Autour de la trompette au Jazz Club d’Ambès
Texte et photos par Philippe Desmond
Ambès (33), vendredi 1er décembre 2023.
« Déjà » le troisième rendez-vous jazz des Vendredis d’Ambès ! Et oui chaque vendredi un concert se déroule dans le bar de l’Espace des deux Rives de cette ville à la pointe nord de Bordeaux Métropole, hésitant entre Garonne et Dordogne pour finalement choisir d’être bien Gironde. Une mairie engagée, un service culturel motivé et voilà le spectacle vivant qui s’installe ici, tant mieux. Formule cabaret ce soir avec quelques assiettes gourmandes aussi garnies que leur prix est léger ; idem pour les boissons ; pour faire un vilain jeu de mots, je dirais que par rapport à Bordeaux les prix ici sont en baisse… Précisons encore que le spectacle est offert à tous, pris en charge par la ville, et oui on est bien accueilli ici.
Après l’orgue Hammond, le vibraphone, au tour de la trompette d’être à l’honneur pour cette édition de décembre. Et comme d’habitude l’organisation a fait appel à des musiciens de la région, de ceux que l’on connaît bien à Action Jazz pour les avoir accueillis et souvent récompensés lors de nos Tremplins Nouveaux Talents (Notez déjà la date du prochain, le samedi 20 janvier à 20h précises au Rocher de Palmer ; entrée gratuite).
Le quartet du jour est formé du Louis Gachet à la trompette (un hasard ce Louis?), Thomas Gaucher à la guitare, Thomas Galvan à la batterie et Chuchi Garcia à la contrebasse. Les trois premiers sont de purs produits des classes de musiques actuelles du Conservatoire de Région de Bordeaux, quant au troisième tout jeune papa il nous vient d’Espagne installé dans la région depuis quelque temps.
A travers des standards plus ou moins connus, le quartet va nous retracer un pan d’histoire du jazz autour d’un de ses instruments phares. Le son en sourdine aiguë de Miles Davis va ouvrir la séance sur « If I were a bell » ; il ne s’agit pas pour Louis de copier le Maître mais d’évoquer son jeu à travers. Ce titre date de 1956 et nos protagonistes n’étaient même pas encore une idée de leurs futurs parents. C’est ce qui est une caractéristique du jazz, le jouer en connaissant son histoire, en s’en faisant les passeurs et c’est un vrai plaisir de voir de jeunes musiciens, au demeurant aussi compositeurs, « faire le métier » en se frottant aux grands anciens. Quand en plus c’est fait avec talent et aisance comme ce soir, c’est parfait.
« Autumn in New York » ou à Ambès ce soir sous une pluie fine, pour évoquer un trompettiste reconnaissable entre mille, Chet Baker au son si délicat. La rythmique justement l’est aussi sur ce titre mais saura être vigoureuse quand il le faudra. Chuchi a un tempo précis et un son très rond quant à Thomas il montre qu’un bon batteur n’a pas besoin d’un gros matériel ; venu avec une simple jazette il en tire plus que le nécessaire pour groover, swinguer ou se faire carressant.
Pour seconder la trompette de Louis Gachet, Thomas Gaucher, le droitier, est terriblement efficace. Un son naturel, lumineux, une finesse très musicale, un délié de notes de grande clarté, tout concourt à faire de ses contrechants de la trompette ou ses propres chorus de jolis moments de jazz. Il y a dix ans lors des mémorables soirées-jams du Tunnel à Bordeaux, je me souviens de voir s’avancer timidement un jeune garçon blond avec sa guitare, demandant poliment au maître des lieux Roger Biwandu qui ne le connaissait pas, s’il pouvait « entrer ». En un morceau il avait trouvé sa place, revenant gratter ses cordes de temps en temps dans cette cave aujourd’hui fermée. Beaucoup de chemin de fait depuis.
Voilà maintenant Art Farmer évoqué à travers la composition de Benny Golson « Fair Weather » et son thème heureux qui va et vient au milieu des impros. Une intro bien excitée et syncopée pour « Straight Ahead » de Kenny Dorham, pas le plus célèbre des trompettistes mais compagnon de jeu des plus grands. On reste dans le hard bop avec un de ses pionniers, Dizzy Gillespie. Trompette et guitare se répondent dans une belle harmonie.
Lee Morgan est convoqué maintenant avec « A Waltz for Fran » une ballade valse sur laquelle un couple va venir danser, gage du bien-être qui règne dans le lieu. Toujours Lee pour « Is that so ? » avant de célébrer Clifford Brown sur une composition de Sonny Rollins « Valse hot ». L’histoire défile, le temps aussi voilà le dernier titre et on boucle la boucle avec Miles Davis et ce titre du mythique Kind of Blue, « Blue in green », pas le plus facile, où le jeu en sourdine de Louis est du plus bel effet.
Rappel bien sûr demandé spontanément par un public pas forcément spécialiste du jazz mais qui s’est laissé séduire par ce quartet fusionnel. « Two Bass Hit » joué par Miles et Dizzy et maintenant par Louis.
Excellent concert les gars, tout le monde est heureux.
Prochain Jazz Club Ambès le vendredi 5 janvier 2024.