par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat

Arcachon, samedi 10 décembre 2022.

Troisième et dernier jour pour ce premier Arcachon Jazz Festival toujours sur la formule deux concerts, le premier sous forme de cabaret, le second dans la grande salle. Jusqu’à présent si la programmation a été classique pour les premières parties, elle a été plus diverse pour les grands concerts, l’électro soul de Manu Katché, puis le swing encuivré du Swing Bones & Nicolas Gardel. Ce soir ne va pas déroger.

The Blinkers

Déjà nos habitudes dans ce cabaret « Arlequin » installé au cœur de l’Olympia d’Arcachon, petite restauration, vins, champagne si on le souhaite , l’endroit est agréable et avec la scène aménagée la musique y a parfaitement sa place. Un trio ce soir va la prendre, the Blinkers, « jazz for fun and dance » annonce le programme. Au chant et au saxophone ténor Matthieu Allemandou, à la batterie Jean-Denis Rivaleau, Thierry Ollé à l’orgue. Trio parfaitement rodé, reprenant et surtout arrangeant à sa sauce des standards de jazz mais aussi de pop. La couleur est donnée par l’orgue numérique mais programmée Hammond, le sax ténor complémentaire rappellant souvent le jazz boogaloo d’une certaine époque. Petit clin d’œil aux jours qui approchent avec « White Christmas » dans une version plus du tout mièvre comme l’originale ! Ca swingue. Citons aussi un virevoltant « Night Train », un joli « Work Song » avec une pensée à Nougaro de la part de ces musiciens venus de Toulouse. Le type même de musique de qualité qui convient à ces moments de convivialité, autour d’un verre, entre amis, sans façon pour un plaisir simple et immédiat. Très bonne formule correspondant bien au type de public attendu à ce festival, les secondes parties lui permettant, elles, des découvertes. Bonne humeur sur la scène bien animée par un Matthieu Allemandou en verve. Petit quizz pour terminer avec des reprises des Stones (Satisfaction), de U2 (I still haven’t found what i’m looking for) et des Beatles (Can’t buy me love).

Bridget Bazile

Le jazz c’est de l’histoire, sa genèse, ce melting-pot entre ces Européens partis vivre l’aventure en Amérique, leurs pauvres victimes venues elles, sans en avoir le choix, d’Afrique, les populations locales et leur traditions, Dieu venant se mêler de tout cela : les Spirituals, le Gospel, nous y voilà plongés ce soir. Pas en n’importe quelle compagnie, avec la grande chanteuse venue de New Orleans, Bridget Bazile. Chanteuse lyrique elle a de part sa culture baigné dans les chants transmis oralement par ses lointains ancêtres esclaves. Une voix incroyable, une présence étonnante et très sympathique que je retrouvais avec plaisir, ayant déjà eu la chance de la voir en concert il y a trois ans. C’est ainsi que c’est avec un plaisir partagé que j’ai regardé autour de moi le public découvrir et savourer goulument cette artiste ; je pense que pas grand monde ne s’attendait à ça : une voix d’opéra au service de ces titres chargés d’histoires, évoquant la liberté, ou souvent son absence, l’espoir de la retrouver, l’amour d’un Dieu qui pourtant a laissé faire ces choses. Spirituals et Gospel avec « Joshua feet the battle of Jericho », « The Battle Hymn of the Republic » au refrain bien connu Glory, Glory, Allelujah , « Trouble so hard » (que Moby a rendu célèbre), « Down by the Riverside »… Bridget n’est pas seule, parfois en duo avec Vincent Balse au piano qui est aussi concertiste, souvent soutenue par ses choristes, Kiane Davis et Sabine Kouli complétées par la bordelaise Thalie Bernard, accompagnée par ses musiciens, Rémi Balse à la guitare, Stéphanie Guilbert à la basse avec Olivier Léani à la batterie qu’on est heureux de retrouver dans cette équipe ce soir. De la soul music aussi avec une version magnifique de « A Change is gonna come » de Sam Cooke, un intermède en français avec deux chansons de Josephine Baker – Bridget en prend la voix, très haut – bien sûr « J’ai deux amours » et l’émouvant « Dans mon village ».

Mais je sais ce qu’il va se passer, je sais qu’on ne va pas rester longtemps ainsi assis à se régaler de ce que l’on entend, Bridget ne nous a-t-elle pas dit il y a peu a change is gonna come ? « Rejoice ! », réjouissez-vous, réjouissons-nous, la mèche est allumée avec cette invective, l’orchestre et les choristes donnent à plein, Bridget prend les commande. Debout tout le monde, on tape des mains, on danse, on chante, les femmes comme ci, les hommes comme ça, chacun son tour ; ça part timidement comme d’habitude et ça finit par exploser. L’Olympia en en fièvre, Bridget rejoint le public, tend son micro, une vraie tornade en robe satinée qui traverse la foule, intense. Ca n’en finit plus, personne ne le souhaite et d’ailleurs ça enchaîne sur l’inévitable « Oh happy Day », obligatoire !

Rappel bien sûr, Bridget et son équipe rebondissent sur l’air des lampions leur demandant de revenir « Oh oh oh oh oh ! » tout le monde chante, eux, nous, mais voilà le prévisible et attendu de beaucoup « When the Saints go marchin’ in », la grande prêtresse a encore une fois réussi son coup, faire chavirer la salle, pourtant ça ne paraissait pas gagné d’avance, chapeau !

Et voilà la première édition du Arcachon Jazz Festival organisé par la Ville d’Arcachon en collaboration avec Guillaume Nouaux s’achève. Un vrai succès avec une fréquentation bien au delà des prévisions. On est d’accord donc, en 2023 vous remettez ça !

PS : à la suite du concert nous avons avec Philippe Marzat retrouvé Bridget ; il tenait à lui remettre un exemplaire du livre des photographes bordelais de Bluebox, dans lequel une photo d’elle dont il est l’auteur figure en bonne place. C’était au Southtown Jazz festival de Soustons en 2019 ; un grand souvenir avec cette grande dame, si simple.

Galerie photos

The Blinkers

Bridget Bazile