TùCA

Par Dom Imonk, texte et photos

Décidemment, l’automne aura plutôt été mouvementé à Bordeaux et alentours pour TùCA, avec tout d’abord une fructueuse résidence,  suivie d’un concert de sortie, à l’OARA, l’un des hôtes très actifs de la MECA (Maison de l’Économie Créative et de la Culture en Aquitaine) (*). Puis suivra un passage au Petit Pierre, et le lendemain, c’est-à-dire hier soir, au Quartier Libre, deux des refuges très appréciés de la faune jazz bordelaise. Autre fort soutien des jongleurs de notes bleues, L’Entrepôt du Haillan, qui accueillait donc TùCA, en partenariat avec Action Jazz, pour animer ce « Mercredi du Haillan ». La jauge fut certes un peu timide, mais un public de passionnés est quand même venu au rendez-vous en nombre suffisant pour accueillir cette fringante formation, et se laisser émoustiller par sa musique, dont la beauté et la variété des thèmes trouva écrin protecteur en cet abri intime. La proximité aidant, ce fut un chaleureux concert, chargé d’une émotion palpable. Entouré de Thomas Gaucher et Martin Ferreyros (guitares, compositions), de Cyril Drapé (contrebasse, compositions) et de Simon Lacouture (batterie), Louis Gachet (trompette, compositions, arrangements) mène son monde comme le capitaine avisé d’une intrépide embarcation, mais en sachant s’effacer quand il le sent, pour que s’expriment au mieux ses camarades. Les gracieuses histoires, abandonnées la veille, nous manquaient déjà ! Les voici de retour, jouées avec la même ardeur et une fraîcheur intacte, mais dans un ordre différent et des interprétations offrant un nouveau visage, par la magie des improvisations, et des probables arrangements de dernière minute.

Allez, retour morceau par morceau ! Le groupe, d’une humeur bien décidée, ouvre le bal avec « Windu », suivi d’un guilleret « Planus », l’hymne des perchés comme l’explique Louis avec humour, dont le rythme se déclenche alors tel un balancier répétitif, horloge du tempo, plus tard soutenu par un remarquable solo de contrebasse, et quelques souriants détails sonores qui planent çà et là. Puis, d’une âme généreuse, et profondément attachée à sa famille, Louis Gachet nous émeut une nouvelle fois, quand, avec un soupçon d’ingénuité, il présente « Pour Hélène » et « Adishatz », deux magnifiques morceaux dédiés à ses parents, qu’il joue avec une chaleur touchante, fidèlement entouré par ses acolytes, véritables frères de musique.

Mais place à un peu plus de légèreté, avec le très gouteux « Banana », signé de la plume inspirée de Cyril Drapé,  et transpercé d’un solo assez incroyable de Martin Ferreyros, densité,  tripes, et couleurs en faisant un chorus au long « cœur », jamais à cours d’idée !

Retour à la famille avec le trépidant « Marlotte », pour Mathilde et Charlotte, les sœurs de Louis. Impression de fraîcheur, d’insouciance, de fête. Pour cela, galop de course pour la contrebasse, beauté du son de Thomas Gaucher, carrément électro dans son chorus, et accords très « abercrombiens » de Martin Ferreyros, un peu dans le style du vénérable John (Abercrombie), du temps de son trio de fin eighties, avec Marc Johnson et Peter Erskine ! Une ferveur jeune, dédicace bien méritée pour les sœurettes du patron !
Nous sommes en novembre, et un poétique « Brumaire » suit, avec un très beau solo de Martin, en guise de fourche ou de flambeau, mais pour une révolution pacifique, sans tête coupée !  Le mystérieux et ambitieux « E2 » étonne, par un solo bizarre, tubulaire, electro/prog de Martin, encore lui ( !), et nous restons vraiment admiratifs de la diction novatrice, articulée, percussive, économe et incroyablement suggestive de Cyril Drapé, qui peut rappeler Thomas Morgan par moment, s’ensuit une étonnante explosion fusionnelle. Puis retour de la trompette, aérienne, cri de l’âme, il y a tant de paix dans son solo qui suit, avant  un final emporté, comme une vague, d’un lyrisme habité ! Morceau beau, complexe et viril dit Louis! Le temps d’un « Celtic pub », frémissant  et engageant, mené par une trompette de vrai leader, belle, sincère, portée par le pacte aérien des guitaristes, et celui des modernes frappes boisées mariées aux impacts rythmiques précis et colorés, à la Paul Motian par moment, que nous voici déjà rendus au magnifique « Ruminations », morceau phare du groupe, un réel tube, superbement introduit par Louis, encore traversé d’un époustouflant solo de Thomas Gaucher – il y a du Bill Frisell chez ce garçon – toujours repensé, pour plus d’énergie, plus de détail, plus d’invention. Cette fois-ci en trio avec Cyril Drapé et Simon Lacouture, ces trois compères, aux jeux impressionnants d’intelligence et de cohésion, de pulse, mais c’est du rock jazz cette affaire-là !! De la bombe !! Et on finit en un speed collectif irrésistible!!
En rappel « Do you know », mais savons-nous vraiment ce qui vient de se passer ? Oui ! Nous venons tout simplement de nous prendre un gros morceau de dune (TùCA en gascon) en pleine figure, et ça réveille ! Encore un captivant concert que nous ne sommes pas près d’oublier ! Merci à TùCA, à L’Entrepôt du Haillan et à Action Jazz d’avoir permis un tel évènement ! Et souhaitons beaucoup de concerts à ce très beau groupe, en espérant aussi un disque à venir, car TùCA gagne vraiment à être connu !

TùCA

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(*) Lien à la chronique du concert de TùCA à l’OARA/MECA par Ivan Denis Cormier :

TùCA à la MECA de Bordeaux, concert du 09/11/2022

Galerie photos :

Louis Gachet

Thomas Gaucher

Martin Ferreyros

Cyril Drapé

Simon Lacouture