L’onirique world jazz de BLANC LAPIN au Vox

Par Sylvie Delanne

23 novembre 2024, le Vox à St Christoly de Blaye

C’est avec un plaisir non dissimulé que je reprends la plume pour partager ma dernière excitante découverte

Samedi 23 novembre, le groupe toulousain Blanc Lapin dépassant les frontières de l’Occitanie et à l’invitation du comité de programmation du Vox de St Christoly de Blaye est venu révéler l’étendue de son talent devant un public malheureusement clairsemé.

Ce groupe de jazz-fusion classé dans « l’onirique world jazz, une écriture qui pointe l’intemporalité des ressentis humains face à la vie, face aux relations et au temps… »

Dès les premières mesures, nous voilà embarqués dans un voyage tendre et sensible qui invite à l’exploration d’un monde inconnu, celui du Blanc Lapin sans doute tout droit sorti du conte de Lewis Carroll.

L’excellent ROMUALD LEROY aux saxophones (soprano, alto et ténor) a composé chaque pièce et s’est entouré de deux musiciens branchés sur ses mêmes ondes, le multi claviériste VALENTIN AVOIRON et le formidable drummer à la rythmique implacable, CHRISTIAN PAGANI

Romuald présente avec humour les morceaux et les rêves qui les ont fait naître et chaque fois ça marche, nous sommes embarqués… le voyage musical durera une heure trente.

Chaque reprise entraîne le public dans de nouveaux tableaux à l’instar d’un livre de nouvelles.

Dommage pour ceux qui n’étaient pas présents, pas de CD encore à la vente, le Trio n’est venu qu’avec son cœur, son talent, ses émotions nous faire goûter ses compositions.

Dans la fusion de leur jeu les trois musiciens créaient un jazz libre, unique et envoûtant, très spirituel .

Voilà quelques titres des morceaux qui nous ont été offerts d’entendre, ils composeront entre autres, le futur CD. Leurs noms sont bien évocateurs :

Nouvelle !
Peut-être
Sirènes
En quête
Avec toi
Ressac (pièce en trois parties)
Romance
8ème Ciel
Jouer dans les bois

Dès le premier morceau : « Nouvelle » le sax soprano de Romuald nous berce d’une lancinante mélodie peut-être sortie d’un caravansérail oriental.

Un second morceau nous voilà envoûtés par cette belle musicalité, les notes claires du piano.

Troisième morceau « Sirènes » pour les signaux que lance notre époque, un couple de yamakasi saute de mur en mur pour échapper à un pouvoir gris. Lors de cette fuite étrange à cheval entre deux mondes, le batteur tape le rythme de leurs pas, de leurs sauts rebondissants et l’alto mène cette danse fracassante et urgente, le clavier distille de la lumière dans cette course effrénée, les cœurs battent de plus en plus vite. Il y a de la tension dans cette musique qui nous tient en alerte, heureusement le temps s’arrête et l’ histoire d’amour se termine sur l’arrivée d’une soucoupe volante (!).dans une basse puissamment vibratoire et intense. Ferme les yeux, tu la vois….Une musique fantastique à ne pas dormir debout ! C’est fort, c’est absolu, j’adore !!! Bravo au talent particulier de Valentin Avoiron qui termine dans la puissance d’un effet vibratoire.

Sax soprane, piano et bruits de cymbales introduisent « En quête », un morceau onirique, un jazz entier, soutenu, puissant, fortissimo.

Les pièces vont s’enchaîner, souvent longues, écriture en cascade très harmonique, souvent bouleversantes tant leur tension est forte

L’histoire de 2 grains de sables pris dans le sac et le ressac commence par la trompe lancinante de la conque marine, et la mer nous embarque…

Un jazz plein d’intériorités et d’une grande profondeur, des jeux puissamment spirituels, très rythmiques mais aussi mélodiques. Les musiciens viennent du classique certes mais on goûte la fluidité de l’improvisation, les influences des rythmes traditionnels et leur goût du risque vers des galaxies nouvelles. Un jazz interstellaire et intemporel, notre Blanc Lapin court après le temps et le dépasse parfois.

Ces ambiances ne sont pas sans rappeler les lancinances de Steve Coleman ou le jazz minéral de Jan Garbarek quand Romuald embouche son sax soprano.

Le public applaudit et en redemande c’est ainsi que lors du rappel ils joueront le 1er et le 3e mouvement de « Ressac » qui laissent la salle en feu, tellement jazz urbain et puissant.

Vivement le mixage de l’enregistrement studio de ces compositions, j’ai hâte de poser ça sur ma platine !

Vivement retrouver Blanc Lapin sur une autre scène aquitaine lors d’un des nombreux festivals !

Vivement que ce groupe connaisse la reconnaissance qu’il mérite !

La salle du Vox ne déçoit jamais les amoureux du jazz et de la création, du culot parfois de cette musique riche et à l’histoire ininterrompue.

Je ne terminerai pas sans adresser de la part du jazz de beaux remerciements aux organisateurs et à la Municipalité qui soutient cette musique malgré l’éloignement du public bordelais et la frilosité ou la méconnaissance des locaux.

C’est la mission d’Action Jazz de soutenir et encourager cette programmation éloignée des centres villes. Tous les programmateurs le savent, vu la multiplicité des propositions certains jours et une crise qui affecte les porte-monnaie, il est de plus en plus difficile de remplir les salles.

A St Christoly de Blaye, une Municipalité attentive à la Culture musicale, vote un budget chaque année pour maintenir la présence du jazz . Ne les décourageons pas, venons chaque fois dans cette salle confortable, à l’acoustique impeccable dirigée par un excellent ingé-son Micka Ghiotti.

Les musiciens repartent chaque fois étonnés de la qualité de l’accueil, du son et de l’ambiance.

Les absents ont eu tort samedi, ils auraient pu voir le bel avenir du jazz à Saint-Christoly de Blaye !!