Du vide ou du rien ? De l’ennui de province bien pépère ?
Et bien heureusement non. Plutôt un retour de l’espace, une respiration plus ample entre les murs colorés, une redécouverte de la place vide de chaises, de calicots, de musique et d’odeurs, une douceur du temps qui s’égrène dans un juste rythme, un stade qui a retrouvé sa pelouse, un chat, des chiens, des enfants qui skatent, et des turfistes qui turfent sur le café de la place… la vie en somme, sereine, avec de quoi remplir des poumons de bleu, de vert, de soleil ou de pluie.
Et puis, Marciac sans le festival c’est encore du jazz , mes cousins… puisqu’il reste l’Astrada, ses cinq cents fauteuils et sa programmation annuelle. Cette année l’ Astrada a quitté le giron du festival, la scène–étincelle apprend à voler de ses propres ailes. Nouvelle direction, nouveau visuel, nouveaux projets et la reconnaissance d’être labellisée scène nationale jazz. Cela valait bien une inauguration de saison de belle tenue qui a duré tout le week-end.
Et du jazz, il en a été question sans faiblir. D’abord avec le spectacle déambulatoire de la compagnie La fabrique des petites utopies pour comprendre les liens unissant le jazz et Marciac. Quatre étapes dans la ville et la découverte du cloître envolé aux USA, d’un pianiste mort à Verdun, du rag-time et de la trompette de Marsalis. Créé sur mesure, ce fut un joli moment décalé et humoristique entre fantastique et musique avec trois acteurs /chanteurs et deux musiciens qui ont assuré sans frémir tous les rôles, de Bacchus à Musique, de la lutte des noirs à l’accent du Gers.
Ensuite direction la colline de la Biste, face au lac et ses rangs de vigne dédiés à des artistes. Nous avons donc coupé, sécateurs en main et bastes au pied quelques grappes dans le rang de Jerry Mulligan, dégagé des grains chez Petrucciani , soulevé le velours de Diana Krall… et j’en passe mais surtout goûté le bourru et la tourte à l’Armagnac.. Vous dire que le jazz se dissout dans le St Mont .. je n’irais peut être pas jusque là mais mystère?
Retour à la Strada pour une rencontre avec Valérie Voyer, de l’atelier de création visuelle Le Pasquebeau traçant le parcours, les pourquoi et les comment de son travail haut en couleurs pour la nouvelle communication de L’Astrada. Une intéressante réflexion sur les objectifs de la comm, ses limites et son rapport à la création.
Après le concert de Joachim Kühn New Trio ( qui fera l’objet d’une chronique à part ), c’est la salle des fêtes, sa boule à facette et ses lampions de couleurs qui a attiré les irréductibles qui n’avaient pas sommeil au delà de 23h.
Pulcinella y présentait le «Grand Déballage », un concert dansant excentrique et généreux, rempli de valses, de paso-doble et autres farandoles. Ferdinand Doumerc ( sax et flûte), Florian Demonsant (accordéon), Pierre Pollet ( batterie) et Jean Marc Serpin ( contrebasse) font bien plus que du bal, ils créent de la musique à danser, toute en finesse et en joie communicative, bien éloignée du baloche standard. Il y en avait autant pour les oreilles que pour les guibolles, un carambar de haute qualité, une fraise Tagada griffée de chez Pierre Hermé. A déguster plus, plus… pour finir épuisé de danse…
Un week end généreux donc,( un peu gêné par du temps gris) mais chargé de sens pour nous prouver que la ruralité et la culture ne sont pas antinomiques. Marciac vit donc hors festival, mais oui.
L’Astrada est là pour en donner la preuve…