Par Dom Imonk – Textes et photos

Nous savons déjà que depuis plusieurs années, les portes de l’Entre-deux-Mers ne sont plus une terre promise pour le jazz, mais bien un territoire vaillamment acquis à sa cause, par une poignée de femmes et d’hommes, organisateurs et bénévoles passionnés, qui ont su construire à deux pas de Bordeaux, en liaison avec diverses communes, un univers propice à l’expression sans presque de limite de toutes les facettes de la note bleue. Cénac en est l’un des principaux lieux actifs, adorable cité, si fertile en évènements jazz, grâce à l’association Jazz360 qui y siège, et où vivent quelques-uns de ses membres. Pour  s’y rendre, c’est facile et toujours un plaisir de traverser la Garonne. Pour cela, n’ayez pas peur frileux bordelais, nul besoin de venir à la nage ou en barque,  il y a des ponts ! Et certains de ceux qui se prénomment « Jésus » pourraient même marcher sur l’eau, à ce que disent quelques livres anciens, mais prudence, n’essayez pas trop quand même !  Dès le matin de ce doux samedi, l’association avait réuni ses membres, lors de son assemblée générale annuelle à la Salle Culturelle de Cénac.

Laurent Vanhée, nouveau président de Jazz360.

Parmi les grandes décisions prises, c’est Laurent Vanhée qui succède à Richard Raducanu à la présidence, ce dernier en demeurant vice-président. L’occasion de saluer le riche travail accompli lui, et de chaleureusement l’en remercier, mais aussi celle de féliciter le nouveau président, excellent contrebassiste de son état, à qui incombait la charge sympathique de présenter le soir même dans la même salle, le concert des Robin & The Woods, qui avaient remporté en 2018 le Grand Prix Action Jazz Nouvelle-Aquitaine, ainsi que le Prix FIP Radio. Une programmation qui prouve une nouvelle fois l’engagement fort de Jazz360 pour les musiciens de la nouvelle génération, et ce, sans limite dans le temps.

Ce groupe n’est pas tout à fait inconnu ici car, en formule « Robin & The Woods duo », Robin Jolivet (guitare, compositions),

Robin Jolivet.

et Jérôme Mascotto (saxophone ténor, compositions) s’étaient déjà produits aux Acacias lors du festival Jazz360 édition 2018. Ce soir l’équipe au grand complet, avec aussi Alexandre Aguilera (flûtes), Alexis Cadeillan (basse électrique) et Nicolas Girardi (batterie), va offrir à un public fidèle venu en nombre, deux sets d’une musique riche, dense, généreuse et aventureuse, qui  de concert en concert se bonifie comme les grands vins, dans le sens de petits détails nouveaux indéfinissables que l’on découvre à chaque fois, mais ne se repose jamais sur ses lauriers, restant comme en alerte électrique, en préférant de loin l’insatisfaction constructive, à l’autosatisfaction bedonnante.

Alexandre Aguilera et Jérôme Mascotto.

« Dark Water Falls », ambitieux morceau titre de leur premier EP sorti il y a un an, a ouvert les portes de leur univers frémissant, qui nous est certes devenu familier, mais qui comme toute forêt imaginaire, réserve toujours, suivant les saisons, la surprise d’essences rares, au détour curieux de quelque futaie ou clairière. Ambiance muticlimatique donc, dès ce premier thème signé Robin Jolivet, où des dés progressifs sont une nouvelle fois jetés sur le tapis de jeu du moderne, chacun prenant sa part dans l’onirisme très particulier qui instantanément s’en dégage.

Alexis Cadeillan.

On retrouve la fureur maîtrisée et coloriste des flows rock/prog des années 70, avec les chorus magnifiquement développés de guitare,  qui se bousculent avec ceux tout aussi enjoués des « bois », des phrases lumineuses de flûtes qui s’envolent on ne sait autour de quel arbre magique, manière de le protéger peut-être, au souffle solaire du saxophone, dont on imagine que les impulsions un soupçon militantes, voudraient  bien déjouer les reflets prétentieux des gratte-ciels financiers.

Jérôme Mascotto et Nicolas Girardi.

Pour asseoir ces trois romantiques cavaliers, on reste toujours impressionné par la précision et la puissance à peine domptée du pacte rythmique, entre souplesse et groove dynamique d’une basse à l’élégante et sobre éloquence, et la force persuasive d’une batterie aux multiples facettes, qui l’air de rien nous assujettit avec grâce à ses myriades d’impacts, dont la plupart décisifs, formant d’irrésistibles flux vibrants.

Nicolas Girardi.

D’autres morceaux n’ont pas laissé le public indifférent, comme les parties 1 et 2 de « Fractales », où il est question de la « fabrique du trouble », imposante composition en cinq parties de Jérôme Mascotto, lourdement chargée de sens, comme il nous l’expliquera, dont la partie 5 « mécanique de l’oubli » nous sera proposée lors du deuxième set. Nous avons beaucoup aimé « Fire », un nouveau thème, dont le titre indique l’engagement écologique réel du groupe, les incendies dévastent la Planète en toute impunité pour les vrais coupables, très fort en signification comme « Eyjafjallajökull » signé Jérôme Mascotto, qui en plusieurs actes raconte l’histoire du tristement célèbre volcan islandais, que l’auteur nomme avec un humour acide « anticapitaliste », vu qu’il a un temps bloqué les vols des jets commerciaux transportant les business men. Incroyable musique pamphlétaire, sur fond de rock free d’abord, puis laissant peu à peu place à un apaisement éthéré en murmures de guitare cristalline. Entre temps, nous avions pu nous régaler de « Collapse », tout premier morceau du groupe, une fort plaisante balade de Robin Jolivet, en fin de premier set.  C’est lui qui signera  tous les autres thèmes dont « Helltrain » qui a ouvert la deuxième partie de soirée, « Celloman », drôle d’histoire dédiée avec humour à un professeur de violon qui mourrait de chaleur en plein cour et enfin en rappel « Moonfall », morceau titre du prochain album en préparation, très énergique et lézardé d’un gros break free, un vrai bonheur.

Au final un superbe concert très applaudi, et une soirée que nous ne regrettons pas d’avoir vécue, en la fort bonne compagnie d’amis et de proches de certains musiciens, saluons au passage Ann Piveteau (gérante de la très active Gare de Lamothe-Landerron « Sans crier Gare » où fut enregistré le premier EP de Robin & The Woods) et sa famille, le guitariste Eddie Dhaini et Patrick Étienne. Comme d’habitude, Jazz360 avait invité un partenaire viticulteur qui ce soir-là était Olivier Reumaux du Château Le Parvis de Dom Tapiau à Camblanes-et-Meynac . A ces doux breuvages, les petites assiettes préparées avec amour par les bénévoles de l’association ont ravi les palais des nombreux gourmands !

Sachez que si vous voulez revivre ces beaux moments, l’excellent reportage photo du photographe maison Christian Coulais est consultable sur son site.

Signalons enfin que Robin & The Woods fait partie du collectif Hello Buddy ! qui compte aussi dans ses rangs les groupes Yoshiwara, Capucine, VEGA Quintet et Ostende, groupes auxquels nous resterons très attentifs, de même qu’à Aurora 4tet, toute nouvelle formation de Nicolas Girardi, qui a récemment décroché le prix de la note bleue au Tremplin Action Jazz 2020 !

Pour la sortie de son nouvel album « Moon Fall », Robin & The Woods fait appel à votre générosité pour participer au crowdfunding qu’il a lancé via Helloasso. Alors n’hésitez surtout pas à les aider, c’est une belle action ! Enfin, retrouvez-les en concert le 20/02/2020 au Théâtre l’Inox à Bordeaux, à l’occasion de la soirée « Diluviennes # 2 » du collectif Déluge.

Et puis suivez sur les réseaux sociaux et sur leurs sites l’actualité de l’association JAZZ360, ainsi que celle d’Action Jazz, deux associations amies dont vous pouvez devenir adhérents en vous inscrivant sur leurs sites respectifs. Ça les aidera beaucoup aussi et leur permettra de poursuivre leurs actions ! Sincèrement merci pour tout ce que vous pourrez faire !

Et un grand merci final à toute l’équipe de Jazz 360 et à Robin & The Woods !

Jazz360

Action Jazz

Robin and The Woods

Collecte helloasso pour l’album Moonfall

Reportage photo de Christian Coulais

Hello Buddy !