Par Dom Imonk, photos Philippe Marzat

LAURE SANCHEZ 5TET AU DOMAINE DE SENTOUT AVEC JAZZ 360

Vendredi 07 09 2018

Richard Raducanu et Nicolas Pons

C’est un doux soleil qui caressait ce vendredi les verdoyants alentours du Domaine de Sentout, propriété de Karina et Nicolas Pons à Lignan-de Bordeaux, au creux de l’Entre-Deux-Mers. Très ouverts à la chose musicale, ils ont en juillet dernier organisé chez eux le « Sentout Festival », qui proposait sur trois jours une farandole de notes estivales, du latino au swing, en passant par le rock. Mais ils ne comptaient visiblement pas en rester là ! Alors ils se sont associés à Jazz 360, très active association voisine, présidée par Richard Raducanu, basée non loin à Cénac. Son désormais réputé festival de juin et les nombreuses soirées jazz qu’elle propose par ailleurs, témoignent de son attachement à la terre d’ici, par l’invitation à chaque fois de producteurs du cru, ainsi qu’à la jeune génération de musiciens qu’elle soutient, dont beaucoup issus du Conservatoire de Bordeaux, régulièrement conviés à l’affiche. Avant le concert, histoire de commencer à décompresser après une dure semaine de reprise, l’on pouvait se régaler de savoureuses mises en bouche préparées « maison », l’occasion de déguster les élixirs du domaine, rosés, blancs et rouges, et de se laisser séduire par le succulent « Elle te serre » et bousculer par le turbulent « Rock in Sentout ». L’ambiance « bar à vins » est réjouissante car propice à l’échange détendu, bottes de paille, tables/palettes et barriques, et au-delà de roues de foin géantes sur lesquelles jouent les enfants, un océan lumineux de verdure comme décors. Conditions idéales pour se préparer au concert qui va suivre dans la grange accueillante du domaine, qui malgré sa taille imposante reste propice à l’intimité. Et cet édifice protecteur, fait de poutres hors d’âge portées par de solides pierres a parfaitement convenu à Laure Sanchez (chant, basse, contrebasse, compositions) et les musiciens de son quintet. On se souvient avec émotion qu’en 2016, elle fut lauréate du Tremplin Action Jazz, et fit déjà belle impression en trio, formé avec Robin Magord (claviers) et Nicolas Girardi (batterie), que l’on retrouve ce soir.

Laure Sanchez

Nicolas Girardi

Robin Magord

Des thèmes sacrément bien  ficelés et accrocheurs, ainsi qu’une synergie délicieusement soul jazz entre ces trois avaient su plaire au jury et à un public enthousiaste. De tels ingrédients ont été boostés par les expériences diverses vécues depuis. D’abord un EP autoproduit, « Breath », petit bijou de sensibilité et de rythme, qu’on espère suivi bien vite d’un grand frère. Des tournées et concerts, ainsi qu’une résidence déterminante à Civray, au nord de la Nouvelle-Aquitaine. La formule en quintet, que certains découvrent, donne à la musicienne l’occasion d’enrichir son discours, de développer ses idées en les étoffant et de s’épanouir plus encore. Sa voix claire et maîtrisée canalise l’émotion par des intonations à la fluide sensualité, qui peuvent parfois s’échapper en des envolées plus obliques et décidées, voire engagées, dans un registre plus grave. En effet, par moment, on peut furtivement penser à une Meshell Ndégéocello, ou une Esperanza Spalding. Du reste, elle a aussi en commun avec ces artistes un jeu de basse multiforme : Profond, net et boisé à la contrebasse, et volontiers soul funk à l’électrique. On retrouve à ses côtés ses compagnons du trio, en totale osmose. Nicolas Girardi, dont l’indéniable richesse de jeu est toujours subtilement domptée, pour ne livrer que l’essentiel, avec précision, mesure, mais aussi force dans la brièveté des impacts, et musicalité scintillante des cymbales. C’est ce qu’il faut pour ce genre de musique. On se tranchera un doigt s’il n’aime ni Steve Gadd ni Harvey Mason ! Quant à Robin Magord, il gère comme un electro alchimiste ses trois claviers ce soir. On a reconnu un Yamaha, un Korg, mais aussi un Hammond à sa gauche, qui lui a permis de superbes passages d’orgue. Accords, chorus, son, écoute réactive ! Impressionnant ! Ce garçon a lui aussi de l’or dans les doigts. George Duke, Herbie Hancock, voici l’un de vos fils spirituels messieurs !

Johary Rakotondramasy

Même magie pour Johary Rakotondramasy, que l’on connait d’Atrisma. Un lumineux guitariste qui nous fait fondre à chaque fois par les voyages dans lesquels il nous embarque, toujours avec ce sourire radieux qui nous convainc de le suivre. Un jeu aérien, paraissant sans limite, des chorus à tomber, alternant avec des passages plus « risqués » que d’autres, et par moments de petites touches répétitives, où l’humour électronique genre « gimmick » n’est jamais éloigné. Mais qui ne tente rien n’a rien, on vit dans l’actuel ou pas !

Caroline Turtaud

Pour endiguer quelque peu la ferveur de ces trois gaillards, il fallait à Laure Sanchez une associée de voix, manière de faire un pas de plus vers la parité jazz, presqu’atteinte ce soir. C’est à Caroline Turtaut que notre lead chanteuse bassiste a fait appel. Vocaliste remarquée en bien des occasions, elle a déjà son propre groupe : « Line ». Une voix de velours, qui sait à merveille allier jazz et soul, par des ondulations vocales gorgées de feeling, une manière racée de « bouger », un peu à la manière des princesses de la Motown. Fraîcheur et élégance, en parfaite harmonie avec l’ensemble, touches savantes, qui participent aussi à donner à ce quintet cette classe particulière. On s’est régalé des « Didon », « Rain » et « Don’t Be Fooled », titres bien rodés, devenus de véritables tubes, et quelques nouveaux morceaux (pas sûr de l’énoncé) comme « Sad blues day » ou « What happens to you ». Au final un superbe groupe que l’on voudra revoir très vite ! On saluera Charlotte Léric pour la qualité de la lumière et du son, qui ont aussi participé à la réussite de ce concert.

Enfin un grand merci à Karina et Nicolas Pons, pour leur accueil, ainsi qu’à Jazz 360, à Richard Raducanu et à toute l’équipe, pour leur travail et leur engagement. Retrouvons-les sans faute le 20 octobre dès 19h à la Salle Culturelle de Cénac, pour la venue du superbe Jazz Vibes Quartet, formé de Patrice Guillon (vibraphone), Jean-Patrick Allant (batterie), Aurélien Gody (contrebasse) et Jacques Ballue (piano).

Par Dom Imonk, photos Philippe Marzat

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Laure Sanchez Quintet