Le Tour du monde en Trois-Palis
Par Philippe Alen, photos Alain Pelletier
Trois Palis (16), 13-15 septembre 2024.
Pour sa sixième édition, Jazz(s) à Trois-Palis a confirmé (si l’on en doutait encore) qu’il constitue un rendez-vous à ne pas manquer. Sans concurrence d’aucune sorte dans le grand Sud-Ouest, on a pu par le passé y entendre des musiciens venus d’Angleterre, de Suisse ou du Danemark, comme retrouver, d’année en année et en divers contextes, des fidèles : Bernard Santacruz, Sophia Domancich, Robin Fincker ou Catherine Delaunay. Avec un nombre de concerts limité, Jazz(s) à Trois-Palis réussit pourtant le pari difficile de concilier découverte et fidélité.
Jardin danois
En ouverture, Hasse Poulsen (g) nous guida dans son jardin intime pour évoquer des lieux et des personnes aimées mêlées à quelques mélodies traditionnelles, perpétuant ainsi une manière qui distingue entre tous le jazz scandinave. Or c’est François Méchali (b) qui, pour l’occasion, remplaçait Henrik Simonsen1, le partenaire habituel de Poulsen pour ce répertoire. Pour leur deuxième concert ensemble, Méchali s’est surtout montré un partenaire sensible et respectueux. On pouvait presque s’abandonner au charme bucolique de pièces que le guitariste a présentées avec humour et tendresse, lui qui a traversé des paysages autrement tourmentés avec Das Kapital ou jadis 49° nord, ou encore aux côtés d’improvisateurs comme Paul Dunmall, Tom Rainey ou Joëlle Léandre entre autres. Pourtant, ramené à sa terre natale, dès une chanson du nord de Sjaelland, exposée à nu et discrètement bluesifiée aux entournures et jusqu’à l’ultime rencontre au cimetière à l’énoncé appuyé, comme épelé, dont on percevait le squelette sous la peau, toutes ces évocations biographiques laissaient transparaître de multiples couches affleurant un instant, l’air de rien, au détour de quelques notes intruses, venues d’ailleurs, de cordes tirées, frisantes, grinçant sous l’archet. « La bonne musique se situe toujours un peu en dehors des styles établis » dit Hasse Poulsen2. Aussi, au détour d’une Danse d’été près du lac (Sommerdans på Praesteengen) put-on déceler Le temps de l’amour de Françoise Hardy, à quoi Méchali répondit un peu plus tard par une citation de Bach. De son jeu un peu cahotant – une harmonie appuyée suivie de notes précipitées dans l’escalier, quelques accords balayés en haut du manche pour un son un peu creux, des attaques dures sur des accords consonants au-delà du raisonnable, quelques notes escamotées – ont donné au Déjeuner à la taverne comme un avant-goût de ces harengs marinés au vinaigre et au sucre, spécialité danoise qu’il faut avoir goûtée faite maison exclusivement. La tradition, Nielsen, Jan Johansson ou les impressions de sinécure au presbytère sont sous les doigts de Poulsen empreints d’une douceur un peu âpre, d’une mélancolie qui ne dit pas son nom, cachée sous une couche d’apparente insouciance, traces d’un bonheur désenchanté.
Club new-yorkais
Au soir tombé, le quartet de Bernard Jean affirma, lui, la vitalité d’un jazz qui semblait enfin n’avoir connu ni doute ni faiblesse momentanée. Porté au rouge sans délai, et même chauffé à blanc, l’engagement d’un Bernard Jean (vb) survolté donna à voir et à entendre un jazz, certes informé, mais qui en prolongeant au premier degré ce qu’avaient illustré de fameux devanciers sur son instrument, portait au présent, dans cette petite salle communale, l’ambiance d’un club new-yorkais de haute époque. Le vibraphone est devenu une rareté ; joué ainsi, c’est un bonheur sans réserve. Avec Fred Roudet (tp), Bernard Santacruz (b) et Samuel Silvant (dm), le quartet balaya un large spectre, d’une Lenox avenue descendue à toute allure en brûlant tous les feux (3) à une « pseudo-bossa » corse faussement détendue (Belgodère). D’emblée, l’énergie du quartet se montra ramassée comme un chat prêt à bondir. Du piétinement impatient au bond libéré, de courses folles en embardées soudaines, un régime tendu parcourut tout le set quand bien même Fred Roudet se montra volontiers lyrique, faisant montre d’un beau grain cuivré sur Masques, une belle composition de Bernard Santacruz, ou au travers des climats changeants d’une improvisation libre qui nous régala tous en exauçant les vœux des bisseurs. Santacruz, impérial dans l’introduction de sa propre pièce, chantée du plus haut du manche, en butte à des ennuis de micro qui le privèrent de solo dans le morceau qui devait justement célébrer quarante ans d’amitié avec le leader (A pleasant day), donna l’assise indispensable aux fulgurances du vibraphoniste qui n’étaient pas sans rappeler par instant les soudaines giclées aquarellées d’un Walt Dickerson (Sans attendre, sur de longues pédales et des tunnels à répétition débouchant au grand jour). Son jeu, tout de ruades inspirées, au phrasé décidé semé de fulgurances, négocie les doublements de tempos et changements d’intensité avec la souplesse d’un pilote de formule 1. Pour autant on put apprécier son dosage expert des brillances et matités, entre frappes et caresses, sensible du pied comme de la main, et particulièrement dans le peu fréquent Teo de Thelonious Monk. Invoqué, et même convoqué par le biais d’une de ses compositions (The story of Maryam), Paul Motian, ce dentellier de la batterie, n’avait pourtant marqué qu’en creux le jeu de Samuel Silvant, sa battue nourrie et appuyée présentait en fait d’ajours ceux d’une cotte de maille dans cette petite salle à l’acoustique étonnamment confortable . Cela relevait-il de l’humour involontaire ? Sa composition à épisodes, Si j’avais su que tu allais tout inonder, précédait ainsi L’Orlina, évocation par Santacruz d’un petit torrent de Catalogne, et de fait son solo de batterie parut acoustiquement déborder quelque peu.
Voyage dans le temps
À l’inverse, nous étions invités par Hélène Bass (cello) lors de son solo du lendemain, à ne pas applaudir ; plutôt tendre l’oreille au silence des murs paroissiaux. À Trois-Palis, les solos à l’église sont des moments attendus ; elle en connut de mémorables. Certains furent hors du temps, celui-ci l’était à sa manière : résolument d’un temps qui est désormais hors du nôtre. Les feuilles de couleur éparpillées au sol portaient des mots lisibles de loin parmi lesquels le public était invité à choisir pour déclencher un programme aléatoire (« Didascalie », « Offrande musicale », Catharsis », « Harmanger »…) : une sorte de prototype archéologique du nuage de tags venu du fond des années ’70. Ce dispositif, cette entrée en matière, le sourire ineffaçable, une présence en légère lévitation invitaient au voyage dans le temps auquel une portion réduite de l’assistance paraissait prête. Flottait comme une atmosphère d’incrédulité interrogative. Le frottement de l’archet à vide figurait pourtant une belle entrée en matière : la naissance de la musique, venue du silence, puis du son, avant de se stabiliser sur une note en haut du manche. De simples arpèges firent tremplin – fort logiquement – pour le début d’une suite de Bach, développée ad lib, agrémentée de quelques citations classiques enrôlées dans une libre divagation. Glissandi, sifflotements auxquels le public, encore timide, était engagé à faire écho pendant qu’Hélène Bass se dirigeait vers la porte, commentant ce chœur du violoncelle avant de revenir pour prolonger une séquence de chocs sur la caisse par des pizzicati égrenés comme le prélèvement d’une partie d’orchestre. Il y eut des passages joués debout, un autre où, s’étant déplacée avec sa chaise, tournant le dos au public, elle joua seule à seul face au Christ en croix au milieu de l’allée ; un autre encore où elle contourna l’autel pour s’isoler dans le chœur et s’abandonner à une méditation musicale qui nous fit nous sentir presque indiscrets. Ida Lupino passa icognito ou presque4. Auparavant, un monologue – « monter…descendre… va-t-il y arriver ?… » – rappelait qu’elle croisa un temps la route de François Tusques, l’auteur de ce monologue. Enfin, après avoir explicité le code couleur des affichettes répandues autour d’elle (vert pour des traditions variées, jaune pour de « mini-morceaux à moi »…), elle tira pour finir un papier de couleur bleue : des compositions. Et s’éleva, improbable, cette merveille d’Anthony Braxton, sa Composition 23C5, sur un tempo plutôt lent. Sur quoi, Hélène Bass se dirigea vers la sortie achever par quelques notes sur le parvis un concert qui, venu d’un autre temps, avait fini par lui donner consistance en nous ramenant, avec une fraîcheur qui pouvait finir par convaincre, à cette attitude simple et dénuée de cynisme : prendre les choses comme elles viennent6.
Folies françaises
Sculpteur du silence à sa manière, qu’il lui assigne un rôle accusant la syncope » (Evidence), ou qu’il en fasse une façon d’assurer une présence autre – par un fameux « trou » qui a gardé son nom –, Monk, sa musique, tenaient pour François Raulin (p) et Richard Bonnet (g) le rôle de l’œuf à repriser . « Reprises » en effet, comme on le dit pour des chansons de préférence à « versions », par lesquelles ce duo du nom de Misterios s’évertue à explorer le répertoire monkien, endroit-envers, jusqu’à ne plus distinguer l’un de l’autre. Contrairement à bien des exercices jazzistiques où le thème une fois exposé n’est plus qu’un cadavre embarrassant, il demeure avec eux la force agissante. Qu’il se livre en morse, par points espacés, au travers d’un subtil jeu de timbres (Monk’s dream) ; que son lyrisme retenu soit contourné (Reflections) ; qu’il rebondisse en changeant de mains, engagé sur des pistes que l’on croit fausses et qui se révèlent sûres (We see) ; en passant par bien des états, des étapes, Monk est toujours là, réglant un jeu de chat et de souris, une partie de colin-maillard ou de baccarat depuis la place du croupier, celui qui donne les jetons, distribue les cartes, et à la fin, quoi qu’il en soit, encaisse les bénéfices. Des duos piano-guitare, il y en eut de fameux ; pour leur troisième concert seulement, Raulin et Bonnet s’inscrivent dans la lignée des plus fantasques, qui ne sont pas les moins savants. Sans rouerie cependant : un pull-over jeté sur le cordier du piano trouve certes son pendant sonore dans les cordes étouffées de la guitare mais surtout comme une justification dans ce geste de Monk de retourner sa chevalière aux fins de brider la tentation virtuose, plutôt : jouer à fond le principe de la variation (We see). Too much monkish, proposition de Raulin, sembla dès lors comme le recul du sculpteur, ce pas en arrière du peintre pour s’assurer des effets produits par leur travail : traversée de citations ou de réminiscences monkiennes, sollicitant les grands moyens des deux musiciens, leur imagination sonore – roulements des deux mains sur le clavier, cliquetis en tapping et sons bâillonnés sur les frettes –, cette pièce dépourvue toutefois d’effets gratuits s’aventura par moments aux confins des royaumes enchantés d’un Ran Blake, ce magicien du montage. En glissant sur les signifiants, l’on passa ensuite d’une cantilène énoncée au piano et dont les résonances furent rehaussées par une ombre d’e-bow en hommage aux longs plans du cinéaste, Mister Ozu, à Mystère au zoo qui, bien sûr, préfigurait Misterioso, venu sur une seule note répétée, s’élargissant, passant d’un instrument à l’autre, se propageant jusqu’à dresser par un étonnant effet de déphasage l’énigme de ses quatre notes comme un menhir dans la brume. On y entendait une sorte de Children’s song inédite. Ces détours ramenant Monk à l’enfance, on y décelait au contraire une voie pénétrante, souterraine mais directe. Retournés à Monk avec Evidence, puis un Four in one plein, rapide et clair, un superbe Ask me now, Raulin et Bonnet conclurent par ce qui sous-tend le jeu à deux : être ensemble, se quitter, se rejoindre, se confondre et repartir chacun de son côté, avec Little Rootie Tootie (en langage solalien encore : Petit rôti).
Atlantide enchantée
La nuit partage avec l’océan sa surface presque plane, sa profondeur illimitée et l’indistinction qui d’abord nous submerge. Nos sens d’abord troublés se réordonnent, l’instinct s’y substitue ; la mémoire. Abandon, confiance. L’océan, la nuit, de ces espaces déroutants, Sophia Domancich (p) a fait ses biotopes. Il n’est pas étonnant qu’avec Simon Goubert (dm), Twofold heads donc, ils se soient laissés tenter par une rencontre avec le cinéma de David Lynch. Plus une rumination qu’un dialogue articulé, une infini ressac. Trois pièces, David et Nino, Stairs et Organum, épousèrent ce mouvement perpétuel par lequel, pris en défaut, le sentiment de la pesanteur et le sens de l’orientation devenus inopérants, on se trouve dépossédé, ballotté. Mais aussi bercé : d’un ostinato de la main gauche, puissant comme un vortex, peut émerger peu à peu, esquissé de la main droite comme une barcarolle. Aux prises avec un double mouvement contradictoire d’aspiration et de surgissement, il n’est plus question de résister. D’autant que de sa grande cymbale cloutée, Goubert lève sur cette masse outremer un vaste firmament étoilé qui invite à se laisser porter, guider à l’instar de nos grands migrateurs nocturnes, confiants dans les constellations. Ce qui se boucle sur soi en des phrases sans ponctuations, creusant sans répit un tunnel sans issue trouve à s’élargir ainsi, révélant comme un envers du monde, insoupçonné, secret et peut-être mieux vivable quand on s’est avisé qu’il fallait abandonner toute idée de retour. La musique opère comme une « ventilation liquidienne » totale et réussie. Le malaise permanent dans lequel nous plonge le cinéma de Lynch, le sentiment de constante oppression qui nous enserre, se trouvent renversés par cette technique contre-intuitive7 qui nous métamorphose en poissons, aide à retrouver l’aisance respiratoire dans un milieu autre. Milieu qui peut être aussi bien la nuit, dans laquelle on s’est accoutumé à mesurer ses pas et qu’aveugle, d’autres sens se substituent à la vue. La sensation du temps s’en trouve métamorphosée, les pauses patientes n’en sont plus, en attente d’un événement. La durée est substance. Dans Organum, le miracle est tel que, débutée au charley sur une figure absolument identifiée au jazz, les unissons, de roulements en rebonds, par leur perfection sonore globale, enjambent cette référence au genre pour la transporter dans un dehors ouvert où la musique s’accomplit sans plus d’attache. C’en sera tout du long de la sorte : déjouant les oppositions de la surface et de la profondeur, du statisme et du dynamique, la musique imperceptiblement oscille, portée par un ample, lent et perpétuel soulèvement.
Équivoques cartographiques
Le jour succédant à la nuit, c’est à l’église que l’on retrouva Richard Bonnet (g), seul, le lendemain. Et ce fut bien le jour et la nuit. Une mélodie « folk » pour entrée en matière, énoncée clairement en single notes indiqua une direction, celle qu’à la fourche Bonnet ne prit pas. S’égouttant plutôt après de longs roulements orageux dans une bruine d’harmoniques, une pause subite se transforma en un silence définitif accueilli avec un rien d’incrédulité. Le chemin choisi serait le plus escarpé.
Une troisième pièce ferait se succéder sans liens apparents de nouveaux roulements aux couleurs de flamenco, des frottements sur la caisse de son magnifique instrument à sept cordes qu’il cira ensuite du pouce avant de lui chatouiller – grattouiller ? – les entrailles, d’entreprendre une séance de tapping des deux mains avant d’extraire les interrogations de notes s’extrayant sans peine d’accords hachés, comme tout ébaubies, surprises de se trouver libérées au grand air. Une course de désorientation dans laquelle le partenaire exemplaire de François Raulin livré à lui-même paraissait lutter avec son ombre, le démon de la virtuosité. Au cœur de l’hiver ramena un peu de vraie fraîcheur, avec un peu de simplicité. En mathématique, on dit « élégantes » les solutions les plus directes. À des insistances de bélier à se sentir devenir chèvre, suivies d’amples divagations d’un caractère si retors que l’on se sentait trop peu guitariste pour en apprécier le détail faute d’en comprendre le sens, succéda une mélodie, lustrale, un thème, une « petite phrase », comme cette « passante (…) aperçue un moment vient (…) faire entrer l’image d’une beauté nouvelle qui donne à sa propre sensibilité une valeur plus grande »8. Mais, plus chanceux que le sujet proustien, cette passante que l’on a aimée comme lui dès la première vision, que nous revoyions, avec une émotion inchangée, auréolée de ces « voluptés particulières », toujours unique, drapée dans le mystère de la simplicité, nous en connaissons le nom : c’est Ida Lupino. Elle se tenait là, à la fourche indiquant le chemin délaissé, trop spectrale sans doute pour lui prêter attention.
Folklore panoptique
À l’inverse, si le quartet des Bedmakers embarque le fleuve folklorique, c’est sans quitter des yeux les rives de son lit principal qu’il musarde au fil de l’eau, s’aventure sur les bras morts, se faufile entre des îlots innommés, lézarde, remonte un instant à contre-courant pour se laisser reprendre et toucher au but en temps et en heure. La veine populaire semble un filon inépuisable. Dégagée en douceur par Robin Fincker (ts, cl), de sa clarinette fouineuse, l’excitation monte progressivement à l’approche du cœur. Radioactif, il pulse, au travers des couches traversées, du jazz déporté, une esquisse de funk, des effluves de pub irlandais, de grange du middle-west, un va-et-vient continu auquel le violon de Mathieu Werchowski (v) sert de conducteur, puise, verse et reverse des énergies venues de partout et parvient à les unifier avec un brio communicatif. Une introduction de violon, des phrases courtes du ténor espacées d’une profonde respiration dans lesquelles une mélodie d’abord à peine esquissée prend forme, s’élevant par orbes successives, et, par un dialogue informel, s’installe une tournerie qui ramène un vieil air oublié et avec lui les souvenirs de bals endiablés. Le violon se montre décisif dans le déploiement de cet imaginaire, mais la contrebasse ne jalonne pas moins un espace virtuellement ouvert à tous vents mais qui se reconfigure en permanence. Ensemble, Fabien Duscombs (dm) et Dave Kane (b) assurent un ancrage solide à des climats changeants. Des cheminées de créent, des aspirations, des dépressions par lesquelles on passe insensiblement d’un paysage à un autre, les survolant de haut, s’y laissant tomber à la manière d’un faucon, ou en tourbillonnant. Fincker empâte ses couleurs ou les allège, passant de la truelle à l’aquarelle, le violon de Werchowski chante, danse ou s’emballe, creuse obstinément son sillon, il est un peu dans Bedmakers ce qu’était Michel Samson9 aux côtés d’Albert Ayler. Il fut d’ailleurs une pièce qui, sur un tempo de marche, sonnait comme une évocation lointaine de celui pour qui la mélodie populaire sous toutes ses formes resta le cœur battant de sa musique.
Avec Le jardin des amours, ses accords tendrement balayés sur les cordes de la contrebasse, puis Death and the Lady pour laisser à la fin s’épandre la fertilité de cette veine, un bis réclamé à grands cris retraversa le temps pour nous ramener avec un reel mâtiné de funk aux rives du présent, la boucle était bouclée, nous pouvions débarquer à quai, chancelants, ivres, prêts à nous coucher dans ce lit si bien apprêté par les Bedmakers.
Philippe Alen
1« Le jazz classique m’a vite fatigué, de même que les manœuvres des musiques commerciales, le sectarisme de la musique contemporaine, l’intolérance de la musique improvisée, l’exotisme des musiques world, les yeux bleus des chanteurs folk… Pourtant j’aime toutes ces musiques, quand elles sont jouées par des musiciens engagés. » (Entretien sur Citizenjazz : https://www.citizenjazz.com/The-Man-They-Call-Ass-3470553.html)
2Ibid.
3Comme le fit un jour Monk, dévalant la 5e avenue au volant de la Bentley de la baronne, André Hodeir terrorisé enfoncé dans la banquette arrière (et rapporteur de cette anecdote).
4La composition de Carla Bley.
5Dans New York Fall ‘74. Une pièce d’allure bop reconfigurée par le staccato idiosyncrasique de Braxton.
6N’a-t-elle pas confié, au terme d’une journée portes-ouvertes comme sur son musée imaginaire : « Ce soir sculpture du silence par le violoncelle qui vit avec moi. » (Dans son blog : https://helenecello.tumblr.com/
7Et l’on pense ici à un tout autre cinéaste, James Cameron, et au monde sous-marin d’Abyss, inverse et ectoplasmique. Mais sage.
8Marcel Proust, Du côté de chez Swann, « Un amour de Swann », (coll. Bouquins, p. 184).
9Le « Michael Sampson » des notes de pochette d’alors.