GoGo Penguin au Rocher de Palmer

par Philippe Desmond, photos Jean-Michel Meyre

Du monde pour un concert de jazz au Rocher ! Quel plaisir de voir la salle 650 presque pleine, de constater que le public mêle toutes les générations, les coupables ? Le trio anglais GoGo Penguin et sa signature sonore si caractéristique. Un trio piano, contrebasse, batterie qui ne sonne comme aucun autre, une musique qui se démarque, qui invente un jazz ou pas un jazz d’ailleurs comme le disait Rob Turner leur précédent batteur : « Les gens dépensent tellement d’énergie dans les discussions qui n’en finissent pas au sujet de ce qui est jazz ou non ; l’important pour nous c’est d’écrire de la bonne musique ».

Sur la scène, à jardin Chris Illingworth (piano et synthé), au centre Nick Blacka (contrebasse et Moog), à cour, avec eux seulement depuis moins d’un an et parfaitement intégré, Jon Scott (batterie). GoGo Penguin c’est d’abord un piano, des mélodies minimalistes en ostinato, rondes sans fins que la batterie nerveuse ne va pas lâcher, en unisson ou en polyrythmie percutante, grosse caisse en avant. En arbitre de ce duo-duel permanent, la contrebasse, pincée en colonne vertébrale rythmique ou frottée pour des retours au calme délicats ; quelques effets parfois, jamais trop, de l’électro acoustique disent certains en parlant d’eux.

Musique cyclique, tendue, souvent avec un fond grave parfois solennel, montées en puissance progressives, un son très profond et une belle épaisseur musicale pour un « simple » trio ; on se retrouve vite pris par ces boucles tourbillonnantes, obsessionnelles. Pour faire le difficile je dirais que c’est parfois même trop, les structures des titres sont souvent les mêmes, on arrive même à s’habituer… Mais des jaillissements surgissent, des transes arrivent. L’unité des trois est manifeste, des breaks ciselés au rasoir, imprévisibles, époustouflants, du grand art et une réelle beauté pour les oreilles et le corps.

Le set a mêlé «  GoGo Penguin » leur album de 2020 réalisé pendant le confinement et qu’il ne commencent que maintenant à jouer en tournée, comme « Signal in the noise », des titres de leur récent EP « Between the waves » avec « Wave Decay », des titres plus anciens tel « Break » de 2014 quand le public les a vraiment découverts.

En rappel un titre (non identifié) inouï où le groove absent jusque-là, à dessein bien sûr, surgit, presque un autre registre, éclatant et libéré. Magnifique.