Chroniques Marciennes 5.5                                                                  Chapiteau de Marciac/ 2 Août 2019

Texte : Annie Robert

Ces deux là jouent depuis un certain temps et nous étonnent depuis un certain temps aussi. L’un avec son trio RP3 et l’autre avec les Headbangers, avec Initiative H et d’autres formations. Tous les deux toulousains de cœur ou de racines ( il y a un creuset là bas!) se connaissent depuis longtemps, s’épaulent et échangent, le second étant le directeur artistique de DO  l’album solo du premier paru l’année dernière. Or malgré cela, c’est pourtant leur première collaboration pleine et entière. Et ils n’ont pas choisi la facilité, c’est le moins que l’on puisse dire!!

Le duo, quasiment acoustique (quelques support légers de boucles ou de disturb pour la trompette mais rien de plus ) n’offre pas une possibilité infinie. Ils le savent et c’est peut être cette contrainte là qui leur permet de réussir leur pari à travers le son, la note, la mélodie recherchés dans la pureté et dans l’efficacité. L’album qu’ils illustrent dans le concert d’aujourd’hui est fait de quelques reprises de grands classiques et des compositions dues à l’un ou l’autre des musiciens quand ils ne les co-signent pas.
«Dive With Me» «
The Mirror» «Amaterasu» ou l’inédit « EMY » sont des créations  puissantes, avec des thèmes denses et intelligents, des superpositions, des réponses et des chorus amples. Ils naviguent entre vent fort ou brise tiède, entre Autan et Zéphyr, entre nuages et éclaircies. Mais dans leur choix, rien de démonstratif pourtant. Ils ne cherchent pas l’exploit musical, le plus vite, le plus fort mais ce qui peut servir de façon juste à l’expression de leur créativité.
Ils s’appuient sans arrêt l’un sur l’autre, se laissant de vastes plages d’improvisation et de prises de risque; les qualités de l’un mettant en lumière les beautés musicales de l’autre et vice versa. Ce titre «Mirror» leur convient donc à merveille et le sentiment de «gémellité musicale» fait sa route dans nos têtes en les écoutant.

Mais toute cette belle composition ne serait peut être pas suffisante pour créer l’exception s’il n’y avait pas l’ immense qualité du jeu de chacun. Ils sont exceptionnels!! ( je ne trouve pas d’autre mot…)
La trompette claire, extrêmement juste et précise de Nicolas Gardel semble emplir le chapiteau sans effort dans des envolées intenses
et lyriques. Elle ploie les rythmes et ébranle les émotions sur des petits souffles retenus. C’est un bonheur d’ entendre s’élever sa voix cuivrée. Quant Rémi Panossian, percutant ou charmeur, il est d’une habileté diabolique, et sait utiliser toutes les subtilités des formes du piano, de sa dureté frontale à sa suavité la plus exquise. L’exercice, en forme de performance qu’il fera en piano solo à partir de 4 notes proposées par le public en est l’illustration. Une impro totale, très belle, très «maline» qui se raccrochera au morceau des Stones «Paint it black» pour un moment qui a nous laissé cul par dessus tête, « espantés » comme on dit dans le Sud ouest!!

Mais ce n’est pas tout: non seulement ils s’entendent à merveille musicalement et humainement, non seulement ils jouent de façon magistrale mais leur connaissance approfondie, leur culture aussi des standards ou des morceaux pop, de leurs couleurs et de leurs compositions, leur permet de s’amuser avec des monuments archi-connus, de les tordre en les respectant avec une incongruité joyeuse. Leur reprise de « I Got Rhythm » de George et Ira Gershwin est à cet égard une vraie fantaisie truffée de clins d’oeil. Et que dire de « Caravan » traité en mode moitié roots, moitié old jazz, comme un vrai caramel au poivre.

Le concert se terminera par « If I Were Your Woman » de Gladys Night & The Pips, puis par un court et délicat extrait des « Feuilles mortes » en rappel porté par une trompette toute en nuances. Un chapiteau debout, enthousiaste saluera ce moment parfait, cette confirmation de deux grands talents. Et ce n’est que justice, car ils nous ont offert un moment plus que marquant.
Un concert mature, fluide, épanoui et gai. De haute volée!!! Courrez y et ouvrez grand vos oreilles… Comme disent les neujs «Que du bonheur»!!