Brèves de deux premiers albums de formations émergentes du Pays Basque et Sud Aquitain
par Patrick-Astrid Defossez
Lufti Jaktar – Sixth Trio
– album en auto-production – lutfijakfar@gmail.com
Jorge Fernandez piano
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Juanma Dominguez contrebasse
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Lutfi Jaktar batterie
Poser les premières pierres d’une formation aussi difficile que celles du trio de jazz est téméraire tant les tentations à la comparaison sont nombreuses. Mais que nenni, avançons.
Cet album flirte avec le jazz nordique d’aujourd’hui (surtout en début d’album) tout en laissant percer des nuages mémoriels de beaux ciels bleus de trio’s devenus aujourd’hui des références classiques et incontournables (surtout dans la seconde partie de l’album).
Les compositions sont intéressantes mais ne se déploient que peu en terme discursif.
Lutfi Jaktar s’est fait une réputation de batteur-plume. Ses « poétiques des à peines au présent » lui confère un jeu subtil tout en apaisement, point ici de démonstration de batteur-héros mais davantage la présence d’un batteur-héron posant ses plumes-rythmies sur la douceur des possibles.
Le contrebassiste assure bien la squelitisation de l’ensemble.
Le pianiste oscille entre la sobriété de certains pianistes scandinaves et couleurs de pianistes tels que Jarrett et Evans … d’ailleurs, certaines plages de l’album sont éloquentes à ce propos, de quasi a tribute to.
Gageons que ce nouveau Sixth Trio puisse dans l’avenir se distinguer dans des recherches compositionnelles plus approfondies, dans des audaces plus affirmées, en tout ce qui confirmera à ce un trio la stature dont il a besoin.
Il est étonnant que la pochette ne mentionne pas totalement le/la/les compositeur-trice-s (hormis deux plages de Satie et Toninho Horta) … de qui sont donc les autres compositions ?
L’expression habituelle « voir au dos de la pochette » est ici bousculée par la photographe Sandrine Agosti qui nous propose un dos en guise de couverture principale, est-ce la rose des dos-nisme(s) ?
Un album plein de mystères donc, à découvrir.
Thomas Moreau « Sus thèmes à plaisir de gorge »
Le Plisson quatuor vocal
album en auto-production
Mais en quoi cet album est djazz me direz-vous tant il est constitutif de l’heureuse rencontre de musiques vocales Renaissance d’aujourd’hui, compositions de Thomas Moreau et de textes grivois et/ou suggestifs tel Joachim du Bellay, … ?
Rappelons-nous que le terme même de Jazz avait, pour l’une de ses acceptions, une connotation franchement sexuelle, et lorsque nous ouïssons deux si deux la, au fil de l’album, des «… grande motte… », je ne peux que djazzer à cette idée, que m’en ré-j-ouïr.
Dans cette album donc, on se marre, on grivoise, on s’amuse de ces textes, de l’imagination fertile (au sens insémination du terme) qu’eurent tous ces auteurs (tiens y a-t-il des autrices ?? Allez zou, une idée pour votre prochain album) tel Roland de Lassus qui mariait avec aisance Messes et chansons grivoises, à boire.
Cette nouvelle formation vocale devra à l’avenir trouver son équilibre et unicité timbrale entre les voix car dans cet opus, celles-ci se singularisent trop, chacun son timbre propre (avec des vibratis dinstincts, etc), ce qui nuit à notre sens à la cohésion coloriste et sonore de l’ensemble.
Notez que nous nous sommes dit : voilà un album bio, sans chichi, sans doute un peu comme les formations s’élaboraient jadis avec ce que l’on pourrait qualifier aujourd’hui de « faire avec le circuit court, du local ».
Un élément bouscule nos connaissances : en ces temps médiévaux, y avait-il expressément une absence d’expressivité ? Notre question est donc : pourquoi un tel « manque » de nuances dans l’interprétation des morceaux ? Pourtant ces textes grivois devraient chauffer au rouge la libido des chanteur-euse-s de cet ensemble vouablement de bouches ?
D’autre part, la stylistique impose-t-elle des tonalités et tempi quasi identiques tout au long de cet opus? Nous nous le demandons.
Du point de vue technique d’enregistrement, bien que l’idée de captation microphonique individualisée (un micro individuel pour chaque chanteur-euse) soit intéressante, il manque une « représentation » sonique d’ensemble qui spatialiserait le tout, lui donnerait de l’ampleur, de la dimension, de l’overhead dit-on dans le jargon.
Un premier et unique album pour cette formation? Non bien entendu !! Certes elle se cherche encore mais gageons que les temps à venir permette à cette formation vocale originale et son compositeur, de nous ré-jouir à nouveau à gorges déployées.
Un album à découvrir donc et « … Longue vie et musique à toutes et tous ! … » dit le compositeur Thomes Moreau, écoutons-le.