par Philippe Desmond.

Roquebrune (33), le 10 mars 2018.

Il y aura trois ans en avril, pour un « jeudi du jazz » de Créon, j’avais découvert le spectacle « Nougaro en 4 couleurs ». Tellement séduit par ce projet inventé par Valérie Chane-Tef, j’étais allé le revoir en juin à la Ruche de Saucats. L’ancien blog d’Action Jazz s’en souvient encore lui aussi (lien en fin d’article).

Depuis ce spectacle a été trop peu joué. Timidité des programmateurs, frilosité des institutionnels « Une femme qui chante du Nougaro ??!!! » ; et oui c’est en effet principalement une chanteuse qui remplace Claude ; mais ce prénom n’est-il pas mixte au fait ? Rassurez vous messieurs les misogynes, garants de la virilité masculine, un homme est là aussi, narrateur et chanteur. Citons les. Elle c’est Julie Roman, plus qu’une femme, une créature, la voix du Wombo Orchestra, cette « fanfare » délirante qui tourne dans l’Europe entière. Lui c’est Henri Dominguez, le « Nougaro de Bordeaux » qui depuis des années reprend son répertoire ainsi que celui de Jacques Brel. Le groupe évolue au gré des disponibilités des unes et des autres avec Carole Simon, Christian Vieussens au début et une pige de Patrick Ochs (Rue de la Muette).

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Nous voilà donc partis direction Roquebrune, pas près de Monaco mais de Monségur au fin fond de l’Entre deux Mers. Impasse sur France Angleterre, sur le concert d’Oregon au Rocher de Palmer, mais d’autres troupes d’Action Jazz sont sur ce front là, car une forte envie d’entendre les mots et les musiques de Claude. Treize ans déjà.

C’est un ciel en plus de 4 couleurs qui nous accompagne, des tons de rose et d’orange, des rayures d’arc en ciel et une luminosité fantastique qui inonde le vert de la nature ; un bon présage.

Pourquoi Roquebrune ce minuscule village pour accueillir ce spectacle ? Parce que Monségur est tout proche, son OMCL, l’Office Monségurais de la Culture et des Loisirs, son satellite les 24 heures du Swing avec Philippe Vigier à sa tête, son collège Eléonore de Provence* et ses classes de jazz. Un creuset de culture loin de la grande ville et très actif. « Jazz en Balade » c’est le dispositif dans lequel s’inscrit cette soirée.

A la campagne quand on organise un spectacle, en plus de l’esprit il faut aussi nourrir le ventre. Cela tombe bien, à Monségur il y a également une cave coopérative et des bénévoles – irremplaçables bénévoles de nos associations, bientôt un statut parait-il, en attendant les statues – qui préparent des assiettes de tapas.

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La très belle salle des fêtes, pour un si petit village, est pleine. Pendant que les assiettes et les verres se vident – toujours avec modération bien sûr – la première partie est assurée par le combo de la classe de 5ème du collège de Monségur, des enfants de 12 à 13 ans qui jouent cette musique d’un bon niveau, c’est tout à fait prometteur. Petit big band bien sympathique avec les codes du genre, les solistes se présentant seuls devant à tour de rôle. Une belle entrée en matière.

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Les lumières de la salle s’éteignent, celles de la scène s’éveillent c’est parti pour les 4 couleurs de Nougaro. Les narrations d’Henri et les chansons de Julie vont alors se succéder. « La pluie fait des claquettes » et nous voilà déjà « A bout de souffle » ou revenus cinquante ans en arrière – déjà disent nos générations – avec « Paris mai » et tant d’autres pépites indémodables et merveilleusement arrangées – et pas dérangées comme parfois – par Valérie Chane-Tef, qui plus est impériale au piano, une Vander féminine, pas moins.

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Ça fait « Schplaouch ! » dans le « Bidonville ». La touche jazz, Didier Ottaviani la souligne avec son jeu de batterie si riche et varié, le groove c’est Benjamin Pellier qui l’entretien du grondement maîtrisé de sa basse, leur rythmique est phénoménale d’efficacité.

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Avec Henri Dominguez et son accent c’est un peu de Nougaro qui est là sur scène avec cette Espagne en lui qui pousse un peu sa corne, son patronyme trahissant ses origines. Il récite les poèmes chansons du grand Claude, ces textes qui sans musique prennent un autre relief ; quelle maîtrise de notre langue, quel joueur de mots que cet homme lettres. Henri chante parfois aussi, « Cécile » émouvante pour tous les pères, « Rimes », cette ritournelle qui personnellement m’est très chère – pour toi Pierre – le public fredonnant avec lui. Que dire de « Jésus » ce texte irrévérencieux et respectueux à la fois, plein d’humour espiègle et d’amour.

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Quel chanteur il était aussi le grand petit Claude ! Julie nous le démontre en marchant sur ses pas. Créature disais-je, une présence phénoménale sur scène, animale me soufflera mon amie Françoise, qualificatif qu’en la période actuelle je n’aurais jamais osé prononcer. Une voix puissante et douce avec un léger voile de velours ; une énergie sensuelle qui vous embarque pour faire « l’Amour sorcier » avec elle, cette africaine blanche aux cheveux de princesse intergalactique. « Le cinéma » elle le chante elle n’en fait pas, des 4 couleurs elle nous extrait à merveille « Le Rouge et le Noir » qu’elle chantait peut-être quand elle était « Une petite fille ».

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Pendant tout le spectacle une écoute formidable, un public pour la majorité le découvrant bouche bée mais aussi un couple venu exprès du Pyla après l’avoir vu il y a quelques mois à la Teste et resté sous le charme. Presque deux heures de route…

Programmateur ne laissez pas passer ce spectacle, Nougaro c’est notre patrimoine et ici l’hommage qui lui est rendu est d’une qualité rare.

Une harde de sangliers imprudente pour nous saluer au retour vers la ville. « Il y avait une ville » et cette fois elle est toujours là.

 

 

*Egalement duchesse d’Aquitaine – on comprend mieux alors – et accessoirement Reine d’Angleterre (ceux qui ont perdu hier) ; ne pas confondre avec Alienor d’Aquitaine.

https://www.swing-monsegur.com/

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Nougaro en 4 couleurs

 

Conseil de lecture pour les amateurs, un de mes livres de chevet :

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