Un très bel hommage à Michel Legrand par Jacques Pailhès
par Philippe Desmond
Théâtre du Pont Tournant, Bordeaux le 17 décembre 2022.
En juin 2019, six mois après la disparition en janvier de Michel Legrand, était né un spectacle rendant hommage à son œuvre gigantesque. C’est Jacques Pailhès qui avait collaboré longtemps avec lui comme pianiste et assistant qui avait eu cette idée. Il avait côtoyé Michel Legrand au plus près, voyant naître ses musiques, l’assistant dans la mise en place avec des orchestres, sur scène ou en studio. Il avait donc toute légitimité et crédibilité pour se lancer dans ce projet. J’avais pu assister à ce qui alors n’était qu’une ébauche de ce qu’est devenu ce spectacle maintenant. Un article avait été publié dans ce blog à l’époque.
De trois sur scène ils sont passés à cinq. Jacques Pailhès est au piano et à la narration, truffant ses interventions avec des anecdotes dont certaines croustillantes. Michel Mondou est toujours là excellant à une guirlande d’instruments, sax ténor, sax alto, flûte, accordina, accordéon ! Roland Jullin apporte désormais la touche rythmique à la contrebasse. Un nouveau narrateur est là, Francis Puyguiraud, esquissant de temps en temps des pas de danse avec la divine Estelle Danière au chant. Elle a été la dernière meneuse de revue des Folies Bergères avant que cette institution parisienne ne ferme et dont Jacques Pailhès était le chef d’orchestre. Une belle troupe donc au service du Maestro Legrand.
Le spectacle est bâti autour de son œuvre, d’abord les comédies musicales, les Demoiselles de Rochefort, les Parapluies de Cherbourg, Peau d’Âne et sa fameuse recette ; de nombreux extraits sont joués et commentés. Ces mélodies font partie du patrimoine musical français.
La période jazz est évoquée, Michel Legrand découvrant vraiment cette musique à 16 ans lors d’un concert de Dizzy Gillespie à Paris ; ainsi voilà « A Night in Tunisia » que le trio emballe. On évoque les deux disques qui ont assis la position de Michel Legrand dans le jazz « Jazz in Paris » (8 millions d’exemplaires vendus!) et surtout « Legrand Jazz » en 1959 avec entre autres Miles Davis, John Coltrane, Bill Evans, Herbie Mann, Phil Woods, Art Farmer, Donald Byrd, Ben Webster !!!!. Tout cela illustré de musique bien sûr.
Les portes du cinéma qui s’ouvrent, 250 BO de films ! Trois Oscar ! Les voilà remémorés en musique.
On a oublié que Legrand avait composé pour Claude Nougaro, des thèmes intemporels, « Les Don Juan », « Splaouch » « Le Cinéma » dont la troupe nous offre une belle adaptation. Legrand a composé et écrit des chansons pour lui même, au total une œuvre monumentale. Personnage un peu ombrageux, plus qu’exigeant avec les musiciens nous précise Jacques, toujours à la recherche de la perfection.
Sur scène tout cela donne un spectacle vivant, varié, amusant parfois, émouvant souvent. Musicalement tout est en place, Jacques, un peu dans le rôle de son maître, dirigeant tout cela avec talent. Estelle Danière apporte une touche incontestable de grâce, souvent touchante au chant et bougeant à merveille.
Que de changements depuis 2019, ce spectacle de deux heures est arrivé à maturité, magnifique, il ne demande qu’à être joué, tous les publics peuvent y trouver leur compte grâce à cette musique universelle de Michel Legrand.
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