Samy Thiébault quintet à Jallobourde « Awé » ; ah ouais !!!

par Philippe Desmond, photos Solange Lemoine

Espace Quérandeau à St Jean d’Illac, vendredi 20 janvier 2023.

En 2019 lors du festival Jazz à Caudéran que nous organisions*, Samy Thiébault était venu en quintet présenter son projet « Carribean Stories » premier volet d’une trilogie musicale objet de trois albums, poursuivie par « Symphonic Tales » et dont « Awé » constitue l’aboutissement. C’est sur ce dernier répertoire, principalement, qu’il est là ce soir au festival Jallobourde qui vagabonde entre les villes bordant la Jalle et l’Eau Bourde, Canéjan, Cestas, Martignas et ce soir Saint Jean d’Illac.

Basé depuis quelques années à Miami, Samy a axé sa musique autour des influences caribéennes très présentes là-bas. On oublie trop que Miami en dehors du cliché de « «paradis» » pour millionnaires, voire plus, est aussi un melting pot de par sa position géographique avancée vers les Caraïbes. Mêlant les rythmes créoles à du jazz moderne et même de la musique classique, il a ainsi pris un chemin très coloré dans son œuvre déjà étoffée. Mais déjà ce vagabond, au sens noble du terme, a déjà la tête tournée vers ailleurs comme il va nous le dévoiler en avant-première ce soir pour son premier concert de 2023 : l’Afrique. Il y est né, il y a vécu enfant et il l’aime. Au passage il apprécie aussi notre région ayant habité adolescent et jeune homme à Gujan Mestras. A la fin du concert, il retrouvera d’ailleurs avec joie quelques amis de jeunesse.

Le quintet de référence est présent, le rutilant, ce soir, Samy Thiébault (sax ténor, flûte), Léonardo Montana (piano, Rhodes), Felipe Cabrera (contrebasse), Arnaud Dolmen (batterie) et Inor Sotolongo (percussions). Pas de trompettiste ce soir. Deux français, l’un né en Afrique donc, l’autre de sang guadeloupéen aux baguettes, un pianiste brésilien et deux cubains ; ça devrait bien vivre cette affaire !

Le ton est en effet vite donné, tout va se passer sur une assise rythmique incroyable de précision et d’inventivité avec un Arnaud Dolmen toujours aussi fin, en dialogue permanent avec l’orfèvre Inor Sotolongo, le maître des clés (celles dont il se sert sur son atelier de percus), le tout enveloppé du son merveilleusement rond et imposant de Felipe Cabrera. Là-dessus Samy Thiébault va pouvoir développer les thèmes et les enrichir de ses nombreuses improvisations ; un son brut, parfois violent, vibrant, feutré quand il le faut. Léonardo ne sera pas en reste agrémentant son jeu à la cubaine d’accents Tyneriens. Une entrée en scène millimétrée et individuelle avec « Baïla » pour lancer et chauffer cette machine à rythmes puis un « Baïlando » enfiévré et nous voilà partis en ce triste soir d’hiver sous le chaud soleil des Caraïbes. L’album « Awé » est le pilier de ce concert mais Samy a déjà la tête ailleurs et nous propose en exclusivité de nouveaux morceaux. Voilà « «Médina» » en référence à celle de Tanger, ville qui l’a marqué. Me reviennent alors les parfums du Petit et du Grand Soko que j’ai bien connus aussi il y a fort longtemps. Le sax se fait totalement libre, oui quasiment free sur une rythmique aux accents orientaux bien sûr.

Retour dans les Caraïbes avec le tonique « Awé » au titre scandé aussi par le public. Douceur acidulée de la flûte pour « Naranjas et Limones ». «Utopias» » qui pour lui évoque le Vénézuela ce pays qui l’a fortement marqué et qui a lui aussi fortement influencé le jazz à l’origine. Encore deux inédits avec le très poétique « Au bout du vent » et en rappel « Passé, présent, avenir » en attendant le prochain album.

Plus d’une heure trente de régalade. Joie de jouer de chacun, magnifique interplay, un très beau concert !

* le festival 2020 n’a pu avoir lieu à cause de la pandémie alors que sa programmation était bouclée. La nouvelle municipalité bordelaise n’a ensuite pas été intéressée pour poursuivre cet événement qui avait été initié par leurs prédécesseurs.

Dans le hall de ce magnifique Espace Quérandeau de Saint-Jean d’Illac étaient installée depuis deux semaines et encore ce soir pour le dernier jour les Jazz Box conçues et fabriquées il y a quelques années par Cécile Léna avec Philippe Méziat comme conseiller musical. Des décors miniatures, maisons, club de jazz, bar…) de la musique et des textes évoquant certaines époques et courants du jazz ; très original et émouvant.

Galerie photos de Solange Lemoine