Texte et photos Philippe Desmond.
Big band de l’Orchestre Symphonique de Gironde
Le Cuvier, Artigues jeudi 20 février 2020
Nous sommes en pleine période de Carnaval, quelle meilleure période alors pour le spectacle d’aujourd’hui ! A l’initiative de Lionel Gaudin-Villart qui dirige l’Orchestre Symphonique de Gironde, Sébastien « Iep » Arruti a réarrangé pour big band le Carnaval des Animaux de Camille Saint-Saëns. Et dès neuf heures trente, horaire matutinal bien inhabituel pour des jazzmen, l’orchestre est au Cuvier pour pas moins de trois représentations dans la journée avec des scolaires de la ville d’Artigues et des communes voisines. L’OSG est en effet un orchestre dont la vocation est de rapprocher la musique, les musiques je dirais même, de tous les publics et au premier chef le jeune public. Une façon de planter des graines en espérant que beaucoup d’entre elles germent, bientôt ou plus tard.
Ils sont carrément 24 sur scène ! La liste des musiciens est en fin d’article.
Lionel Gaudin-Villart ne prenait pas un gros risque en s’adressant à Sébastien Arruti pour ce projet. On connaît certes l’excellent tromboniste – il n’en jouera pas aujourd’hui – mais on sait aussi qu’il est un remarquable compositeur et arrangeur. Depuis un an, il dirige son big band que nous avons déjà eu l’occasion d’entendre au Thélonious, sur son propre répertoire et sur des standards. Une formation de très haut niveau, Sébastien parmi ses qualités ayant aussi celle d’être très professionnel.
On ne va pas être déçu, le résultat est remarquable. L’oeuvre atypique de Saint-Saëns créée fin XIXe a été jouée deux fois de son vivant, le compositeur ayant interdit son exécution avant sa mort. Depuis elle est devenue universelle, en entier ou par bribes . On y célèbre donc les animaux dans une cavalcade musicale on ne peut plus insolite. Mais entre la partition originale et l’arrangement jazz d’aujourd’hui il a fallu travailler dur.
Une version jazz datant de 2015 existe par le Amazing Keystone Big Band avec Edouard Baer narrateur bavard – un peu trop à mon avis – le texte étant lui libre et sujet à maintes versions dont une de Francis Blanche ! Inutile de dire que Sébastien Arruti n’a pas cherché à la singer mais qu’au contraire il a mis sa patte.
La variété des arrangements est vraiment superbe, les qualités des musiciens, venant soit du jazz, soit du classique, en facilitant bien sûr la restitution. La récitante a très bien adapté son discours aux tout jeunes enfants et se laisse souvent emporter par le rythme de l’orchestre. Il faut dire que ça swingue, ça bope, ça chaloupe même.
On a même droit à du French Cancan mais d’une lenteur inhabituelle car dansé par « Les tortues ». L’arrivée de « L’éléphant » ne trompe pas avec une certaine lourdeur, mais qui explose tout à coup rappelant les flamboyants thèmes de Lalo Schiffrin. Le big band sonne le feu. On connaît certains titres sans le savoir, tel « Aquarium », utilisé comme générique au Festival de Cannes, une merveille de délicatesse, parfaitement jouée ici par cette horde de soufflants qui sait aussi être délicate. De l’humour aussi avec les « Personnages à grande oreilles » et le hi-han brait en duo trombone/trompette.
La « Volière » danse le cha-cha-cha, avant l’arrivée de drôles d’animaux, selon Saint-Saëns, les « Pianistes ». Le big band part ensuite au grand galop pour « Fossiles » truffé de citations glissées par le compositeur dès l’origine : « Ah vous dirais-je maman », « J’ai du bon tabac », « Au clair de la lune » une joyeuse « Danse macabre » que Sébastien Arruti a distribué adroitement aux différents instruments. Voilà peut-être le thème le plus connu, « Le Cygne », mais si vous le connaissez ; belle gageure que d’adapter ce grand classique du violoncelle à un orchestre de cuivres et de bois.
Pour le bouquet du « Final » nous voilà partis vers le swing avec une intro jungle au tambour à la « Sing, sing, sing » avant de rattraper la partition initiale. Notre petit public – assez attentif tout le concert – exulte, tape dans les mains, c’est gagné. Il vient en 40 minutes de découvrir des musiques, des instruments (très pédagogique cette arrivée des musiciens par instruments avec quelques mesures pour en faire découvrir les tonalités) qu’il n’a certainement pas l’occasion de rencontrer souvent. Que ces oreilles se soient ouvertes et que les graines poussent !
Version courte donc, la partition étant écrite pour aussi permettre plus de liberté et de chorus improvisés des uns et des autres, de quoi faire un concert d’une heure vingt. Pensez-y organisateurs et programmateurs !
Prochaine date : le 9 mars au Fémina de Bordeaux
https://www.orchestresymphoniquedegironde.fr/
Personnel :
Direction musicale et arrangements : Sébastien Iep Arruti
Récitante : Sylvie Batby
Flûtes : Philippe Boucher, Miachaël Kontogom
Sax : Julien Deforges, Jonathan Bergeron, Alain Coyral, Pascal Faidy, François-Marie Moreau
Cors : Sylvain Delorme, David Vau
Trombones : Cyril Dubayl-Dubilé, Gaëtan Martin, Jérôme Carre
Trompettes : Pascal Drapeau, Franck Vogler, Mathieu Tarot, Sébastien Brebbia
Bugles : Jean-Marie Landrieu, Sylvain Roulet
Batterie : Didier Ottaviani
Piano : Serge Moulinier
Guitare et banjo : Christophe Maroye
Contrebasse : Timo Metzemakers