par Philippe Desmond
L’association « Notre Italie » créée en 2010, présidée par Stefania Glockner Graziano, s’est donnée pour mission de diffuser la culture italienne : littérature, musique, cuisine… tout cela à travers des rencontres, des concerts, des manifestations et le festival « Le Printemps Italien ». https://notre-italie.org/
Ce soir à l’Utopia elle fait coup double avec un concert de jazz du quartet Across the Lines, suivi du film « 7/8″(Sette Ottavi) de Stefano Landini se déroulant dans le monde du jazz du temps de la seconde guerre mondiale sous le règne fasciste de Mussolini ; une période noire aussi en Italie pour la musique que nous aimons tous.
ACROSS THE LINES est un quartet international – au delà des frontières comme son nom le suggère – composé du tromboniste et trompettiste franco-italien Andrea Glockner, du claviériste italo-dominicain Santiago Fernandez, du batteur italo-suisse Alessandro Alarcon et de la bassiste italienne Silvia Bolognesi malheureusement empêchée pour ce concert et remplacée par Louis « Vendeen » Laville bien connu sur la place bordelaise. Un album est en préparation pour une sortie en fin d’année avec les compositions originales d’Andrea.
C’est donc un aperçu de celles-ci que le groupe nous présente en prélude à la projection du film. On va vite se rendre compte que le parti pris du groupe est de proposer un jazz moderne qui groove mais qui surtout affiche une belle richesse. Sur une rythmique basse batterie particulièrement efficace, Andrea alternant trompette basse (assez rare) avec trombone et Santiago tellement expressif au clavier, le quartet va nous proposer une musique colorée, virtuose et surtout mélodieuse. Les chorus s’enchaînent naturellement, le dialogue entre les deux solistes est constant. Un certain côté vintage transparaît, ce jazz fusion des années 70, on pense à Chick Corea, mais on bascule parfois vers Keith Jarrett. Même sans saxophone Coltrane n’est pas loin non plus dans les fulgurances de la trompette et du trombone, dans les développements très free qui arrivent avec cohérence, comme par exemple sur un des titres où le thème de « Saint James Infirmary » a été choisi comme entrée en matière. Modernité – des clins d’oeil hip-hop- respect de l’histoire du jazz, on est impatient de découvrir le répertoire complet sur l’album à venir !
Italie – 2007 – 1h14 – VOSTF avec Fabrizio Nicastro, Ernesto Mahieux, Alessandro Vantini… Musique Paolo Fresu.
Résumé : Juin 1940, Turin. Alors que l’Italie de Mussolini entre en guerre aux côtés de l’Allemagne nazie, le jeune Massimo n’a qu’une idée en tête : la musique jazz. Une passion viscérale, seule moteur de sa vie, au désespoir de son père qui le pousse à se consacrer à ses études d’architecture. Mais Massimo a fait son choix. Il passe ses soirées dans le petit club où se produit le quintette de jazz de Giò Cervi, son idole. C’est là qu’il rencontre le musicien d’origine juive Alberto Molaien qui lui apprend les secrets de la composition. Entre-temps, la situation politique bascule et les expressions artistiques qui ne sont pas strictement italiennes sont interdites. Le jazz, originaire des États-Unis, est considéré comme « exotique » et condamné comme une forme d’art dégénérée. Massimo, Giò et Alberto sont arrêtés et finissent en prison d’abord comme prisonniers politiques. Mais en 1943, les nazis prennent le contrôle des prisons et le destin des 3 musiciens bascule…Dans un noir et blanc vintage, le film 7/8 (comme le nombre de mesures en jazz) nous relate une histoire vraie, celle d’une injustice passée inaperçue mais dont la foi en l’art et la musique imprègnent chaque plan. Une musique qui résiste et qui libère l’âme, même si le corps est emprisonné.
Ce film poignant relate une période très sombre (une de plus) de la seconde guerre mondiale. La passion du jazz mènera les protagonistes jusqu’au peloton d’exécution des nazis occupant l’Italie. Quand on sait que le troisième fils du Duce, Romano Mussolini encore tout jeune à l’époque – né en 1927 – deviendra pianiste de jazz après la guerre, on ne peut que blâmer la stupidité meurtrière d’une idéologie qui malheureusement couve toujours.
Cinématographiquement, une très belle photo, en noir et blanc, une mise en scène sobre et parfois cinglante, une bande originale superbe, composée par Paolo Fresu qu’on voit jouer dans le film avec le quintet. A noter que le sous-titrage a été réalisé par Stefania Glockner Graziano elle-même, en contact avec le réalisateur Stefano Landini.
Deux découvertes ce soir, une belle avec Across the Lines et une bien triste avec ce que nous a appris le film.
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