Festival Jazz La Rochelle 2021
par NN & Vince pour les commentaires et Philippe Blachier pour les belles photos
Vendredi 15 octobre : 2 Nicolas pour une trompette
Hasard de la programmation ou clin d’œil appuyé, la troisième soirée est placée sous le signe de la trompette et de l’un des plus grands, Miles Davis, dont on fête le 30ième anniversaire de la disparition cette année. D’ailleurs, le pianiste René Urtreger qui a enregistré avec Miles le BO d’«Ascenseur pour l’échafaud », honore de sa présence (et du haut de ses 87 ans) cette soirée hommage.
Premier set : Nicolas Gardel & Thierry Olé
Un Gardel à couper le souffle !
Comme à son habitude, la Sirène offre un écrin d’une qualité sonore irréprochable à un public venu ce soir retrouver un instant l’ambiance Club de Jazz du New York des années 50. Petites tables éclairées par des photophores, verres de vins et bocks de bière, et comme on est à La Rochelle, quelques huîtres pour la touche locale et le plaisir du palais.
Et, pour le plaisir des oreilles, nous y voici. Nicolas Gardel et Thierry Ollé nous livrent un répertoire éclectique blues, jazz, pop toujours très swing, le tout saupoudré d’effets, qui nous font voyager du ragtime de Gershwin à Alicia Keys en passant par Chet Baker et Mile Davis, évidemment.
Le set commence avec « Dive with me », et on plonge littéralement dans l’univers onirique de Gardel dont la trompette transpire de lyrisme et d’effets de nappes, entre violons et synthés. Après « Janis », une autre compo plus « acoustique », Nicolas rend hommage à l’autre grand trompettiste du XXème siècle, Chet Baker avec « I fall in love too easily ».
Vu récemment dans 2 projets très différents, auprès de HØST (Jazz 360 en juin) puis à Jazz en Touraine avec son groupe jazz electro-rock les Headbangers (en septembre), Nicolas Gardel prend ici une autre dimension où il semble plus épanoui, en totale liberté et en parfaite communion avec son partenaire sur scène, mais aussi avec le public.
Virtuose de son instrument et remarquablement accompagné par Thierry Ollé, Gardel, nous propose de belles balades (« Endless memory of you », « If I were your woman »), et des morceaux plus soutenus (« I got rythm », « Tom cat blues », « Seven steps ») dont chaque solo maintient l’auditeur en apnée ! La trompette chante, le piano l’enveloppe d’harmonies, le public retient son souffle (et ses applaudissements) jusqu’à la dernière note.
Second set : Nicolas Folmer « So Miles »
La « Saint Miles », comme Nicolas Gardel a osé le dire au cours du premier set, se poursuit avec le projet électrique du touche-à-tout Nicolas Folmer. De l’ONJ à Nojazz puis au Paris Jazz Big Band, à travers ses projets intimes sur les thèmes de Michel Legrand ou aux confins du funk avec Horny Tonky, Folmer rayonne sur le jazz hexagonal depuis plus de 20 ans. Cette dimension indiscutable légitime son projet appelé « So Miles » qui revisite le répertoire du monstre sacré et propose une relecture d’autres compositions « façon » Davis. Exercice toujours délicat pour un trompettiste, tant le son et l’œuvre de Miles Davis résonnent aux oreilles de tous les amateurs de jazz, Folmer s’apprête à ébouriffer la salle de la Sirène de son instrument bien embouché.
« So What » démarre le set, mais se contenter d’énoncer ce thème célébrissime eut été trop facile. Nicolas et ses 5 acolytes n’en développe que le solo, sur une rythmique reggae nonchalamment soutenue par les effets de guitare et le beat de batterie. Avant d’aller plus loin, notons que le sextet affiche un casting de luxe : Stéphane Guillaume (saxophones, flute), Olivier Louvel (guitare), Yoann Serra (batterie), Jerry Leonide (la star Mauricienne du clavier) et Philippe Bussonnet (bassiste de Magma). Malgré deux changements de line-up (Laurent Coulondre et Julien Herné étaient annoncés), la machine tourne comme de l’horlogerie suisse et ne boude pas son plaisir à faire tourner « Pinocchio » composé par Wayne Shorter (album Nefertiti), sur un funky beat qui envoie grave et ne laisse personne de bois, évidemment. « Footprints » est l’occasion de lancer Stéphane Guillaume sur un chorus brillantissime. Nicolas le rejoint à l’unisson sur le thème, trompette bouchée, dans une relecture tribale afro-bop transcendantale. Olivier Louvel maîtrise ses effets de guitare avec une rare expertise, Jerry Léonide s’envoie autant sur le piano acoustique qu’électrique. La finesse du jeu de Yoann Serra met en valeur la rythmique de basse plutôt rock imprimée par Philippe Bussonnet.
Les tubes s’enchainent, comme « Blue in green » et « Nefertiti », mais Folmer est aussi un redoutable compositeur et le morceau « What it is » sonne vraiment comme un original, « à la manière de ».
« Miles in the sky », titre méconnu de 1968 clôture le concert.
Produit par le label local Cristal Records, partenaire du festival, Folmer congratule l’équipe organisatrice. Visiblement, il se régale autant de partager la scène avec une telle équipe que de l’accueil chaleureux du public.
Généreusement, deux rappels viendront parachever cette soirée : « Get lucky » des Daft Punk, revisité à la sauce Miles par Folmer et « Human nature », un des derniers tubes de la carrière de son mentor.
La salle debout, apprécie, applaudit. Les 2 Nicolas ont vraiment tapé dans le Miles !
Plus d’images : https://private.joomeo.com/users/p.Blachier/albums/RzBib0E1c2UG1A_Ie3nM0Q . Encore merci à Philippe Blachier
https://www.cristalrecords.com/albums/nicolas-folmer-so-miles/