par Philippe Desmond, photos David Bert.

Le Rocher de Palmer, samedi 29 janvier 2022.

L’été 2012, à l’occasion du Festival des Hauts de Garonne, Patrick Duval son organisateur et maintenant directeur du Rocher de Palmer, nous avait fait découvrir une fratrie de Chicago, les sept fils d’un certain Phil Cohran, plusieurs années trompettiste au sein du Sun Ra Arkestra. De l’atavisme dans l’air. Je me souviens d’une joyeuse et délirante pagaille musicale dans ce triste gymnase de Bassens où le festival, prévu en plein air dans un cadre magnifique, avait dû se rabattre à cause de la pluie orageuse de ce début juillet.

Près de dix ans après nous voilà dans la belle salle 650 du Rocher pour retrouver les sept soufflants de l’Hypnotic Brass Ensemble. Suivant les sources, la taille de la fratrie varie de six à huit, sept ce soir ? Trois trompettes, deux trombones, un saxophone alto et un euphonium (un petit tuba) ; six cuivres et un bois et oui, le sax ! Des vents mais surtout pas du vent, on va vite s’en rendre compte. Contrairement à la première fois, une rythmique basse batterie est présente ce qui ne va pas du tout gâcher les choses, bien au contraire ! La salle est moyennement remplie, l’embellie tarde à venir, jusqu’à quand ?

Tous en noirs, certains avec le magnifique t-shirt reprenant le visuel de la pochette du dernier album « Hypnotic Brass Ensemble Bad Boys of Jazz » et casquettes « BBOJ » assorties ; pas de bol aucun merchandising à la fin du concert…

Et c’est parti, au taquet, on ne les arrêtera plus, les sept devant à l’unisson sur une rythmique funk atomique. Comment ça sonne ce machin ! Dire que malgré ce groove d’enfer il faut rester assis, bien cachés derrière nos masques… Le deuxième titre « Menaj », tellement plus explosif que sur l’album où pourtant ça sonne gros, va encore rajouter un cran à cette folie musicale ! Rythmique funk ou afro-beat avec son pattern galopant de caisse claire, le rouleau compresseur est lancé. Les gars jouent mais jouent aussi, s’amusent, nous amusent, nous font réagir, nous interpellent, ambiancent, assez bavards mais en anglais bien sûr, laissant pas mal de gens sur le bas-côté ; ils voudraient voir la salle s’enflammer ils finiront pas y arriver. « Nous reviendrons quand on pourra danser et qu’il n’y aura plus de masque ! ». Le concert démarré dans un registre jazz funk prend alors une tournure hip-hop , le flow vocal arrive mais la musique reste énergique, enthousiaste et gaie ; les gars sont apparemment de joyeux larrons. Souvent le hip-hop m’ennuie, là il me réjouit !

Au bout d’une heure, à l’invite d’un « Get up ! » la salle finira par se lever et danser, en toute illégalité – quelle bande de warriors subversifs sommes-nous ! – jusqu’au final. Un vrai final, pas de rappel malgré les hurlements du public, ils seront seulement deux à revenir claquer longuement des give me five . Il faut dire qu’ils ne se sont pas ménagés pendant le set, soufflant, sautant, marchant souvent dans une joyeuse pagaille.

Bad Boys Of Jazz revendiquent-ils, des bad boys bien sympathiques qui participent à cette ouverture du jazz vers les musiques – pas si – nouvelles. Eternelle vitalité de ce style qui depuis plus de cent ans s’adapte à son époque sans pour autant renier son histoire. Un des ambianceurs n’aura pas manqué de nous évoquer Miles Davis, John Coltrane mais aussi James Brown et Earth Wind and Fire. Pas de cette terrible cancel culture pour eux !

Un concert qui fait tellement de bien ! Yo !

NB : curieux choix d’éclairage rouge et bleu tout le long du concert, les pires couleurs redoutées des photographes. Une stratégie pour contrer les captures sauvages du public ? Du gros boulot de post production pour David Bert qui a qualifié le concert de dinguerie !