Concert Olympia d’Arcachon / Jeudi 13 avril 2023

Chronique : Jean-Luc Dagut, photos Philippe Marzat

Très belle soirée que nous ont offerte Antonio Lizana et son quinteto ce jeudi-là.

Longue ovation du public, apparemment conquis, en fin de concert.

Le spectacle, où se mêlent avec bonheur l’âme et l’expressivité du flamenco (la alma), et les raffinements du jazz, était de grande qualité.

Antonio Lizana, malheureusement trop peu connu du grand public, figure pourtant comme l’un des meilleurs représentants de ce style que l’on appelle le « nouveau flamenco jazz ».

Né en 1986 près de Cadix, l’un des berceaux historiques de l’art gitan, ce jeune musicien, saxophoniste de jazz, chanteur de flamenco, compositeur, a vécu à New York et porte en lui cette double culture. Virtuose du saxo alto, et soprano, il a joué avec les meilleurs : Arturo O’Farrill, Marcus Miller, Snarky Puppy notamment. Il a reçu à deux reprises les Grammy Awards. Auteur de quatre albums, Antonio a donné plus de 300 concerts au cours des trois dernières années, dans plus de trente pays, et participé aux plus grands festivals.

La rencontre du flamenco et du jazz… Ou du jazz et du flamenco. La démarche a compté d’illustres prédécesseurs : Paco de Lucia, Al Di Meola, Chick Corea…

Les deux genres ont des points communs : le principe de l’improvisation autour d’un thème, le rythme, l’énergie, l’authenticité. Le flamenco, parfois nommé « blues des gitans », ou « blues des Espagnols », n’est pas sans affinités avec le langage sophistiqué du jazz. Celui-ci s’adapte à tout, à toutes les musiques du monde.

L’entreprise est audacieuse ici, puisque le flamenco est joué sans les guitares gitanes. Le jeu des instruments modernes relaye et complète les chants, prolonge et développe les états d’âme de la musique andalouse, de la mélancolie sombre à l’expression forte de la passion et du tempérament, qui peut mener jusqu’à la transe. Le récit du flamenco s’enrichit de ces sonorités nouvelles et du registre d’improvisation du jazz.

 

Le « Antonio Lizana Quinteto » réunit auprès de ce dernier la fine fleur de la scène jazz madrilène : l’excellent pianiste (et choeur) Daniel Garcia Diego, dont le jeu très complet et très harmonique apporte beaucoup à cette musique ;  Arin Keshishi à la basse électrique qui soutient l’ensemble avec discrétion mais efficacité ; le très bon batteur également Shayan Fathi dont le jeu très fin et très retenu épouse à la perfection toute la subtilité rythmique de ces compositions ;  et bien sûr le danseur, claquettiste et choriste El Mawi, dont le jeu de pieds (el zapateado) s’inscrit toujours de façon parfaite dans la musique, et dont les gestes chorégraphiques apportent l’élément visuel et le mouvement qui font du flamenco un spectacle complet.

Les morceaux présentés sont issus des albums précédemment enregistrés : De viento (2012), Quimeras del Mar (2015), Oriente (2017), Una Realidad diferente (2020). Des trois premiers surtout, dans lesquels la partie flamenco est plus présente. Le dernier album, Una Realidad diferente, regroupe de superbes compositions, très orchestrées, mais où la référence gitane devient plus lointaine.

On apprécie particulièrement dans ce spectacle les moments de chant pur, le « chant incarné », le cri du « gaditan » à la voix déchirée et aux intonations touchantes, qui nous replongent dans l’inspiration originelle et authentique du flamenco. Dans d’autres passages, également superbes, dialoguent simplement le chant et le saxophone. Les danses et percussions aux pieds d’El Mawi, toujours au juste instant, intenses et sans longueur, sont également saisissantes. Et puis bien sûr toute la musique, très bien faite, riche des magnifiques improvisations offertes par le saxophone et le piano, et où « la alegria » bat son plein lorsque « las palmas flamencas » (les battements de mains) se joignent aux instruments pour mieux scander le rythme.

On dit que les paroles sont également belles et pleines d’émotion et d’optimisme. Mais là, nos connaissances réduites en espagnol ne nous ont pas permis d’en apprécier pleinement le message…

Merci à Antonio Lizana et à ses musiciens, de nous avoir fait passer ce bon et beau moment, et d’avoir fait vivre Arcachon à l’heure andalouse. Un très beau voyage dont nous nous souviendrons et auquel nous repenserons toujours avec plaisir.

« Los jaleos », pour terminer, sont ces encouragements que donnent les compagnons de scène aux danseurs et musiciens de flamenco : « Olé ! », « Baila !», « Anda ! », « Vamos ! » … Eh bien, pourquoi ne pas le faire à notre tour : « Muy bien, AntonioAsi se toca ! Ten un buen viaje 

 

Prochains concerts :

10 mai : La Maline, Ile de Ré

11 mai : Le Palace, Surgères

12 mai : Jazz Festival de Bergerac

17 mai : Sunside, Paris

18 mai : Jazz sous les pommiers, Coutances

26 mai : Jazz festival de Saint-Louis (Sénégal)

 

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