vendredi 14 février 2020,

Par Solange Lemoine, photos Alain Pelletier

Le mistral souffle sur la Gironde ! Avec Raphaël Imbert Quartet, tout juste arrivé de Marseille, nous sommes invités à plus de deux heures de promenade musicale intense sur les plateaux des Alpes de Haute-Provence (dans un village singulier nommé Oraison) et sur les plateaux interstellaires de John Coltrane.

Accompagné de Pierre Fenichel à la contrebasse, Cédrick Bec à la batterie et Vincent Lafont au piano, Raphaël Imbert communie avec son saxophone ténor, au gré de ses inspirations. L’oreille envoûtée et curieuse se laisse embarquer pour une soirée bleue de jais, à Bourg-sur-Gironde, très exactement au Château de la Citadelle, et c’est bonheur ! Remercions Bourg Arts & Vins d’avoir organisé cette soirée d’exception, ainsi qu’un after tout en rouge et en convivialité.

1

Les compositions de Raphaël Imbert fusent, énergiquement envoyées et habilement enveloppantes… un jazz teinté de couleurs chaudes qui dégagent l’horizon. Le paysage plat et le monocorde, il ne connaît pas ! Il joue avec les sons extrêmes de son saxophone ténor et les détourne parfois. Il joue comme La Grande Vie joue avec nous quand se rappellent à notre bon souvenir les joies et les peines, l’indifférence et le renouveau, la guerre et la paix, la famille et l’absence … toujours en mouvements et en sensations.

C’est une histoire, et même l’Histoire, qui nous est contée par ces quatre musiciens, celle d’Oraison et de son passé, ce village qui n’a pas laissé mourir le souvenir de la Grande Guerre en nommant chaque rue du nom d’un habitant disparu au combat. Le jeu de Raphaël Imbert est puissant et extrêmement varié, c’est un langage musical contrasté à l’image du paysage des Alpes de Haute-Provence, à la fois doux et brutal. On embarque immédiatement pour le voyage, comblés et transportés par le plaisir de la découverte, surpris par un paysage somptueux, tantôt harmonieux et généreux, tantôt abrupte et aride, un paysage qui nous enivre et nous enchante, tel celui des champs de lavande au bruit entêtant (mais oui) des cigales qui cymbalisent … et là, encore si proche, toujours le grondement de la Grande Guerre en toile de fond.

2

Puis, les instruments font silence … la salle comble est suspendue… et Raphaël Imbert de prendre la parole. Il aime ça et il le fait bien. Il nous raconte sa propre relation au village d’Oraison, il nous raconte des petites histoires vécues à Marseille par les musiciens du quartet et ainsi il nous amène petit à petit à l’un de ses sujets de prédilection ; la dimension du Sacré dans le Jazz.

Le Sacré ne nous quittera plus jusqu’à la fin de la soirée. Raphaël Imbert et ses compères nous font l’immense plaisir de jouer une œuvre majeure dans l’histoire du jazz, une œuvre mythique, une œuvre mystique ; « A Love Supreme », l’extraordinaire et singulier album de John Coltrane sorti en 1964. Cette création musicale inédite, en quatre volets, témoigne de son expérience numineuse (oui… numineuse), ou dit plus simplement, sa rencontre avec Dieu, avec Le Sacré. Cet album, unique et singulier, avait alors conquis un large public et fut un succès considérable pour John Coltrane, un succès qui jamais ne déclinera même après son départ au pays des anges, quelques années plus tard, en 1967.

Du suprême au sublime, les musiciens se donnent corps et âme dans cette interprétation magistrale. Raphaël Imbert semble parfois enlacé à son saxophone ténor, en parfaite symbiose. C’est tout simplement magnifique, un moment de grâce exceptionnel.

Même si la St Valentin (fraîche du Jour) perd un peu de ses couleurs à côté de l’Amour Suprême, c’était un beau cadeau et une belle surprise !

4

La soirée se poursuit par une composition nommée « le Chant de bataille » (oui…chant) et je laisserai votre imagination fleurir sur ce que ce morceau pourrait être puisque vous n’avez pu l’écouter, hélas, ce soir à Bourg-sur-Gironde. Une autre composition nous téléporte au petit bar de l’Atlantique dans le quartier du Panier à Marseille, haut lieu de bœufs quotidiens. Les solos se succèdent dans un rythme soutenu, c’est extra !

Et si l’on doit se quitter, ce n’est pas sans un dernier rappel, la salle n’est pas pressée d’interrompre la magie … alors « I Love You » sera le mot de la fin, un standard repris pour la circonstance !

Musiciens, vous avez du talent, merci de le partager, we love you !

5

 

 

Carte AJ