Billie Holiday célébrée avec Jazz for Ever
par Philippe Desmond, texte et photos.
Hôtel Mercure Bx-Mérignac avec Jazz for Ever, vendredi 22 novembre 2024
Natacha Kanga : voix / Michel Parmentier : piano / Marc Alibert : guitare / Emmanuel Forster : contrebasse / Daniel Dumoulin : batterie et arrangements.
« Le 27 Mai 1947, Billie Holiday, immense chanteuse, est jugée pour détention et dissimulation de drogues.
Sur les conseils de son agent Joe Glaser, elle se présente seule sans avocat devant ses juges et reconnaît les faits.
Pas de clémence pour le tribunal qui veut faire un exemple retentissant. Billie est condamnée à un an et un jour de détention. Elle est libérée pour bonne conduite le 16 mars 1948, Joe Glaser – un proche d’Al Capone – organise son concert de retour.
Elle se produit le 27 mars au Carnegie Hall accompagnée par Bobby Tucker au piano, John Levy à la contrebasse, Remo Palmieri à la guitare et Denzil Best à la batterie.
La soirée est un triomphe et les spectateurs trop nombreux trouveront place jusque sur la scène, dans la fosse ou resteront debout. Billie interprètera 21 chansons en commençant par « I cover the waterfront ». S’en suivront pas moins de 6 rappels. La soirée ne fut malheureusement pas enregistrée. »
Voilà comment l’association Drums Summit de Toulouse présente sa création musicale en référence à cet épisode de la vie tortueuse de Billie Holiday. https://www.drumssummit.com/
Ainsi un quartet de musiciens a t-il été monté autour d’une chanteuse pour évoquer cette soirée légendaire de 1948. Ce soir nous ne sommes pas au Carnegie Hall mais dans un salon de l’hôtel Mercure de Mérignac ; Billie Holiday n’est bien sûr pas là et c’est Natacha Kanga, une jeune chanteuse toulousaine qui depuis peu fait carrière à Berlin, qui est chargée de la faire revivre. C’est l’association Jazz for Ever – ouverte à tout le monde – qui organise, sous l’égide de son président Jean-Marc Tailleur qui justement ce soir célèbre son anniversaire !
Comme à New York c’est le standard « I cover the waterfront » qui ouvre le concert. L’aisance et la sobriété de Natacha Kanga se perçoivent immédiatement. Elle n’a pas du tout la voix de Lady Day (personne ne l’a jamais eue) et c’est tant mieux, pas de comparaison à faire, simplement apprécier. A son service et de belle manière, le quartet toulousain ou presque. En effet si Emmanuel Forster et Michel Parmentier y résident toujours, Daniel Dumoulin, qui y a dirigé l’école de batterie Dante Agostini, vit désormais sa « retraite » à Capbreton et Marc Alibert est lui toujours bayonnais.
Natacha peut être à l’aise avec ces quatre, les arrangements sont à son service mais laissent aussi de la place aux excellents chorus de chacun. Les standards défilent avec bonheur, la chanteuse prend visiblement du plaisir, elle est rayonnante et sa voix posée, ne s’interdisant pas des montées en puissance, est vraiment très agréable ; diction, clarté, étendue de la tessiture, tout y est, et elle ne force jamais son timbre.
Emotion intense et quelques larmes de Natacha pour le légendaire et tragique « Strange Fruit » dans un arrangement de Daniel Dumoulin particulièrement ténébreux ; tambour tribal, percussions de contrebasse, cordes frottées au piano, guitare qui pleure, une très belle adaptation. « Body and Soul » puis « God bless the child » et « Night and Day » nous ramènent à plus de lumière. Dans ce dernier titre arrive le scat que Natacha maîtrise donc aussi. Il reviendra bourré de swing dans « Your mother son in law ». Plus tard le tempo s’emballe avec « Foggy Day » . On ne pouvait pas passer à côté de « Lady sings the blues » un des hymnes de Billie, ici dans une version un peu jungle. C’est déjà la fin mais bien sûr le rappel est demandé spontanément.
Natacha nous propose alors une version a cappella de « Summertime » ; oui vraiment ce soir nous découvrons une grande chanteuse; pas tout à fait une découverte car personnellement je l’avais vue dans le off du festival de Capbreton, dans une guinguette au bord du Boudigau, mais en pleine rue, par forte chaleur, sans sono. Ici ce soir dans de bonnes conditions elle étale vraiment son talent. Le groupe reviendra pour le second rappel et conclure ce très joli concert.
Quelle chance pour Jean-Marc Tailleur de célébrer son anniversaire si bien entouré.