Benjamin Petit
« Dear John »
par Philippe Desmond
« John Williams m’a marqué et a marqué toute ma génération. J’avais envie d’être un vecteur de prolongation et de transmission de son génie musical ». Pour son deuxième album le saxophoniste Benjamin Petit a placé la barre très haut. Mais l’altitude ne lui fait pas peur, lui le pilote de ligne (!), et c’est de main de maître qu’il a mené son projet. Ce musicien éclectique passé par la pop, la chanson française avec Michel Jonasz et devenu proche musicalement de Kenny Garrett et Branford Marsalis, aime passionnément aussi le cinéma. Sacré pari que de passer des musiques symphoniques de John Williams à de la musique jazz plus brute, le répertoire associé à des œuvres cinématographiques célèbres tout comme leurs BO, pouvant à la fois attirer les curieux et les dérouter ainsi réarrangé. Justement une des missions que s’est fixé Benjamin Petit c’est d’être un maillon entre le jazz et le grand public, la musique de cinéma est un bon moyen pour cela.
Star Wars, Indiana Jones, Harry Potter, même Cendrillon de Walt Disney, mais pas forcément les titres phares, sont ainsi au générique avec d’autres, un seul titre « Sheherazade » de Rimski-Korsakov venant s’intercaler au milieu des œuvres de John Williams, pas par hasard mais en écho de sa musique.
Et alors, ça donne quoi ? Une œuvre à part entière qu’on soit cinéphile ou pas. Par exemple pour « The Throne Room » l’aspect grandiloquent et martial de la version originale dans Star Wars IV, laisse place à un swing effréné ou si le jeu de Benjamin est une confirmation, je découvre le piano tynerien de Julia Perminova, waow ! « The Medallion » issu d’Indian Jones devient une ballade illuminée par le sax soprano sur des harmonies classiques de piano. Le jazz déjà présent dans « Escapades » (Catch me if you can) est ici exacerbé par du vrai be-bop mais n’a rien d’une imposture ! Point de clochettes ni de rivières de cordes pour l’adaptation du « Hedwig’s Theme » de Harry Potter mais là aussi une ambiance jazz très club, le sax ténor et le piano menant la féérie sur une belle et solide rythmique qui elle aussi joue de temps en temps les premiers rôles. Et quand Camille Bertault revêt les guenilles de Cendrillon ou chausse ses souliers de vair, nous entraînant de son scat bien au delà de minuit dans un club enfumé loin du bal guindé, on mesure le travail effectué par Benjamin Petit. Voilà un aperçu de ce que recèle cet album que vous pouvez écouter de deux façons, d’abord normale, il est superbe et se suffit à lui-même ou alors en parallèle avec les versions originales, ce que je me suis – bien – amusé à faire.
Benjamin n’a pas fait un hommage mais dit avoir écrit à un de ses pères spirituels, le grand John Williams. On attend avec impatience la réponse de celui-ci à l’écoute de cette adaptation très personnelle.
Musiciens : Benjamin Petit, saxophones – Jérémy Bruyère, contrebasse – Julia Perminova, piano – Raphaël Pannier, batterie – Invités : Camille Bertault, chant et Jean-François Valade, guitare.
Direction artistique : Laurent Coulondre et Benjamin Petit
Vidéo : https://www.facebook.com/BenjaminPetitOfficiel/videos/767409077820631/