David ENHCO et Mathias LEVY – 2 artistes complets – 2 CD

Ou « QUAND LE JAZZ FLIRTE AVEC LE CLASSIQUE !!! »

Présentation et chroniques de Martine Omiécinski le 22 Mars 2022

Deux albums sortis récemment nous plongent avec bonheur dans un univers jazz mâtiné de classique : soit grâce aux interprètes, soit par les compositions, soit par rapport aux instruments joués ou tout cela en même temps.

Le premier CD est du trompettiste David ENHCO : « Family Tree » sorti le 25 Février 2022

et le second du violoniste Mathias LEVY : « Les démons familiers » sorti le 04 Mars 2022

Les deux rajoutent à leur quartet de base :

  • des cordes : violon alto, violon, violoncelle,
  • des instruments à vent : clarinette basse et même accordéon chez Mathias LEVY,
  • des voix : lyriques ou non.

Les deux ont été influencés par Didier LOCKWOOD. Ce passeur exceptionnel leur a fourni quelques clés pour décloisonner les genres musicaux comme classique.et jazz.

De plus, un autre lien majeur existe entre ces deux œuvres : le choix du talentueux pianiste : Thomas ENHCO (frère de David ENHCO) musicien chez Mathias LEVY et musicien, compositeur et arrangeur sur le CD de son frère David. On ne compte plus ses collaborations avec des « pointures » du jazz européens et d’outre atlantique ainsi qu’avec de grands musiciens classiques.

 

ACTE I – David ENHCO : « Family Tree »

 

5 étoiles

Label NOME – L’autre Distribution

Quartet :

David ENHCO : Trompette

Thomas ENHCO : Piano

Florent NISSE : Contrebasse

Gautier GARRIGUE : Batterie

Quatuor à cordes VOCE:

Sarah DAYAN : Violoniste

Guillaume Becker : Altiste

Cécile ROUBIN : Violoniste

Lydia SHELLEY : Violoncelliste

Invités :

Michel PORTAL : Clarinette basse (op 11)

Célia KAMENI : Chant (op 2)

Caroline CASADESUS : Chant (op 9)

David ENHCO est né dans une famille de musiciens, sa mère Caroline CASADESUS est chanteuse lyrique soprano, son grand-père est le chef d’orchestre Jean Claude CASADESUS : quel ADN !! Il a vécu et vit aussi entouré de musiciens dont son beau-père, hélas disparu, le violoniste de jazz Didier LOCKWOOD, son frère Thomas ENHCO dont nous avons parlé et sa compagne Lydia SHELLEY violoncelliste faisant partie du quatuor VOCE, pour ne citer que ceux-là. Toutes ces précisions nous aident à comprendre le titre de cet album : « Family Tree »

Evidemment, élevé dans ce contexte, il joue de la musique depuis tout petit.

Dès l’âge de 16 ans il est invité par des formations, du duo au big band, en France et bien au-delà avec un pied en classique et un en jazz !

Il joue notamment dans le trio CASADESUS/ENHCO composé de sa mère et de son frère.

En 2010, il fonde avec des copains « The Amazing Keystone Big Band » – 17 musiciens – avec qui il remportera en 2018 une victoire du jazz « Groupe de l’année » – et d’ailleurs à titre personnel une deuxième victoire : « Artiste qui monte » !!

Il a partagé la scène, entre autres, avec Quincy JONES, James CARTER, Didier LOCKWOOD, Cecil Mc LORIN SALVANT, l’Orchestre National de France dirigé par Jean-Claude CASADESUS.

« Family Tree » : cet album propose la « fusion » d’un quartet de jazz (avec son frère Thomas et 2 amis avec qui il joue depuis 10 ans : Florent NISSE et Gautier GARRIGUE,

2 magnifiques musiciens de la scène jazz actuelle) et du quatuor VOCE. Quelques invités agrémentent le tout, dont notre grand clarinettiste virtuose en jazz et en classique : Michel PORTAL, Caroline CASADESUS au chant et Celia KAMENI au chant également.

La plupart des compositions sont de David, mais aussi de Thomas ou de Florent NISSE « Hi-law » op 11. Pour les reprises adaptées citons : « Django » op7 de John LEWIS, « Hôtel » de Francis POULENC, un des compositeurs préférés de David, un morceau de MONTEVERDI (op12).

Ce disque est riche en émotions et en sensibilité, les musiciens y naviguent avec virtuosité des partitions écrites aux chorus très libres.

A retenir :

« Train de nuit » de Thomas pour cet allègre premier morceau, la brillance du son de la trompette de David, la fluidité du jeu de Thomas et l’impro du duo « piano/batterie » de Thomas et Gautier

« Shadow Love » composition de David : pour le bel hommage à Didier LOCKWOOD ou l’entrelac des cordes du quartet et du quatuor est sublimé par la voix au superbe grain de Celia KAMENI

« The Lighthouse » pour le beau son et la liberté d’expression de David ENHCO à la trompette et pour la rythmique solide, parfaitement en place et subtile en même temps de Gautier GARRIGUE (batterie) et Florent NISSE (contrebasse).

« Soleils couchants » pour la judicieuse juxtaposition du poème de Paul VERLAINE (du même titre) chanté avec beaucoup de sensibilité par Célia KAMENI, où David avec beaucoup d’âme, à la trompette, joue sur sa propre composition.

« Django » pour cette reprise toute en subtilité au piano par Thomas et à la rythmique par Florent et Gautier (batterie aux balais)

« Novembre » Pour l’alliance réussie des cordes du quatuor à la batterie puis à la trompette

« Hi-law » : un de mes préférés :

  • pour la maestria de Michel PORTAL non pas dans ses « Arabesques » mais dans ses «Bayonnesques » qui à 85 ans et toutes ses anches nous ravit toujours autant avec ce son de clarinette basse à la fois si personnel et qui semble venu d’ailleurs ;
  • pour l’harmonie trompette/violon aux échos déchirants et envoûtants
  • et bien sûr pour la riche composition de Florent NISSE

Bref un disque à écouter encore et encore !!!

ACTE II – Mathias LEVY : « Les démons familiers »

5 étoiles

PeeWee Label

Quartet :

Mathias LEVY : Violon

Thomas ENHCO : Piano

Jérémy BRUYERE : Contrebasse, basse électrique

Matthieu CHAZARENC : Batterie

Quatuor à cordes :

Maëlle DESBROSSES : Violon alto

Bruno DUCRET : Violoncelle

Jean-Philippe VIRET : Contrebasse

Mathias LEVY : Violon (à la fois dans le quartet et le quatuor)

Invités :

Hugues MAYOT : Clarinette basse, saxophone soprano (op.2,5,9,11)

Laurent DERACHE : Accordéon (op.4,5,6,7)

Leïla MARTIAL : Chant (op.3)

Mathias LEVY a, lui aussi, commencé par de brillantes études classiques : à 17 ans il est

1er prix de solfège et de musique de chambre au conservatoire de Raincy.

Il complète sa formation musicale : Didier LOCKWOOD l’éveille aux aspects techniques spécifiques au jazz et l’invite à ne pas rester « violon soliste » mais à élargir sa palette.

Devenu musicien polyvalent, il a participé à de nombreux et différents projets de « Caravan Quartet » à Catherine RINGER, ZAZ etc… et a composé pour le théâtre et le cinéma.

Ayant obtenu le prix Stéphane GRAPELLI en 2011, il rend à ce dernier un vibrant hommage intitulé : « Revisiting GRAPELLI » qui lui vaudra la reconnaissance de ses pairs et du public.

Il navigue du jazz manouche à BARTOK (« Bartok Impressions » en 2018) en libérant de plus en plus de place à l’improvisation.

Puis ses propres compositions émergent de la « somme magmatique de ses influences », après un tri très personnel où le jazz flirte avec les musiques du monde et le classique.

Cet album : « Les démons familiers », en référence justement à ses influences multiples, reflète ce pouvoir à nous embarquer loin ailleurs dans son riche et bel univers. Il en a composé tous les morceaux.

Quant au choix de ses partenaires, nous retrouvons de brillants musiciens actuels, non conformistes, qui n’ont pas peur de pousser les limites et de participer à ce projet, notamment la rythmique du quartet :

  • Thomas ENHCO dont nous avons vanté les mérites précédemment, aussi à l’aise dans le groove que dans le lyrisme, en classique et en jazz.
  • Jérémy BRUYERE qui récemment nous a renversé dans l’hommage de Laurent COULONDRE à Michel PETRUCIANI,
  • Matthieu CHAZARENC, cet ovni agenais qui brille en jazz sur de nombreux projets et ailleurs : il fut pendant 2 ans le dernier batteur de Charles AZNAVOUR !

A retenir :

« Beyrouth » pour la richesse de la composition, pour l’apport lyrique des cordes, notamment du violon de Mathias LEVY, de l’alto de Maëlle DESBROSSES, du violoncelle de Bruno DUCRET, pour la précision Mathieu CHAZARENC à la batterie.

« Couleurs » pour la belle mélodie, pour les impros de Hugues MAYOT à la clarinette basse et le superbe « fondu enchainé » violon, piano de Mathias et Thomas ENHCO.

« Unis vers » pour l’entame au piano (cordes pincées), pour la belle voix perchée de

Leila MARTIAL proche parfois des « youyous » orientaux, pour le jeu de Jérémy BRUYERE à la contrebasse.

« En cascade » pour les polyrythmies, les instruments qui grondent puis l’accordéon de Laurent DERACHE qui calme le jeu ranimé par la sensibilité de Mathias au violon, pour les cordes se déchainant sur une rythmique qui swingue de plus en plus vers le final endiablé.

« Etrangers » pour le toucher remarquable de Thomas ENHCO au piano et la clarinette basse de Hugues Mayot

« Origines » certainement mon morceau préféré, pour cette proposition aux accents jazz et orientaux, pour le dosage parfait de la rythmique, pour les chorus des différents instruments dont le violon, le piano et l’accordéon.

« Arabesques » pour le solo de saxophone (Hugues MAYOT) et le final de folie

Pour tous les autres car j’ai vraiment du mal à choisir !!!!

Belle écoute et/ou belle découverte !!!