MICHEL FERNANDEZ – « GLOBAL WARNING »
5 étoiles
Sortie 16 septembre 2022 chez Socadisc
Chronique de Martine Omiécinski le 14 octobre 2022
Quartet : Michel FERNANDEZ : Saxophones ténor et soprano, compositions, arrangements / Benoit THEVENOT : Piano / François GALLIX : Contrebasse / Nicolas SERRET : Batterie
Invités : Julien CHIGNIER : Saxophones baryton et alto (op 1,2,3,6,8) / Léa FERNANDEZ : Batterie (op 1,6) / Philippe « Pipon » GARCIA : Batterie (op.2,4,10) / Pierre BAUDINAT : Batterie et arrangements (op.5)
Action Jazz a déjà présenté Michel FERNANDEZ, ainsi que les musiciens de son quartet et leur pedigree, en décembre 2021 lors de son précédent et bien nommé album « Sans frontière ».
Rappelons que ce lyonnais est tombé tôt dans la marmite du free jazz puis a beaucoup parcouru et joué en Afrique, du nord au sud, s’imprégnant des rythmes africains, arabo-andalous mais aussi afro-cubains, disons plus généralement latin-jazz qu’il concocte à sa manière très personnelle dans ses compositions. Du coup sa « patte » se reconnaît rapidement grâce à la richesse de ses propositions, allègres, impétueuses en un mot « vivantes » et très ouvertes sur le monde dans le but de le réveiller et de le faire bouger avant que son avenir ne soit trop compromis : « Global Warning » !
Il revendique dans ses modèles les saxophonistes John COLTRANE, Archie SHEPP ainsi que d’autres figures avec qui il a partagé la scène : Fela KUTI, John TCHICAI (compagnon de route de COLTRANE) et Pharoah SANDERS (qui vient hélas de nous quitter et dont le son si particulier de son saxo résonne encore à nos oreilles !).
Les compositions sont presque toutes de Michel FERNANDEZ, sauf l’opus 6 du danois Pierre DORGE arrangé par Michel.
Sur cet album, outre son quartet, il est entouré d’une palette d’invités dont de pétulants batteurs et d’un autre pétillant saxophoniste.
C’est foisonnant, multiple, irrésistible de bout en bout ! Mais puisqu’il faut choisir, je mets en avant les morceaux suivants :
1 – « For Bobby Few » : pour l’hommage à ce pianiste américain installé en France depuis 1969 et décédé en janvier 2021. L’entame de Michel au sax ténor n’est pas sans évoquer la force et le lyrisme de Pharoah SANDERS puis tous déboulent sur un rythme d’afro-beat généré par la rythmique avec Léa FERNANDEZ impérieuse à la batterie, le saxo dérape free sur une jubilatoire impro, puis Benoit THEVENOT au piano se colle au thème puis voltige en liberté.
Quelle bouillonnante et brillante entrée en matière pour ce premier morceau !!!
2 – « Global Warning » le titre de l’album pour l’entame au baryton de Julien CHIGNIER, pour le bel échange entre les deux saxos virant au free, ça chauffe, ça réveille, ça embarque
L’énergique Philippe « Pipon » GARCIA emmène la rythmique puis lance un beau duo avec Benoit THEVENOT au piano, le baryton chorusse, ça pulse et s’achève par une touche de batterie !
3 – « Compteur Blues » pour le côté bluesy/jazzy, le tempo rapide qui embarque dans un tourbillon de sons, pour la précision de Nicolas SERRET à la batterie, pour l’échappée belle et libre de Julien CHIGNIER à l’alto, pour le piano incisif sur cette rythmique serrée et pour les volutes finales des 2 saxos.
5 – « Exil » pour cette composition de Michel arrangée et jouée par le batteur Pierre BAUDINAT, l’entame plus calme nous permet de mieux entendre et d’apprécier le jeu subtil au son bien dense de François GALLIX à la contrebasse sur ce tempo latino chaloupé. Michel nous régale cette fois au soprano quant à Pierre BAUDINAT, ses partitions aussi bien à la batterie qu’aux percussions nous enchantent, pas étonnant puisqu’il a été initié aux percussions latines par le cubain Orlando POLEO et ça s’entend !
Jubilatoire vous dis-je !
7 – « Alhambra » Autre couleur et saveur jouées par le quartet de base. Entamé par des arabesques au soprano par Michel, ce morceau inspiré des musiques orientalo-andalouses glisse vers des instants plus jazzy, pour mieux revenir à Grenade, laissant l’imagination se promener des jardins et palais de l’Alhambra aux cimes de la Sierra Nevada, la contrebasse se fait guitare espagnole, le piano ruisselle comme l’eau des bassins….Magnifique !
8 – « Ornette Interlude » pour cette impro collective folle en l’honneur d’Ornette COLEMAN ce compositeur, saxophoniste ténor et alto mais aussi trompettiste et violoniste parmi les pionniers du free jazz
10 – « La déchirure » pour le dialogue ténor/baryton de Michel et Julien, pour le long solo de contrebasse nerveux de François GALLIX, sur les roulements hachés de Philippe « Pipon » GARCIA.
Bref, un album très abouti et plein d’énergie, on en redemande ! A quand un concert dans le sud-ouest ????