Par Dom Imonk, photos Thierry Dubuc.
Saint-Émilion dimanche 23 juillet 2018
La nuit fut courte, normal, après tant d’émotions ! Mais nous voici de retour, frais et dispo, pour plonger dans un autre flow tumultueux de sons et d’images, l’acte III d’une édition qui fera date.
En tout début d’après-midi, c’est un Robin & The Woods en état de grâce qui accueille les festivaliers au Parc Guadet. On sait les sources de leur inspiration. Par une écriture riche, singulière et évolutive, ils savent établir avec originalité des liens éclairés, entre leur vision du rock 70s tendance King Crimson voire Soft Machine, et celle de ce jazz actuel en ébullition qui les passionne, et dont ils sont désormais aussi les acteurs. Robin Jolivet (guitare, compo), Jérôme Mascotto (saxophone ténor, compo), Alexandre Aguilera (flûte), Alexis Cadeillan (basse) et Nicolas Girardi (batterie) progressent tous à pas de « gentils géants »!
Même impression de fraîcheur créative avec Scott Tixier, jeune violoniste virtuose d’origine française, établi à New York. Accompagné des excellents Glenn Zaleski (piano, Rhodes), Joshua Crumbly (contrebasse) et Allan Mednard (batterie), très actifs dans cette ville bouillonnante, ils se saisissent à bras le corps de ce jazz qui les inspire et les a construits, en réécrivant d’un ton neuf ses pages les plus belles. C’est le retour flamboyant de ce bel instrument. Bienvenu donc dans le club très fermé de ses grands représentants, de Jean-luc Ponty à Mark Feldman, sans oublier Didier Lockwood, parti bien trop tôt, pour lequel on aura une pensée émue.
7° Art oblige, nous voilà partis à la Salle des Dominicains, pour voir un excellent documentaire sur Lalo Schifrin, compositeur incontournable de musiques de films et de séries, dont nous conservons tous au moins un souvenir, blotti quelque part dans un recoin de notre cœur.
Puis place au Quiz, auquel Dominique Renard a eu l’amabilité de m’inviter. Un grand merci à lui ! L’occasion de réécouter quelques musiques qui ont marqué l’histoire du cinéma. Public nombreux et très affuté ! Ainsi, d’Ascenseur pour l’échafaud, à Mannix, en passant par Salut l’artiste et Les 3 jours du Condor, on a pu évoquer foule de compositeurs, parmi lesquels Lalo Schifrin, Quincy Jones, Vladimir Cosma, Dave Grusin… mais aussi et surtout Philippe Sarde, mis à l’honneur la veille par Stéphane Belmondo, dont certaines musiques de films voyaient conviés des géants tels que Stan Getz, Wayne Shorter et Chet Baker. Résultat, 16 bouteilles de vin de Saint-Émilion furent ainsi gagnées par les plus perspicaces, bravo à eux !
Retour au pas de course au Parc Guadet, où The Kilometers ont déjà commencé à chauffer le public, d’un funk torride, on adore ça ! Ils rendent ainsi hommage aux mythiques Meters, monument toujours actif à la Nouvelle-Orleans, mais aussi au groupe funk Lettuce, autre héro de la bande. Hormis deux ou trois reprises, ils jouent leurs compositions, carrément musclées. Jean-Loup Siaut (guitare, compo), Jonathan Bergeron (saxophones), Robin Magord (claviers), Louis Laville (basse) et Didier Bassan (batterie), cinq garçons dans le vent fort d’un groove sacrément affuté, taillé au « millimeters » près !
C’est dans la Salle des Dominicains que se donne maintenant le ciné-concert « No Turning Back » proposé par Christophe Maroye (guitare, compo, images et vidéos). Avec Matthis Pascaud (guitare), Hervé Saint-Guirons (hammond, claviers), Marc Vullo (basse) et Didier Ottaviani (batterie), c’est un spectacle total qu’il nous a offert, mêlant avec délice la superbe musique de son album « No turning Back » à ses propres photos et vidéos qui ne le sont pas moins. Les deux guitaristes ont chacun à leurs pieds, d’impressionnants racks d’effets, aux boitiers multicolores, figurant les palettes de couleurs des peintres sonores qu’ils sont. Portés par une rythmique époustouflante de cohésion, et un subtil interplay, ces instants d’exception sont sans nul doute l’un des évènements marquants de cette 7° édition.
Nous repartons les yeux pleins de sons et les oreilles pleines d’images, pour rejoindre au Parc Guadet le magnifique Body & Blues Project d’Éric Séva (saxophones, compositions). Entouré de Michael Robinson (chant), Manu Galvin (guitare), Christophe Cravero (claviers), Christophe Walleme (basse) et Stéphane Huchard (batterie), Éric Séva raconte de touchantes histoires, formant un kaléidoscope dont le blues humaniste engagé émeut. Musique idéalement servie par des musiciens au feeling passionné. Des thèmes tels que « Jolie Marie-Angélique », « Blues diaphane » et autre « Trains clandestins », préalablement commentés par Éric Séva, indiquent sa grandeur d’âme, et le souci constant qu’il a de composer et jouer sans oublier celles et ceux qui souffrent, nous incitant avec tact à penser à eux.
La soirée aux Douves du Palais Cardinal s’annonce sous les meilleurs auspices, avec en ouverture, un solide groupe de « latin blues », le Vargas Blues Band. A trop vouloir comparer le brûlant feeling de son leader Javier Vargas (guitare, compo), à celui de Carlos Santana, on en viendrait presque à occulter les scintillements de son âme sincère, ce qui serait fort injuste, tant les compositions, toutes de sa plume, et son jeu de guitare fluide et lumineux lui appartiennent et sont sa marque. Pour l’occasion, Javier Vargas a invité John Byron Jagger (neveu de Mick) (chant), et retrouve ses fidèles Bobby Alexander (chant), Enrique Serrano (claviers), Luis Mayo (basse, chant) et Peter Kunst (batterie, chant). Chaleureux concert, introduction idéale à l’arrivée d’un grand seigneur du funk.
Depuis ses origines, le Saint-Émilion Jazz Festival n’a jamais caché son amour du funk. Du Parc Guadet aux Douves, il y en a toujours eu. On n’oubliera pas les concerts explosifs de Nile Rodgers & Chic, ou du Earth Wind and Fire Experience. Alors rien d’étonnant que soit invité l’immense Maceo Parker (saxophone, compo, chant), l’un des derniers géants du funk, membre des JB Boys du Godfather, avec Fred Wesley et Pee Wee Ellis, et devenu encore plus célèbre lors de ses participations bouillantes au sein du groupe de Prince, le « Kid of Minneapolis ». Porté par le groove irrésistible que libèrent les historiques Bruno Speight (guitare), Greg Boyer (trombone), Will Boulware (claviers) et Rodney « Skeet » Curtis (basse), auxquels se joignent choriste et batteur métronomique, l’effet Maceo a fait se lever la foule pour danser sur les « Pass the Peas » et autres brûlots qui ont fait trembler les pierres encore chaudes des Douves. Concert passion, concert amour, le mot « LOVE » est bien visible sur la scène, mené avec une classe infinie par ce beau jeune homme d’à peine 75 ans ! Respect total à ce grand homme !
On quitte les Douves avec des étoiles plein les yeux, et le cœur gonflé à bloc, pour finir en beauté cette 7° édition, sous les éclairs fulgurants que Nojazz, ovni electro-soul, diffuse aux quatre coins d’un Parc Guadet illuminé par les rythmes d’airain, les breaks et les chorus effrénés des soufflants, mais aussi et surtout par les sourires d’un bon millier de gens heureux. On rend grâce aux pilotes survoltés de ce vaisseau fou qui sont Pascal Sellam (saxophone), Philippe Balatier (claviers), Pascal Reva (guitare et percussions), Jeffrey Mpondo (chant) et Alexandre Herichon (trompette) qui remplace Sylvain Gontard. Tout le monde est debout, ça danse, ça vit, on voudrait tant que ça se poursuivre jusqu’au petit matin ! Durant ces trois jours, la fête fut partout, celle du cinéma, celle du jazz et de ses multiples et souriantes planètes. C’est ça la magie Saint-Émilion, qu’on espère bien retrouver en 2019 !
Merci pour tout à Dominique Renard et à tous ses bénévoles, merci aux musiciens, aux partenaires et au public !
Par Dom Imonk, photos Thierry Dubuc.