Par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.

Comptoir Ephémère, Bordeaux le 26 janvier 2018.

 

Si vous aimez le sax, si vous ne pensez qu’au sax, que vous êtes obsédé par le sax, ce groupe est fait pour vous, Saxtape ! Avec un octet – et non un sextet – un peu spécial, très spécial même, comprenant pas moins de cinq saxophonistes, oui 5. Un mur de saxophones derrière lequel une rythmique tente – et réussi à merveille – de sortir de son ombre : Didier Ottaviani (batterie), Stéphane Mazurier (claviers) et Nicolas Veysseyre (basse). On en reparlera mais revenons au sax. De gauche à droite, de jardin à cour disent les spécialistes, Cyril Dumeaux (sb), Giordano Muto (st), Bertrand Tessier (sa et ss), Guillaume Schmidt (sa, ss, fl), François-Marie Moreau (st, ss, fl, clb).

PM - 9-1

C’est bien simple, visuellement on se croirait au souk de Marrakech devant ces boutiques regorgeant de cuivre, on clignerait presque des yeux. C’est déjà beau à voir mais alors à entendre !

PM - 30-1

J’ai malheureusement raté le tout début du concert et notamment la composition du tromboniste Sébastien Iep Arruti, présent dans la salle, délicatement baptisée « Slow Braguette ». Ben oui on parle de sax.

PM - 22-1

 

Le ton a été donné, car les huit sur scène ne se sont pas assemblés par hasard, il y a certes le talent de chacun mais aussi, presque surtout, l’amitié, la complicité. C’est Cyril Dumeaux qui a eu l’idée du projet. Il a tenté de m’expliquer qu’il voulait monter un groupe de sax mais pas un truc qui sonne comme un groupe de sax – ah bon – mais plutôt comme un big band. Je n’ai pas osé lui dire « prends des trompettes et des trombones ! ». J’ai peut-être un peu compris à l’écoute, des unissons mais pas trop, des harmonies et tant mieux mais surtout de la variété dans les tessitures, de la flûte ou soprano au baryton, des chorus, des duels. Il se passe toujours quelque chose. Et derrière le mur les trois autres qui profitent de ce qu’ils sont cachés pour faire des bêtises et s’exciter comme des gamins en envoyant du lourd dès qu’ils le peuvent.

PM - 31-1

Quand j’arrive, je monte en marche avec le « Red Baron » de Billy Cobham et je décolle aussitôt dans l’avion du Baron Rouge. Ça balance, ça groove d’enfer, le son est énorme de profondeur et secoue le nombreux public du Comptoir Éphémère. Ça envoie du bois, normal pour des sax ; oui je rappelle à ceux qui n’ont pas suivi ces chroniques, que les saxophones sont classés dans la famille des bois juste à cause de la petite languette de roseau qu’on ligature sur le bec, l’anche. L’arrangement est magnifique, fait spécialement par Pierre Bertrand le créateur du Paris Jazz Big Band dans lequel Cyril Dumeaux joue de temps en temps. Pierre, un saxologue expert et docteur es-big band, a non seulement arrangé les titres mais en a aussi composé, et le résultat est excellent.

C’est la première prestation publique du groupe, on les sent encore accrochés aux partitions et pourtant il se dégage déjà une belle unité et une grande maîtrise. Tout tombe pile. Et aussi un plaisir immense, un plaisir saxuel ! Chacun à tour de rôle exhibe son sax et le tripote pour un chorus et croyez moi c’est beau à voir, surtout à écouter. Je connaissais déjà quatre sur cinq et je découvre Giordano l’Italien ; ensemble ils sont  époust-soufflants.

Mais attention, je plaisante avec leurs histoires de sax – c’est eux qui avec le nom du groupe l’ont cherché les coquins – ne vous méprenez pas c’est musicalement du très sérieux, leur musique est vraiment magnifique, souvent chaleureuse et gaie, engagée et vibrante. Pour vous en persuader, vous pouvez vous procurer un EP de 4 titres (3 compos de Pierre Bertrand et une d’Electro Deluxe) sur leur site. C’est tellement flamboyant le jazz comme ça !

Il y a même une ballade, exercice peut-être le plus dur pour un telle formation ; elle est réussie. Je connaissais aussi Didier et Stéphane – qui ont bien régalé, mais du boulot me confie le batteur  – et j’ai découvert, avec Nicolas, un bassiste redoutable dans ce registre.

PM - 16-1

Mon petit doigt me dit qu’on devrait entendre ces messieurs – et non désolé il n’y a pas de dame, c’est du sax entre hommes – du côté de pas très loin d’ici, cet été, lors d’un festival. Mais messieurs les programmateurs, en attendant, ne vous privez surtout pas de sax, faites les jouer !

Allez sax suffit.

PM - 3-1

www.saxtape.fr (allez voir ça bouge)

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