Roger « Kemp » Biwandu

Bordeaux Quintet & invités

« Straight Outta Palmer »

(To Bordeaux via Lormont Rugby, Roots RDC)

Par Philippe Desmond.

Roger Biwandu, sous ses airs de leader à la carrure sportive, est en fait un être sentimental qui marche plus avec le cœur qu’avec les jambes. La famille, les amis sont pour lui indispensables, ses racines, le sang congolais qui coule dans ses veines, son enfance, la terre cenonnaise qu’il a toujours sous ses semelles et encore dans ses crampons, ne le quittent jamais. Regardez déjà le titre de son quatrième album « Straight Outta Palmer (to Bordeaux via Lormont Rugby, Roots RDC) » qu’on pourrait traduire « Directement issu de Palmer (jusqu’à Bordeaux – où il habite – en passant par le Lormont Rugby – où il a joué – et avec des racines familiales en République Démocratique du Congo)» ; une bonne partie de son histoire déjà bien riche donc.

Musicalement il a de multiples influences, des goûts variés toujours de qualité et il se qualifie lui-même de BTT, batteur tout terrain. Cet album fait justement le tour d’une bonne partie de ses amours musicales. Pour cela il a choisi de jouer avec son « Bordeaux quintet » composé de Mickaël Chevalier (trompette, compo), Jean-Christophe Jacques (sax ténor, soprano, alto), Hervé Saint-Guirons (piano, orgue, arrangements), Nolwenn Martin-Leizour (contrebasse) ; lui même est à la batterie et aux percussions bien sûr mais aussi producteur, compositeur, arrangeur.

Mais je l’évoquais Roger a beaucoup d’amis, des vrais, et il en a invité une belle brochette ; voir la liste en fin d’article, un véritable all stars, que dis-je, une galaxie ! Il a même sollicité la famille, son frère Freddy « Warner » Biwandu (scratch), sa fille Lisa au chant qui s’en tire excellemment dans « Sunny » et même son dernier fils Marcus-Zaak au tambourin. Et d’ailleurs l’album est sur le label Jazz Family

Après un hommage aux chers disparus chanté par Michael Robinson (du Golden Gate Quartet), on rentre dans le vif du sujet avec une autre composition originale dont l’album porte le titre, bien funky et scratchy, accrocheuse en diable avec son Here we go ! scandé. J’adore, on peut même danser dessus.

Roger aime le jazz, voilà du hard bop avec « The Walk /Oud » et divine surprise un titre que Roger joue très souvent en concert et qu’on lui réclamait de graver, un arrangement merveilleux de Gaston Pose du célèbre « Sunny ». Merci !

Roger aime plusieurs maîtres – pas forcément des batteurs – dont Wayne Shorter dont il emboite le pas dans ses « Footprints », nickel. Voilà « Kenny !!! Mario !!! » aux accents caribéens, taillé sur mesure pour Mario Canonge un de ses vieux complices et en hommage à son ami Kenny Kirkland.

Roger aime la pop, il la joue souvent, voilà une interprétation musclée du « Every time you go away » de Hall & Oates ; ici plus de mièvrerie, une version d’hommes, de costauds. On retrouve avec plaisir « R.A. » un titre de Michael Chevalier en hommage à un des bateaux sur lequel il a navigué, le Rara Avis, un superbe trois mats et un superbe morceau.

Roger aime le sport, il est lui-même sportif, fou de basket (d’où sa référence à Shawn Kemp), de rugby et aussi de boxe. C’est ainsi qu’il nous transporte avec le titre « En direct du stade Tata Raphaël » (oui c’est son vrai nom) en RDC sur les lieux du combat historique Muhammad Ali vs George Foreman de 1974. Les steel pans d’Andy Narell et les percus de François Constantin nous plongent avec le Bordeaux Quintet dans cette ambiance festive africaine sur un rythme de rumba congolaise.

Roger aime Michael Jackson et le titre suivant est l’occasion pour Roger de lui rendre hommage ainsi qu’à plusieurs autres : Steve Porcaro, Toto et même Miles Davis avec « Human Nature ». On y retrouve le trop rare Freddy Buzon, à la trompette bien sûr.

Roger aime la musique militaire ? Une fois n’est pas coutume il en enregistre, zaïroise de surcroit avec « Zaïre », je connaissais son éclectisme mais il me surprend encore l’animal !

L’écoute est presque terminée, une belle recharge d’énergie, de bonnes ondes, alors « I don’t need no doctor » pas besoin d’une autre ordonnance que ce disque ! Un des grands classiques de Ray Charles dans une version très proche de celle de John Scofield, la meilleure pour moi. Tant mieux.

Voilà on a fait le tour de ce qui pourrait paraître comme un patchwork mais dont l’unité pourtant existe, elle n’est autre que Roger Biwandu lui-même, son univers, son entourage, sa vie, un bien beau concept pour un album.

Alors procurez-vous vite ce CD et écoutez le en entier…

Invités : Michael Robinson (chant), Jean-Yves Jung (piano), Régis Lahontâa (trompette), Loïc Demeersseman (sax ténor), Christophe Cravero (Rhodes), Gimenez E (guitare et chant), Jean-Bernard Rongiconi (guitare corse), Will Lee (basse), John Beasley (piano), Biréli Lagrène (guitare), Denny Ilett (guitare), Mario Canonge (piano), Mike Landau (guitare), Mike Clinton (basse), Andy Narell (steel pans), François Constantin (percus), Freddy Buzon (trompette), Laurent Agnès (trompette, tuba), Guillaume Schmidt (sax baryton), Dave Blenkhorn (guitare), Marc Vullo (contrebasse), Frank McComb (chant). Impressionnant non ?

Paru chez Jazz Familyhttps://www.official.shop/jazz-family

Distribution : https://www.socadisc.com/