Chucho Valdés : une soirée à l’Auditorium de Bordeaux

Par Carlos Olivera, photos Christine Sardaine

Comment décrire l’émotion de voir en live l’un des artistes qui t’ont le plus marqué dans la vie ? C’est vraiment difficile car, même si ce n’est pas la première fois que je le vois en concert, l’émotion reste intacte.

A la différence de la dernière fois que je l’ai vu à Marciac où il était avec son groupe, le maître est tout seul avec son piano face au public d’une salle qui a une acoustique magnifique : l’Auditorium de L’Opéra de Bordeaux.

Sur scène le décor est sobre et élégant. Chucho Valdés arrive habillé en noir. Le public applaudit et il s’assoit sur le banc. Piano et musicien sont entourés de cinq luminaires qui donnent l’impression d’un concert aux bougies. Le pianiste et son piano, au milieu de ces lumières, forment un décor parfait, théâtral et magnifique, pour accompagner la musique que nous allons écouter ensuite.

Le concert commence, le maître regarde le clavier pendant un seconde, comme un athlète qui mesure la distance avant de se lancer pour une course de longue haleine. Et ce sera une course d’environ deux heures de musique, presque ininterrompues. Chucho Valdés sera cette fois beaucoup moins bavard qu’à d’autres occasions. Peut- être que c’est l’aura de ce lieu dédié à la musique classique qui impose une certaine austérité, ou peut-être s’agit-il simplement de l’exercice du piano solo qui demande une concentration exceptionnelle. Néanmoins, dès la première note la musique parle elle-même. Pas besoin de mots, le piano et le talent du maître suffisent largement pour communiquer.

Le concert commence calmement, mais peu à peu l’ambiance se réchauffe, la musique prend corps, et les doigts de Chucho Valdés volent sur le clavier.

Au troisième morceau un air latino monte sur le clavier et impose à mes pieds un besoin presque incontrôlable de danser : il s’agit de  Manisero , célèbre titre cubain. Chucho connaît le thème par cœur, il s’accompagne de la main gauche pour maintenir le rythme et fait des solos improbables avec la main droite. Par moments, il part loin et on pense qu’il a changé de morceau, mais il revient toujours sur le thème pour nous faire savoir qu’il est encore en train de décortiquer cette chanson populaire qu’il a dû jouer un million de fois depuis sa petite enfance.

La suite du concert va être un mélange de chansons populaires et de standards de jazz joués avec passion et une musicalité simplement incroyable. Des morceaux comme Les feuilles mortes (Autumn Leaves), Blue Rondo à la Turc de Dave Brubeck, Blue Monk de Thelonious Monk, Giant Steps de Coltrane, vont passer par les doigts de Chucho Valdes, comme un hommage aux musiciens et à la musique.

A la fin du concert, une ambiance plus détendue s’installe dans la salle alors que Chucho Valdés décide de parler avec le public au départ en anglais et après en espagnol. Il explique qu’on va réaliser un exercice rythmique et il s’amuse à jouer et à faire clapper des mains le public avant de les faire chanter. C’est une fin de concert festive après près de deux heures de musique magnifique. Merci au maître et à bientôt, on espère.