ANDERNOS JAZZ FESTIVAL 2022 – jour #3
Le 31 juillet 2022
par Philippe Desmond et Martine Omiécinski, photos Philippe Marzat (cliquer sur les photos pour agrandir)
« Gospel au jardin »
Après la traditionnelle messe chantée par la remarquable Karelle à la voix si pure, place au gospel, une des origines du jazz, avec le Bordeaux Mass Choir et ses tenues chamarrées. Ambiance garantie, participation du public, partage de bons sentiments, c’est la joie dans le jardin Louis David. Dans un coin de la grande foule, deux femmes dont l’une ne perd pas une miette du spectacle, chantant elle aussi tous les titres. Personne ne l’a reconnue, c’est une des plus grandes chanteuses américaines de gospel et négro spirituals (d’opéra aussi) Bridget Bazile de passage dans le coin entre deux concerts. Nous l’avions rencontrée lors de son passage mémorable au festival Southtown 2019. Pourquoi n’êtes vous pas allé chanter avec eux lui demanderai-je , je suis en vacances me répondra-t-elle dans un de ces éclats de rire qui la caractérise. Dommage.
« Swing Colors au pic du soleil »
Un petit tour sur l’esplanade de la jetée, l’eau du Bassin d’Arcachon est partie au large, les bateaux sont sur la béquille mais sur scène ça joue encore. Au tour de Swing Colors d’animer l’apéro : Robin Dietrich (guitare), Thierry Lujan (guitare et harmonica), Guillaume Lambelin (basse) et Lucy Southern (violon) proposent du swing, du blues à un public nombreux contenu sous l’ombre, nécessaire pour ne pas fondre, du gros pin central. Joli succès.
Le Bord’Old Jass Band déambule quant à lui quelque part dans la ville qui n’a pas connue une telle fréquentation depuis bien longtemps. Tout le monde est heureux de retrouver le festival trois ans après !
« Ales Demil découvre son public »
Ales Demil arrive de la Rochelle, il vient d’avoir 16 ans et en plus de jouer merveilleusement bien de la guitare il compose ses titres. Il avait été la révélation du tremplin Action Jazz en septembre 2021 et c’est là qu’Eric Coignat le directeur du festival l’avait remarqué, lui offrant aujourd’hui sa première scène de festival, la seule pour le moment après le tremplin. En trio avec Damien Thebaud au claviers et Lucca Ferrari à la batterie, il a fait la balance comme un pro, apparemment pas intimidé. Quand le public va arriver en nombre on va sentir une pointe de nervosité vite balayée une fois les premières notes jouées. Son idole c’est Pat Metheny, ça s’entend mais il a déjà sa propre patte et ses compositions pour ce power trio guitare, orgue, batterie sont bien abouties. Des développements, des variations, de longs chorus de guitare mais aussi la parole à chacun de ses compagnons, voilà une set de près d’une heure trente très prometteur nous qui ne l’avions vu au tremplin que sur une demi-heure. Un beau succès pour ce talent à surveiller et déjà très bien entouré.
« Une douceur sucrée sur la plage avec March Mallow ! »
Par Martine Omiécinski
Déjà dimanche soir et le concert de clôture du festival sur la plage du Bétey, sur fond de Bassin d’Arcachon et de mats de bateaux ! Le QUINTET MARCH MALLOW ouvre la soirée, c’est le coup de cœur avoué d’Eric COIGNAT l’organisateur du festival !!
Astrid VEIGNE : Chant ; Eric DOBOKA : guitare ; Christian d’ASFELD : Piano ; Thomas PLES : Contrebasse ; Jean Pierre DEROUARD : Trompette en special guest
Dès le premier morceau nous comprenons pourquoi Eric COIGNAT est tombé sous le charme de cette formation au son si particulier, proche de celui des groupes des années cinquante (avec micro à l’ancienne), de la voix à la fois de velours et légèrement éraillée de la ravissante et souriante Astrid VEIGNE. « Let’s fall in love », tout en douceur nous happe, quelle belle complémentarité des 3 instruments : piano de Christian d’ASFELD, guitare sèche d’Eric DOBOKA et contrebasse de Thomas PLES.
Puis sur « Road 66 » bien bluesy, la rythmique éclate, la voix se fait puissante le public est conquis !
Sur « I’m a fool to want you », une mélodie romantique, entre en scène Jean-Pierre DEROUARD (un très grand batteur aussi !) pour un dialogue amoureux entre la trompette et la voix très sensuelle d’Astrid…Magnifique !
Pour « Just you, just me » l’accent est plus jazz avec ce son très fifty des club de jazz new-yorkais, à la trompette bouchée….Le public jubile
« Willow weep for me » : émotion garantie, la voix est un diamant pur – (Billie Holiday sort de ce corps s’il te plait !) la guitare et la trompette très lyriques ajoutent du romantisme !
« Hit that jive » : l’entame est chantée en chœur, avec des claquements de doigts, le public embarque sur ce jive endiablé très maîtrisé par la virevoltante Astrid.
« Little girl » : Super groove du piano, belle harmonie des cordes…Super !
« Straighten up and fly right » : la voix est divine, l’attitude aussi : gracieuse, habitée, un de mes voisins dira : « une princesse » ! quant aux chorus de piano et de guitare…subtil et beau !
« Honey Hush » swingue à souhait !
« Dreaming love », une nouvelle composition du groupe qui sera dans leur prochain album : Astrid est à nouveau très Lady Day sur un dialogue contrebasse/guitare sèche !
Suit un « Mister Bojangles » chavirant, valse lente, guitare déchirante, contrebasse à l’archet, voix pénétrante ! On ne pensait pas éprouver à nouveau tant d’émotion après Nina SIMONE !
« That ain’t right » voit le retour sur scène de Jean Pierre DEROUARD, trompette en sourdine, très blues pour un dialogue avec la voix qui se fait puissante sur la rythmique instillée par la guitare et le piano.
Ce « September in the rain » célébré en son temps par Dinah Washington et Sarah Vaughan est ici parsemé de clins d’œil réjouissants à d’autres grands standards.
« When you are smiling » : cette douce mélodie à l’entame interprétée avec grâce et sourire s’accélère, Astrid danse, un beau chorus de trompette nous cueille !
« Summertime » : le grain est éraillé à souhait, Astrid arrive à porter ailleurs, dans son univers, cet immense standard chanté par Ella FITZGERALD, le premier quartier de lune et le soleil couchant derrière la scène, le lyrisme de la guitare et de la trompette subliment ce grand moment.
« I put a spell on you », tant de fois repris arrive encore à nous émouvoir
Rappel sur un « Nature Boy » tout en douceur qui clôt cette très belle première partie.
« Concert de clôture du festival tonique avec Tricia Evy »
Par Martine Omiécinski
La deuxième partie de soirée, toujours sous le signe des voix féminines, accueille Tricia EVY et son quartet.
Tricia EVY : Chant, David FACKEURE : Piano ; Damien VARAILLON : Contrebasse ; Jean Claude MONTREDON : Batterie
Cette chanteuse d’origine antillaise avoue ses influences : Ella FITZGERALD et Billie HOLIDAY, Louis ARMSTRONG, Stan GETZ et le patrimoine musical antillais entre autres. Comme l’annonce l’organisation du festival, on aura donc un cocktail de biguine, de jazz et de bossa nova !
Effectivement, dès le premier morceau, en créole, Tricia EVY chaloupe dans sa longue robe rouge sur les tempos précités avec un hymne à la Martinique. Elle s’offre à l’épreuve du scat, nous faisant découvrir sa chaude voix et l’ampleur de sa tessiture.
D’autres beaux morceaux en créole égrènent le concert :
- Sur la reprise d’une biguine du célèbre groupe MALAVOI Tricia descend allègrement dans les graves, elle fait lever le public pour qu’il fasse les chœurs et qu’il danse….ambiance assurée !!!
- Sur le très chaloupé « Ti commission la » un original duo voix/contrebasse de Tricia et Damien VARAILLON, un solo « groové » de l’élégant batteur Jean Claude MONTREDON, tout en finesse qui se permet même des micro-silences lors de ses chorus de batterie (du jamais entendu pour ma part !)
- Sur « Aie Aie Aie Doudou » retenons le beau dialogue très complice entre le pianiste David FACKEURE et Tricia
Quelques compositions personnelles romantiques dont « Meet me on the bridge » entre sérénade et ballade jazzy l’amènent à jouer d’une petite guitare sèche sur le brio de la rythmique et du piano.
Concernant les standards de jazz, nous sommes vraiment gâtés :
– Sur « You’d be so nice to come» la rythmique envoie un beau groove très dansant, la belle voix ample de Tricia résonne, la rondeur du son de la contrebasse de Damien VARAILLON rivalise avec la loquacité du piano de David FACKEURE et la subtilité de la batterie.
– Sur « Golden Earrings » le standard préféré de Tricia (chanté par Peggy Lee), son phrasé et son scat mettent en valeur ses beaux graves sur un magnifique solo de piano en parfaite liberté ainsi qu’un brillant chorus de contrebasse
Venons en à la bossa nova :
- Sur « Samba triste » de Baden Powell, la rythmique se déhanche et Tricia propose son propre texte
- Sur « Agua de beber » d’Antonio Carlos Jobim, beaucoup chanté par Astrud Gilberto, le brésil a envahi la scène et le public, Tricia joue de toute l’étendue de sa voix et « scate », les 3 musiciens prennent remarquablement le solo chacun leur tour.
Quant au rappel, elle rend hommage à Ella FITZGERALD et Louis ARMSTRONG avec « On the sunny side of the street » sa belle voix, à l’aise sur tous les registres, imite même la trompette d’ARMSTRONG le final est à la hauteur pour clore cette édition du festival de jazz d’Andernos.
Un grand merci pour la qualité des programmations, du choix des lieux, et de la qualité de l’organisation. Encore merci aux techniciens pour la qualité du son et des lumières ! Vivement l’année prochaine !
Galerie photos de Philippe Marzat (droits réservés)
Ales Demil trio
March Mallow
Tricia Evy