par Vince, photos David Bert

Rocher de Palmer Cenon – 3 février 2020

Amber Navran, voix, saxophone ténor, flûte, basse synthé

Andris Mattson, trompette, bugle, claviers, basse synthé, guitare

Max Bryk, saxophone alto, clarinette, claviers,

Moonchild ! Oui, le groupe californien et non pas l’album de John Zorn cher amis jazzeux, celui sous-titré Songs without Words (Dom Imonk, c’est pour toi !)

Moonchild est un étonnant trio originaire de Los Angeles qui fait de jolies chansons, avec des mots donc, et des mélodies très gourmandes, réussissant une fusion rafraîchissante entre R’n’B, électro-jazz et soul. Sans excès, tout en musicale subtilité, le groupe fondateur accompagné ce soir d’un batteur se présente à Bordeaux pour la première fois de son histoire.

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Leur tournée européenne ne comporte qu’une douzaine de dates (Pays-bas, Allemagne, Autriche, UK, Italie) dont la maroquinerie le 15 février à Paris et Le Rocher de Palmer ce 3 février. Waouh ; la chance !

Sur scène, le trio accomplit un travail d’orfèvre toujours très inspiré, avec des rythmiques souvent à contre-temps, et des textures sonores synthétiques très riches auxquelles se mêlent harmonieusement les touches acoustiques très jazzy ; ce cocktail peut donc séduire autant les amateurs de musique électronique que les aficionados d’un jazz plus « tradi ». Pas étonnant en fait ! Ce mini band fichtrement doué (Amber Navran chanteuse instrumentiste, Max Bryk et Andris Mattsons) s’est formé sur les bancs de l’Université de Californie du Sud, alors que ces membres y étudiaient le jazz.

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Les arrangements y sont subtils, discrets et servent d’écrin à la voix douce et feutrée de la chanteuse (et instrumentiste) Amber Navran qui saupoudre les mélodies de son flot Nu Soul très singulier. Il s’en dégage une ambiance élégante et feutrée, puisée aux racines du jazz, mais qui va aussi trouver son inspiration dans d’autres styles. L’affection du groupe pour les bruits et les sonorités électroniques, utilisées sans excès, donnent de la chaleur et de la modernité à l’ensemble. L’influence hip hop est également présente, se traduisant par des cuts subtils et discrets qui parsèment les morceaux.

L’époque est aux mélanges sans aucun doute, alors, cataloguer la musique de Moonchild serait vraiment réducteur et prétentieux. Pour que nos lecteurs s’approprient mieux l’ambiance on peut évoquer les influences du groupe ou encore ce que leur musique peut nous évoquer.

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Pour la voix, Gretchen Parlato, californienne elle-aussi, dont le grain chaud et légèrement voilé emprunte la même diction à couper le souffle, tant les phrasés sont déstructurés. Ou encore le timbre suavement grainé d’Erikha Badu, dans un registre plus new-soul qui se rapproche aussi de certains titres de Moonchild. The Seshen, pour ses ambiances hip hop et électro semble également se retrouver dans ce melting pot musical.

Pour l’ambiance, pas de doute… Nous l’évoquions avec les « AJités » Dom Imonk et Le Desmond (de minuit), présents ce lundi soit au Rocher, Moonchild reste fidèle à cette esthétique lounge californienne qui semble éternellement marquée par la coolitude jazzy détachée de Michael Franks. Ajoutez à cela les sonorités ouatées de Rhodes, de Moog et autres synthés, des pastilles de cuivres et de flutes toutes en rondeur, et vous plongez dans un océan musical, délicieusement sucré, celui de Moonchild.

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Ah, « le Pacifique, ce n’est pas le bassin d’Arcachon », comme dit MaÎtre Imonk !

Manifestement nourris par plusieurs styles ayant pour point commun le groove, la musique du trio californien s’inspire de… et séduit à son tour, des artistes comme Stevie Wonder, Robert Glasper, Jill Scott, Jose James, Robert Glasper, D’Angelo, The Internet ou encore Kamasi Washington.

Bluffant sur scène, le trio et leur excellent batteur (dont je n’ai pas trouvé le nom, désolé) dévoile leur talent de multi-instrumentistes. A l’écoute des albums « Be Free », « Please Rewind », « Voyager » et plus récemment « Little Ghost » on ne peut pas s’imaginer comment l’alchimie fonctionne en vrai, tant les artifices de la production et du mixage peuvent leurrer nos oreilles.

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Mais en « live », pas de triche ! Certes, des boucles et surtout les backing vocals sont « en boite », ce qui à mon goût réduit un peu les possibilités de performances dont ils sont capables. Mais quand ils enfourchent tour à tour sax, flûte, clarinette, bugle, guitare… en plus de toute la machinerie électronique, c’est tout bonnement jubilatoire et ça joue grave !

Démarrant avec 4 titres de leur dernier CD « Little Ghost » (Wise women, Too much to ask, Money, Everything I need), le groupe pose l’ambiance. Très cool, très chaud, très groove à la fois. Michael Franks, sort de ces corps ! Les dialogues guitare batterie, bugle flûte, égrainés subtilement donnent ce ton jazzy et ce naturel incapable à reproduire en studio.

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A l’heure de la musique numérique « All in the box », c’est là sur la scène, encore une fois, que les vrais artistes se révèlent.

Le morceau « Cure », un des tubes de l’album « Voyager » (2017) permet d’apprécier la technique vocale d’Amber. Cela parait si simple, à peine susurré, alors qu’il est déconseillé de le refaire à la maison. Vous risquez l’asphyxie ! Le phrasé est incroyablement complexe et certainement épuisant ! Chapeau Madame. Avant d’entamer la ballade « the over side » reposant sur un très épuré duo guitare piano, le trio balance le récent et groovy « Get to know it ».

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Déjà 30 minutes se sont écoulées. Les morceaux s’enchainent. (Come over, Whistling, Runaway, Still Wonder, What you’re doing).

Le dernier titre du set, « the list » nous renvoie à l’album Voyager, à mon goût le plus « Moonchild » de tout Moonchild (mon préféré donc !).

En rappel, « Truth », version longue, n’est pas sans rappeler cet autre groupe US, alchimiste du moment, Snarky Puppy, en moins exubérant certes.

Restant sur ma faim, après une heure de concert… la lumière se rallume. J’aurais bien aimé, que M. Cadburry le fasse un peu plus long ce concert. Mais le trio n’est pas avare de sa présence et passe presqu’autant de temps à faire des selfies et des dédicaces au pied de la scène après le show.

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Moonchild, c’est la petite touche cool (les d’jeuns disent « chill »), un brin hippypeace et biolounge qui manquait à votre discothèque et qui vous fera sans conteste le plus grand bien au cœur de l’hiver.

Si comme moi vous avez aimé ce concert ou si vous souhaitez découvrir (ce qui est le but de mes modestes kroniks), allez voir et/ou revoir, les vidéos pléthoriques sur votre plateforme préférée. Vous pourrez y apprécier les vidéos aux ambiances cartoon très colorées qui accompagnent les notes.

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Mais où avais je le stylo ? Il y avait aussi une très intéressante première partie brillamment exécutée par le trio français J-Silk formé d’une chanteuse guitariste, d’une basse et d’une batterie. Dans l’esprit de la soirée, leur électro-soul-pop un brin jazzy fait d’effets et de boucles électroniques surfe sur les sonorités du moment. Les 7 titres, interprétés essentiellement en anglais furent pour le public attentif (et moi), une bien belle découverte.

Les deux sets ont fait de cette soirée une des dates remarquables de ce début 2020 au Rocher.

Moonchild Set list :

  • Wise women
  • Too much to ask
  • Money
  • Everything I need
  • Cure
  • Get to know it
  • The over side 
  • Come over
  • Whistling
  • Runaway
  • Still Wonder
  • What you’re doing
  • The list
  • Rappel :Truth

 

Carte AJ