par Philippe Desmond, photos Philippe Marzat.
Le Caillou, Bordeaux le 30 août 2018.
Tom Ibarra et son groupe viennent de vivre un été très riche en concerts. Une dizaine de pays parcourus en Europe, des festivals prestigieux, à Stuttgart, Tbilisi, Pérouse, San Sebastian… plus près d’ici Saint Emilion, Andernos. Fruits récoltés du travail du groupe, de son dernier magnifique album « Sparkling » et de sa victoire fin 2017 au premier Rising Stars Jazz Award. Des salles pleines, la foule parfois, le succès toujours, des concerts en vedette, des premières parties prestigieuses, de Courtney Pine, de Marcus Miller… De quoi bien tourner la tête à ce jeune homme. Sauf que sa tête il l’a bien sur les épaules et au delà de son talent certain, il aborde sa carrière avec le plus grand sérieux. Depuis deux ans au Centre des Musiques Didier Lockwood il y a peaufiné sa technique et l’art des compositions. La disparition du musicien l’a évidemment beaucoup touché car ce dernier l’avait un peu pris sous son aile après l’avoir remarqué il y a déjà quelques années. Le genre d’événement qui endurcit pour affronter le difficile métier de musicien de jazz.
Et un métier ça s’apprend, de la technique à maîtriser, des gestes à faire et refaire, de la réflexion, du mental, de l’émotion à mettre dans tout cela. C’est ainsi que Tom a décidé au début de l »année de se « mettre en danger » tous les mois en duo, avec un invité différent à chaque fois. Fini le quintet puissant et énergique du Tom Ibarra Group, terminé le gros son jazz-funk du band, place à l’intime, à l’acoustique ou tout comme.
C’est au Caillou que ça se passe et nous avons déjà eu l’occasion d’en parler dans ces lignes. Ce qui est sympathique ce soir c’est le compagnon choisi pour le duo, le bassiste Jean-Marie Morin qui dès 2015 avait participé à la première formation de Tom, lui le grand frère bienveillant de tous ces poulains pas encore dégrossis. Et quand le groupe de Tom en 2017 s’est entièrement recomposé, c’est avec soulagement que nous avons compris que tout s’était passé par choix personnel des uns et des autres et non par conflit. Preuve ce soir que les contacts musicaux et amicaux existent toujours, voilà Tom et Jean-Marie sur scène. Et Christophe de Miras l’ancien clavier est là lui aussi et bien sûr ira rejoindre les deux autres à la fin du concert.
Jouer du jazz, s’adapter en temps réel, improviser, s’écouter, mais aussi maîtriser le langage commun des standards, celui qui permet à des musiciens qui ne se connaissent pas d’instantanément dialoguer, voilà une des raisons de ces duos mensuels, progresser, varier les plaisirs, garder sa fraîcheur et son humilité.
La terrasse du Caillou est très remplie ce soir, Action Jazz est fortement représentée, les amies et amis de Tom sont là bien sûr mais aussi le public plus anonyme qui le connaît déjà – de plus en plus -ou le découvre.
Concert intimiste et perpétuel dialogue entre Tom et Jean-Marie ce dernier avec sa magnifique basse artisanale du luthier périgourdin Baptiste Vergnaud. Belle résonance de cette basse six cordes qui répond si bien au jeu précis et volubile mais sans esbroufe de l’Ibanez de Tom. On va entendre Pat Metheny – bien sûr – mais aussi Miles (All Blues, So What, One Day my Prince…), Stevie, Bobby (oui Bobby Hedd et son éternel Sunny)… L’automne approchant, la fraîcheur de cette soirée nous le rappelant, voilà « Les Feuilles Mortes ». Rien d’extravagant me direz-vous, c’est le principe des standards mais c’est dans les impros que tout cela prend vie, les circonvolutions, les surprises mutuelles, les détours, les retours ; et la complicité entre les deux est ici flagrante. Du bonheur simple, partagé, qui rejaillit sur l’auditoire.
Musique cool, amis, assiettes bien garnies, les bonnes choses sont parfois tellement simples.
Le site de TomIbarra : https://www.tomibarra.com/
La page de Jean-Marie Morin : https://www.facebook.com/JMBASSE/
