Eric Séva « Frères de Songs » au Rocher de Palmer

par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.

le Rocher de Palmer, vendredi 8 avril 2022.

Derrière son élégance naturelle Eric Séva est un gourmand, gourmand de musique. A peine a-t-il bouclé un projet qu’il se lance dans un autre. On l’avait applaudi en janvier dernier avec une formation étonnante mêlant jazz et classique, il nous revient déjà dans un tout autre registre et avec de nouveaux musiciens.

Envie de chansons, de blues, de soul, de jazz, toujours cette transversalité musicale qui le caractérise et cette ouverture vers les autres. En 2017 après la sortie de son album « Body and Blues » il avait travaillé avec le chanteur américain Michael Robinson qui le rejoint à nouveau. Son nom peut-être ne vous dit rien mais si je vous précise qu’il tenait la place de ténor dans le Golden Gate Quartet ça vous situe le personnage. On avait eu la chance de le voir et l’entendre au festival Jazz à Caudéran cette même année avec le groupe d’Eric Séva. Ce dernier a fait appel à lui pour écrire un répertoire de chansons sur des musiques originales, sauf la très jolie mélodie « Bivouac » figurant sur l’album Body and Blues. D’où le nom du projet « Frères de Songs », plus de barrière de langue, de couleur de peau, on connait les idées humanistes du saxophoniste.

Nouveau projet alors nouveaux musiciens et pas des moindres. Aux côtés d’Eric et Michael, le tromboniste Daniel Zimmermann qui modernise l’instrument, Christophe Cravero au CV très chargé et aux mains très occupées entre la droite sur le Rhodes et la gauche sur le synthé de basses. Et bonne surprise aux baguettes Julie Saury la récente Chevalier – et non Chevalière n’existe pas dans ce sens là – des Arts et Lettres mais avant tout batteuse remarquée, entre-autres, dans le Lady All Stars de Rhoda Scott.

Cinq jours de résidence au Rocher de Palmer pour ce projet tout neuf dont les musiques ont été bouclées juste à temps, des séances de travail très studieuses que nous avons pu suivre. L’apparente facilité des concerts n’est en fait que la partie émergée de cet iceberg musical que constitue une création.

En résidence

Ouverture en quartet instrumental avec une version revisitée du dynamique « Minicrospique Blues » issu de l’album de 2017. Et déjà ce groove entretenu par Julie et la basse de Christophe. Belle harmonie entre le vif trombone de Daniel et le chant profond du sax baryton d’Eric ; ça pulse !

Arrive Michael Robinson pour chanter le morceau titre de l’album prévu à l’automne, « Frères de Songs » de sa voix haute avec ce voile et ce grain très agréables, s’intégrant parfaitement au quartet. Soul blues avec la délicate ballade « Bivouac » que Michael a tenu à mettre en paroles.

« Transit » où Eric Séva jongle entre baryton et soprano pendant que Daniel Zimmermann revisite le son du trombone avec une pédale wah-wah. Drumming de Julie Saury plein de relief, de fantaisie pour un groove communicatif, Christophe Cravero ajoutant la couleur 70’s du Rhodes et du synthé. Hommage à l’Ukraine avec « Stiykist », résilience en ukrainien, preuve aussi de la toute fraîcheur du répertoire, un titre funk où le groupe s’exprime à plein. Pour calmer le jeu voilà l’aérien « Canopée » délicatement susurré par Michael. Retour instrumental en 2017 avec le vif « A Gogo » et le retour de Michael pour un titre très soul « Time & Space », Stevie n’est pas loin.

« Agochic» en rappel évoque Chicago la ville d’origine du chanteur avant une seconde belle ovation pour le groupe qui après une semaine de travail vient de rendre sa première copie à un jury plus que satisfait et ce soir très nombreux.

Un mélange des genres très réussi que ce « Frères de Songs », ce fameux métissage qu’Eric Séva revendique depuis toujours dans sa production musicale.

 

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Résidence :

Photo de l’affiche : Philippe Marzat