Texte : Dom Imonk, photos : Irène Piarou et Dom Imonk

Monségur 2018 en fusion, des tilleuls à l’Eden ! Samedi 07/07/2018

Ce n’est « que » la 29° des 24 heures du Swing, et pourtant, on se croirait déjà rendu à la 30° tant la programmation est riche et éclectique, ouverte à des courants d’air frais, bienvenus en cette canicule. Chapeau bas à l’organisation, et en particulier à Philippe Vigier, directeur artistique du festival. Les années passées, on avait pu en constater la tendance, voici donc une édition bien née, qui nous mène allègrement des Tilleuls à l’Eden, mais pas que. Car oui, la magie Monségur, c’est que le jazz est partout. Tous les styles s’y côtoient, et  se retrouvent à toute heure, en divers lieux de la bastide, entrainant le public, capté jusqu’au creux de la nuit par ces sons aguichants. Ainsi, dès le début de l’après-midi, les Halles accueillent les classes jazz du collège, puis l’atelier du lycée, alors que la soirée vibrera aux pulsations chaleureuses de Galaad Moutoz, et dansera le swing. On jamme à la rue Barbe avec l’Atelier Jazz Bdx 3, les G.I.V.Ré., Combo Jazz et Petit Amam. Le Commerce n’est pas en reste et groove  fort au rythme du Big Funk Brass. Le Monseg’ charme et attire par la grâce de ces Sophisticated Ladies qu’on aime (Rachel Magidson, chant, percussions, bugle ; Paola Vera, chant, piano et Laure Sanchez, chant et contrebasse). Enfin, Les Colonnes nous invitent à un Voyage Swing, et l’on aurait bien tort de s’en priver !

© Dom Imonk

Nicolas Girardi © Irène Piarou

Alexis Cadeillan © Irène Piarou

Jérôme Mascotto © Irène Piarou

Robin Jolivet © Irène Piarou

Alexandre Aguilera © Irène Piarou

Dès 19h30 les Tilleuls sont entrés « in » fusion, et on en a bu une belle tasse servie par les guillerets Robin & The Woods, groupe formé de Robin Jolivet (guitare, compo), Jérôme Mascotto (ténor sax, compo), Alexandre Aguilera (flûte), et le pacte imparable Alexis Cadeillan (basse)/Nicolas Girardi (batterie). Les compositions se créent,  se développent et évoluent, alliant avec intelligence les humeurs vagabondes d’un jazz/rock échevelé, en équilibre sur six cordes profondes et éclairées, aux envolées généreuses des « soufflants », les « bois », gardiens d’un temple « jazz », demeuré libre, serein et ce qu’il faut de flamboyant, ses portes s’ouvrant en grand et ne fermant pas à clef. Liberté totale donc, mais écriture précise, portée avec aisance et souplesse par une chevauchée rythmique d’une rare complicité. Mais nous voici déjà appelés vers un autre lieu !

© Dom Imonk

Thomas Bercy © Dom Imonk

Max Berton © Dom Imonk

Marco Codjia © Dom Imonk

Jonathan Hedeline © Dom Imonk

Éric Perez © Dom Imonk

Coltrane jubilée quartet + Marco Codjia © Dom Imonk

Tel un Paradiso s’offrant au soleil couchant, le Cinéma Eden nous accueille maintenant pour un premier concert, celui du pianiste Thomas Bercy, qui rend hommage à John Coltrane, en célébrant les cinquante ans de son départ  vers « l’espace interstellaire ». En réunissant son magique « Coltrane jubilé quartet », sur le projet « Orphée », notre pianiste, qui avait déjà honoré son héro l’an passé, vient à point nommé. En effet, comme une fulgurante comète du hasard, aux poussières d’or tombées du ciel, « The Lost album », composé d’inédits du maestro, est tout juste paru, précieux cadeau qui ranime la flamme de ce « suprême amour » que nous lui portons tous ! Autour de Thomas Bercy, se retrouvent de valeureux fidèles de ces libres lumières : Jonathan Hedeline à la contrebasse (à cinq cordes), Éric Perez à la batterie et en front stage Max Berton, aux saxophones ténor et soprano. Tous célèbrent avec ardeur l’esprit de John Coltrane, invitant pour l’occasion Marco Codjia qui, d’un slam réfléchi et gorgé d’intonations sobrement engagées, a su faire émerger des phrases profondes et vraies, empreintes  d’une touchante spiritualité,  qui sied si bien à ce visionnaire. Ce groupe est passionnant ! Il tente à sa façon de redessiner, avec une âme inventive et sincère, les espaces immenses et fulgurants ouverts en d’autres temps par le Trane, et il y parvient, avec cette grâce particulière qui nous perce le cœur.

Sly Johnson Band © Irène Piarou

Sly Johnson © Irène Piarou

Laurent Coulondre © Dom Imonk

Martin Wangermée © Dom Imonk

Ralph Avital © Dom Imonk

Laurent Salzard © Dom Imonk

Retour aux Tilleuls, pour de la soul et du funk ! C’est Sly Johnson qui a pris possession de la scène, et de vibrante façon. Le soleil s’est couché mais la température demeure ! Par l’absence de soufflants, le groupe affiche clairement une tendance rock. Un groove roots, rugueux et bouillant comme de la braise, qui pousse le public vers le dance floor, et c’est une irrésistible fête qui se vit. Sly Johnson est un redoutable entertainer, sa voix se modulant d’inflexions les plus tranchantes, à des chuchotements les plus soul. Du grand art porté par l’excellent Ralph Avital à la guitare et Laurent Salzard à la basse, aux lignes agiles des plus convaincantes. Mais Ô surprise, qui retrouve-t-on à leurs côtés ? Rien moins qu’un irrésistible duo déjà croisé en d’autres turbulentes occasions : Laurent Coulondre aux claviers, maître ès hammond, qui a quatre bras, si, si, on a vérifié ! Et Martin Wangermée , the « atomic drummer », impressionnant en bien des styles, mais le mode funk lui sied à merveille, ses chorus en ont témoigné ! La reprise à peine dissimulée du fabuleux « Slave to the Rythm » de la diva Grace Jones achèvera sans mal de nous convaincre.

Thomas Bramerie © Dom Imonk

André Ceccarelli © Dom Imonk

Enrico Pieranunzi © Dom Imonk

Décidemment, le temps passe très vite à Monségur ! Et le charme du jazz italien nous attend à l’Eden. On y retourne pour découvrir un « Ménage à trois », qui a déjà enchanté quelques lieux de la Nouvelle Aquitaine, et dont le disque lumineux a conquis bien des fans. Monsieur Enrico Pieranunzi en personne est dans la place, c’est un évènement ! Lui qui avait jadis côtoyé Chet Baker, se lie au magnifique André « Dédé » Ceccarelli, aux délicieux scintillements de batterie,  et à Diego Imbert à la contrebasse, remplacé ce soir par l’excellent Thomas Bramerie, dont on signalera la récente sortie de son premier disque « Side Stories », un bijou de sensibilité. Le concert est probablement l’un des plus beaux du festival. Cette féérie italienne, le romantisme à fleur de peau, l’impression de grandeur, Naples, Rome, Florence, mais aussi Fellini, tout est là, même dans les propos de présentation tenus par le leader, qui sont également musique, quoiqu’un peu forcés par moment. Comment ne pas fondre à cet hommage rendu aux grands classiques, à l’écoute des « Sicilyan dream », « La plus que lente/La moins que lente »,  « Mein lieber Schumann », « Persona » et « My funny Valentine » (en rappel) qui furent, ainsi que d’autres, joués avec une délicatesse rare et une profondeur d’âme que les italiens savent si bien dévoiler.

Moon Hooch © Dom Imonk

Moon Hooch © Dom Imonk

Moon Hooch © Dom Imonk

Nous quitterons l’Eden, émus et touchés, pour rejoindre les Tilleuls by night, où la fièvre n’est pas retombée sur la piste, avec Moon Hooch, des ovnis new-yorkais, échappés du métro de la grosse pomme, où ils ont peaufiné au rabot une transe mutante qu’ils ont ce soir offerte à un public de tous âges, ravi et avide de découverte. Deux hyper-saxophonistes mènent un bal multi forme, où tout fait ventre, du moment que ça pousse à la danse, sur le tempo métronomique étourdissant d’un batteur robot fou. Electro, soul  funk, hip hop, allons-y gaiement, tout y passe ! Pas de break, surtout pas, mais un flow continu, sans cesse renouvelé, où se succèdent des instruments bizarres, aux sons pour la plupart trafiqués, émergeant d’un temps futur. La démesure du « Brazil » de Terry Gilliam, en mode musical, n’est pas si éloignée, et l’on jubile à ces accélérations temporelles sans fin. C’est jouissif en diable, et ça fait un bien fou ! Une chose est sure, ces lumières ne vont pas s’éteindre de sitôt ! On ne manquera surtout pas de remercier FIP pour sa présence et son soutien indéfectible à tous ces évènements culturels indispensables, en saluant bien amicalement Françoise Lagaillarde, sa coordinatrice régionale. Demain sera un autre jour, et un dimanche à Monségur, chacun sait que ce n’est pas calme non plus !

Texte : Dom Imonk, photos : Irène Piarou et Dom Imonk

www.swing-monsegur.com

www.fip.fr

Demeure mystérieuse, au creux de la nuit © Dom Imonk