OMAR SOSA / SECKOU KEITA

Par Martine Omiécinski

Le vendredi 18 novembre 2022. Concert du Rocher de palmer « délocalisé » à la salle du Vigean à Eysines dans le cadre de « Musiques de nuit ».

Le trio est composé de : Omar SOSA : Piano, co-composition / Seckou KEITA : Kora, chant, co-composition / Gustavo OVALLES : Percussions, batterie, voix

Bravant cette pluie d’automne tant attendue, je fonce écouter/voir ce concert promettant ambiance et sonorités d’ailleurs !

Il s’intègre dans une tournée mettant en valeur l’album « SUBA » sorti en octobre 2021 et bien sûr chroniqué par Action Jazz.

J’étais curieuse de voir et d’entendre comment ont évolué les morceaux co-composés pendant la période de pandémie Covid et prônant la sérénité et la paix.

Le décor nous projette en Afrique : un beau tissu tendu en guise d’écran, la kora qui trône au milieu et une multitude d’instruments de percussion et de bruitage qui laissent deviner ce qui va suivre…Seul le piano nous ancre en Europe, historiquement seulement car l’Amérique latine dont Cuba l’a enrichi d’un groove unique !

Les tenues vestimentaires sont elles aussi africaines pour les deux leaders qui revendiquent leur appartenance à la terre mère (ancestrale pour Omar), Sénégalaise pour Seckou.

Omar SOSA entre en scène avec son rituel de purification des lieux (et des êtres ?) : une bougie qu’il promène et pose sur le piano, évoquant la dimension mystique de la soirée.

Dès le premier morceau, le chant envoûtant de Seckou nous happe tout en douceur sur le lit des notes : du piano, de la kora, et du bongo manié de mains de maître par le percussionniste vénézuélien Gustavo OVALLES. L’Afrique est bien là, avec par moments une rythmique plus latino.

Puis ils enchainent avec « SUBA » (titre global de l’album et nommé « Drops of Sunrise »). « SUBA » c’est l’aube en « malinké «  ( la langue maternelle de Seckou), le moment où tout renaît, où l’esprit est plein d’espoir, pas encore encombré des scories de la journée. Le chant et la kora volutent avec mystère et harmonie puis le rythme va crescendo, la complicité explose, échanges de regards, sourires puis franches rigolades suite aux impros/joutes sonores que chacun propose à l’autre…Magique ! Le public ne s’y trompe pas !

Le morceau suivant débute par une longue intro/impro émouvante au piano sur un florilège de bruitages orchestrés par Gustavo (grelots, clochettes, cliquettes, sons enregistrés du quotidien d’un village africain etc…) annoncent le morceau suivant puis Gustavo passe à la batterie et nous nous retrouvons en trio jazz classique, le tempo est haché, percussif, les accords de kora se font plus graves et ronds comme une contrebasse, Omar jongle sur ses deux pianos (mécanique et électrique), tout s’accélère le public s’anime de plus en plus.

Vient ensuite à l’entame un long solo de kora avec toute la palette de sonorités : des plus aériennes aux plus terrestres. S’installe un subtil dialogue avec le piano ; l’échange, tout en émotion et délicatesse, est émaillé de gestes et de sourires entre les deux compères (le griot et le mage ?) puis les congas de Gustavo déboulent, le groove devient plus chaloupé, les territoires latinos rejoignent l’Afrique.

Seckou se lève, nous invite à chanter (c’est là que j’identifie « Allah Léno ») et à sourire largement à chaque fin de scat. Omar le rejoint ils se lancent tous deux dans une danse effrénée, le public décolle !

Ils reviennent sur leurs instruments avec plein de mimiques, jouant d’une seule main comme deux frères farceurs. Le final est très latino avec un duo piano-percussions…Jubilatoire !

Les trois morceaux suivants rivalisent de facéties :

-Omar jouant des percu aux balais (en paille !) sur son piano. N’oublions pas qu’il a appris les percussions avant le piano à Cuba !

-Gustavo tapant avec des bambous sur des briques ou bruitant dans un bac rempli d’eau en émettant des sonorités de folie !

-Seckou se servant d’un petit tambour africain accroché à son épaule

Tout cela dans la joie, la bonne humeur et la franche rigolade en respectant harmonies et mélodies dans une symbiose entre musiques venant des deux côtés de l’Atlantique : Afrique et Amérique latine.

Bref du grand art et un moment de partage exceptionnel !