par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.

Jeudi du Jazz, Créon le 20 décembre 2018.

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Serge Moulinier présente la soirée

Nowhere, nulle part, mais ce soir now here, maintenant, ici à Créon  ! On avait quitté le groupe en mai 2017 au Quartier Libre, le revoilà mais dans une composition très bouleversée. Pas d’Anthony Jambon à la guitare, ni de Martin Wangermée à la batterie, tous les deux empêchés, mais respectivement Pierre Perchaud et Tilo Bertholo, Ouriel Ellert le leader assurant la continuité du groupe. Deux remplaçants ça fait beaucoup pour un trio mais heureusement ce sont de grands musiciens l’un comme l’autre. Pierre Perchaud en plus de ses projets personnels collabore avec beaucoup d’autres talents, nous l’avons vu à Bordeaux récemment avec Anne Paceo quant à Tilo Bertholo il est un des membres du trio de Grégory Privat qui avait enchanté Anglet en septembre dernier.

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Pour autant les compositions d’Ouriel Ellert demandent précision et délicatesse et le défi n’est pas simple. Très peu de répétitions, deux à trois heures au grand maximum et la nécessité de lire en jouant. Défi relevé avec de très légères hésitations, objets de rires et prise avec bonne humeur. L’univers d’Ouriel Ellert est assez inhabituel pour un bassiste, tout en délicatesse (je vais me faire des amis dans la corporation !).

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Une basse ronronnante souvent, tel un gros chat, bien présente mais pas du tout envahissante comme chez certains leaders en grosses cordes, un jeu musical de l’instrument, des mélodies simples, dépouillées souvent cycliques, des tempos lents, des bouts de valses éthérées, une légèreté surprenante, planante. Des chorus de basse ressemblant à des fugues de Bach, un toucher de guitare minimaliste avec un son d’une grande pureté, peu d’effets et de la dentelle à la batterie, les cymbales et les peaux suavement caressées.

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Musique écrite avec des titres évocateurs des belles ambiances proposées, « Relaxing », « En Forêt » une ballade chuchotée par moments. Un genre de cool jazz pour faire simple mais n’empêchant pas les passages sautillants de groove, voire musclés. Globalement un exercice de retenue, certainement pas simple, pour le public non plus , celui-ci retenant son souffle jusqu’à hésiter à réagir aux délicats chorus de Pierre. Ce dernier un pied dans sa valise de Mary Poppins, où il cache ses pédales d’effets, et dont il fait sortir lui aussi des choses magiques, est un ciseleur de notes, un affineur d’accords, tellement loin de certains guitar-héros autoproclamés. Sa Fender Telecaster série spéciale, bleu acier (« J’ai flashé sur son look » me dira t-il) dont il vient de se doter lui a fait délaisser provisoirement sa légendaire Gibson 330 (« Mais je la garderai toujours ! »), elle convient à ce jeu raffiné et la fin du concert va nous prouver que ce nouveau jouet a beaucoup de choses à dire.

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Tilo qui a joué en sobriété tout le concert, tout en toucher et sensibilité, lui aussi va se lâcher à la fin du concert où il va épater tout le monde même ses deux collègues. Un jeu souple, délié, félin, pour un rendu magnifique , une belle découverte que ce batteur gaucher, pour moi et beaucoup d’autres.

Tu vois qu’elle marche bien ta batterie, plaisanterai-je avec Didier Ottaviani qui la lui a prêtée ! Et oui, ici à Créon ça se passe en famille, on est dans le monde associatif avec tout ce que cela comporte de solidarité et de convivialité. L’occasion de rappeler que ce concert entrait dans l’année de célébration des dix ans des « Jeudis du Jazz » de Larural. Toujours la même formule, dégustation de vin – du château Coulonge – repas, hier soir une soupe aux potimarrons à tomber et un délicieux sauté de veau aux haricots, vous savez ceux qu’on appelle aussi « les musiciens » mais pas pour les mêmes raisons…

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Mais revenons aux vrais et à Ouriel Ellert ce jeune homme si talentueux, humble et si discret. Il trace sa carrière à son allure selon ses goûts sans céder à de quelconques modes, il est un artiste. N’attendez pas chez lui les slaps d’un Marcus (il sait les faire bien sûr) appréciez plutôt la richesse mélodique de son jeu, ses glissandos subtils. Dans le dernier titre et surtout dans le rappel, un titre de John Scofield, on va se rendre compte qu’il sait tout faire, tout comme ses deux compères. Les voilà lâchés en liberté, le volume sonore est monté, le tempo aussi et ça mitraille, un bouquet final.

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Pour nos oreilles toujours un son impeccable ici grâce à Cyril et pour nos yeux les lumières et les couleurs splendides de Ramoun. Il n’y a pas que notre photographe qui s’est régalé !

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Ambiance sympathique toujours ici , peut-être pas la fréquentation habituelle, l’atmosphère il est vrai est très plombée en France en ce moment. Mais justement c’est grâce à des soirées comme celles-ci, loin de l’info en boucle, économiquement tellement abordables et qualitativement irréprochables, qu’on peut égayer sa vie, aussi dure soit-elle et s’envoler, provisoirement certes, vers d’autres univers plus légers.

Prochains rendez-vous jazz ici ? C’est royal et à double détente comme nous le présente Serge Moulinier : jeudi 14 février venez donc passer la Saint-Valentin avec le Gaëtan Larrue Project un groupe de huit musiciens pour des musiques variées d’une grande richesse (formule cabaret comme ce soir) et le lendemain vendredi 15 février, en formule concert, le très demandé duo Vincent Peirani/Emile Parisien qu’on ne présente déjà plus !

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https://blog.lagazettebleuedactionjazz.fr/blog/mot-cle/ouriel-ellert-nowhere-on-my-way/

http://www.nowheretrio.com/

http://www.ourielellert.com/

http://www.larural.f

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