We want Chet

« Daybreak »

par Philippe Desmond

Leah Gracie : chant / Arnaud Meunier : bugle, trompette / Christophe Limousin : guitare / Mathieu Debordes : trombone, arrangements / Nicolas Scheid : sax alto et ténor / Emmanuel Pelletier : sax baryton / Pierre-Yves Desoyer : contrebasse / Hervé Joubert : batterie

A la fois ange et démon, Chet Baker est une figure iconique du jazz, adoré par certains, détesté par d’autres (j’en connais) mais ne laissant pas indifférent. Reconnaissable instantanément que ce soit par son jeu de trompette ou par sa voix inimitable, sa vie cahotique a aussi contribué à sa légende. Je vous conseille à ce sujet le film documentaire ressorti récemment sur les écrans, « Let’s Get Lost » tourné de son vivant mais que Chet n’a pu voir suite à son décès brutal à Amsterdam en 1988, il avait 58 ans seulement. Chet n’a quasiment pas composé mais son nom est associé à beaucoup de standards qu’il a marqué de sa patte.

Le groupe « We want Chet », à l’origine le duo Arnaud Meunier (trompette) et Christophe Limousin (guitare) devenu un octet a ainsi repris une partie du répertoire emblématique du chanteur-trompettiste ou l’inverse. Inimitable voix on l’a dit, donc un changement radical ici avec celle d’une femme, la chanteuse Leah Gracie. La franco-britannique ne s’est pas contentée de chanter mais elle a aussi écrit des paroles sur trois titres à l’origine instrumentaux. Le côté intimiste de la formation originale en duo (parfois en trio) laisse souvent la place à des orchestrations plus amples comme cette version de « The More I See You » avec ses cuivres flamboyants. On y est plus proche du jazz West Coast de la première partie de la carrière que de la fragilité et des fêlures suivantes de Chet. Mais que les inconditionnels du délicat californien – dans sa musique, moins dans sa vie – se rassurent « My Funny Valentine », « But not for Me » sont là, chantées mais pas effleurées comme lui, en contrepoint d’une trompette légère et Bakerienne pour le premier titre et à l’arrangement très be-bop pour le second. On retrouve avec plaisir une version tonique de « Old Devil Moon » ce titre aux accents latinos que Chet chantait en 1958. Le « CTA » final nous rappelle encore qu’il ne faut pas cantonner la carrière de Chet Baker à ses émissions de trompette minimalistes et à ses paroles susurrées.

Le groupe a choisi le parti pris de rendre hommage à Chet Baker en faisant un pas de côté, ne cherchant pas à l’imiter et il a eu bien raison. En écoutant ce bel album on prend du plaisir immédiat avec un jazz à mettre entre toutes les oreilles et en plus il nous donne envie d’aller réécouter les versions de l’ange et démon californien.

Sortie juillet 2024 : https://www.facebook.com/events/822105029420573/?ref=newsfeed

  1. The More I See You
  2. A Thrill is Gone
  3. I Could Happen to You
  4. Minor Yours
  5. My Funny Valentine
  6. Daybreak
  7. Old Devil Moon
  8. But Not For You
  9. Walkin Shoes
  10. CTA